Clinquant et frétillant comme le saumon remontant la longueur d’onde. Séquenceurs rutilants mitraillant les tympans de cascades harmoniques arc-en-ciel, chatoyant sur des tapis d'ondes positives, on est ici chez un disciple propret de Klaus Schulze (que Steve ne se cache pas d'appeler "papa Schulze" à longueur d'interview) qui présente le visage grassouillet et replet d'Eckardt Tolle pour un show pyrotechnique cristallin et maitrisé, mais un peu asexué. Deux ou trois moments d'architecture gracieuse, mais faut vraiment les chercher.
(2/5)
https://steveroach.bandcamp.com/album/life-sequence
Mystic Chords & Sacred Spaces (4 CD !!) (2003)
Avec un titre comme ça, il faut quand même s’armer de foi pour arpenter ces immensités arythmiques et atonales, dépeuplées du moindre autochtone, et s'aventurer sur chacun des 4 CD qui composent le voyage organisé vers des espaces délimités comme "sacrés", "labyrinthe", "futur récent", et "morceau d'infini", même sans se soumettre aux diktats des marchands de tapis du marketing, particulièrement en verve pour pérorer et postilloner sur ce quadruple album (« the creme de la creme of Steve's work », mais ils disent ça souvent).
CD #1 : dans la veine atmosphérique, c’est un opus imposant du sculpteur paysagiste d'espaces sonores, devis gratuit, travail soigné. Ne cherchons pas trop à le scruter des oreilles comme on dévisagerait un paysage visuel, mais laissons-le infuser à bas volume, en triant nos vieux relevés de CCP, en épluchant nos cactus pour faire une bonne omelette au peyotl, suspendons notre jugement pour un temps et respectons notre part du pari que Steve prend avec l'auditeur sur sa capacité à entrer dans le majestueux mais minimal royaume des mondes électro-acoustiques non rythmiques.
Nous voici en vue des contreforts liquides du travail "immersif" qui s’étalera (s’écoulera, même) sur le reste de la décennie.
C'est souvent froid comme un Vangelis sous barbituriques, mais si on ne s'immerge que là-dedans pendant quelques temps, on finira par la trouver bonne. C’est physiologiquement prouvé.
Le spectre d’effets secondaires s'étend du sédatif léger à l'anesthésie totale, c’est pourquoi les barbituriques sont de nos jours beaucoup moins prescrits en raison de leurs effets indésirables, du risque d'abus, et de l'arrivée sur le marché de molécules à l'action comparable mais aux effets secondaires réduits et à la toxicité limitée (entre autres les benzodiazépines). Ici on est moins neurotoxique que juste chiant. Ah, tiens, le jugement est revenu par la porte de derrière, après avoir fait le tour par le jardin.
CD #2 : sous une voûte immense, un accord cristallin se déploie en réverbérations inhumaines, qui ont commencé d’éclore bien des éons avant le début du morceau et persisteront longtemps après sa fin, émanant comme autant d’acouphènes divins tombés d’un céleste empire sur nos crédules esgourdes, ponctué de crissements d’oiseaux et d’insectes. Quiétude qui n’évolue que très lentement. Dans trois jours, l’organiste risquera peut-être un do# à la tierce majeure sur la partie haute du clavier, qui mettra plusieurs CDs à s’épanouir pleinement, mais je n’en mettrais pas mes ailes de chérubin à couper. Dans ce qui est peut-être un voyage rêvé vers un Groënland imaginaire, car dépourvu du moindre esquimau, toute chaleur n’est pas exclue, mais ça met très longtemps à fondre. Les esquimaux aussi.
CD 3 : l’équivalent sonore d’une de ces lampes à lave psychédélique des années 60 qui contenaient un liquide transparent dans lequel évoluaient des boules colorées de cire fondue, montant et descendant selon la chaleur dégagée par l’ampoule placée dans le socle.
On perd vite pied dans cet océan de sons retournés à l’état liquide, indifférenciés, et en plus on risque d’attraper des amibes. Même pour un professionnel du désert comme Théodore Monod/stéréo, 4 CD d’aridité aquatique, c’est trop ténu pour être écouté, mais quand le mental lâche prise et qu’on l’entend enfin, ça peut troubler : au moment où on cesse d’y prêter attention, ça peut s’offrir à vous. Etonnant, non ?
CD #4 : il faut encore un sursaut de foi pour entrer dans la « piece of infinity » sorte de caverne lumineuse pas vraiment mortifère, mais si languide que la somnolence est garantie et l’accident certain si écouté sur autoroute. On est à nouveau dans les limbes, qui désignent soit un état intermédiaire et flou, soit le séjour des âmes des justes avant la Rédemption, ou des enfants morts sans baptême. Comme je ne sais plus trop où je suis, au bout de 4 CD, mais que je me rappelle que je ne suis pas baptisé, je vais rester poli. Des fois que.
(1/5)
https://steveroach.bandcamp.com/album/mystic-chords-and-sacred-spaces-complete-edition
Texture Maps (2003)
Attention, vieux inédits de la fin des années 80 en voie de recyclage. Au début du disque, on sent bien que Steve apprend à jouer du synthé, en mettant plein de réverb pour masquer son angoisse quand il ne sait pas finir ses phrases musicales, et aussi pour masquer les pains; un tic déplaisant qu’il conservera longtemps. Puis la dissonance harmonique s’installe et hante durablement ses prairies ondulantes de sons désaccordés, au bord du malaise. Et quelle morne plaine !
Le disque idéal pour faire fuir vos amis en fin de soirée (selon Télédrama)
(0/5)
https://steveroach.bandcamp.com/album/texture-maps
Space and Time (2003)
Compilation d’extraits de ses œuvres précédentes, à offrir à ceux de vos amis avec lesquels vous n’êtes pas encore fâchés (un indice : ce sont ceux qui n’ont pas fui la veille en fin de soirée)
Pas désagréable, mais la balade est un peu rapide : un morceau de Steve Roach de moins de quinze minutes donne toujours l'impression d'être tronqué.
De fait, ici ils le sont tous.
(3/5)