jeudi 4 août 2022

Daniel Goossens - Introuvables mais retrouvés (1977/2022)

Une compilation faite à la main d'histoires courtes de Daniel Goossens, parues essentiellement dans 40 ans de Fluide Glacial. Certaines ont été reprises, postérieurement à ma sélection, dans Ga, et dans Adieu Mélancolie. Je n'ai pas le courage d'enlever celles parues à l'époque en albums ("le messie est revenu", "l'esprit le corps et la graine"...) (car en vérité, comme je le lis dans le nouveau Métal Hurlant n°3,  les geeks qui achetaient les revues de BD dans les années 70 les conservaient, et du coup n'achetaient pas les albums, et je ne les ai pas pour comparer) ni de vérifier dans les bibliographies qui font autorité (le p.l.g.p.p.u.r. de 1986 que je n'ai pas encore retrouvé au garage, la monographie de frémion, la phénoménale bibliographie de bdoubliées), c'est déjà bien assez de boulot que de les rassembler avec un semblant d'ordre chronologique.

Je voulais pas faire de couverture pourrie avec photoche,
mais mon éditeur m'a forcé ! 


un lien intéressant :


Le mode d'emploi idéal de votre lecture de l'été !
N'oublie pas tes 18 piles 1.5v pour alimenter ta tablette sur la plage !

le lien vers le fichier :

Après avoir relu tout cela, m'apercevoir que Goossens décrit la laideur, la médiocrité, les processus psychologiques de compensation du moi déficient, la sexualité comme une névrose sans remède, et que c'est pour ça que je l'aime. C'est un peu triste. 

jeudi 28 juillet 2022

Jon Brion - Something you can't return to (2008)

Voici une descente harmonique qui évoque et accompagne admirablement les sentiments de perte, de deuil, d'impossibilité d'accomplir quoi que ce soit de non-dérisoire avant la mort, de fuite du temps, d'accablement, d'impuissance et de désespoir arômatisé goût caramel du film Synecdoche (dans l'appartement en combustion spontanée permanente dans le film, puisque le caramel, c'est du sucre qui brûle dans une casserole dont l'eau se retire).
Morceau fort justement titré "quelque chose vers quoi tu ne peux retourner"

et son retour, qu'on n'espère pas éternel.



 Et pourtant, c'est pas faute d'essayer.

Et la petite chanson qui achève bien les chevals.

A part ça, Jon Brion est surtout connu pour le Theme d'une implacable mélancolie écrit pour la musique de le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jon_Brion

jeudi 21 juillet 2022

Morris et Giraud - variations western (1973)

trouvé dans le Pilote annuel 1973, une lecture d'été idéale, une planche de Lucky Luke relookée par Giraud, ainsi qu'une planche de Blueberry revisitée par Morris.




Comme quoi Blutch n'avait rien inventé, avec ses variations
(qui m'ont laissé indifférent voire offusqué de l'inanité de la chose, toute arty qu'elle fusse)
Et moi non plus, je n'ai rien inventé, puisque j'ai ensuite trouvé une chronique sur ces variations chez Li-An
mais c'était trop tard, mon article était déjà chez Li-mprimeur.

jeudi 14 juillet 2022

Dan Romer - Station Eleven Soundtrack (2021)

Le jour du 14 juillet, je reste dans mon nid douillet. La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas. Sauf s'il s'agit des fanfares berlinoises d'avant-guerre, ou alors des mélopées issues des films et séries qui me meuvent.
le space opéra,
ce truc pour les mémés de droite, 
qui lisent Zemmour et Heinlein.
C'est après m'être retapé les 5 saisons de The Expanse avec le fiston avant d'être bien déçu par la 6ème être tombé presque par hasard qui n'existe pas sur le pilote de Station Eleven, une mini-série qu'un bloggueur m'avait vendu comme une trouvaille majeure sur son lit de mort, que je me suis rendu compte que question science-fiction, le space-opera est un sous-genre appartenant définitivement au passé bourrin, réactionnaire et en état de mort cérébrale de la SF (sauf Tchaikowski).
D'ailleurs nous ne sommes mêmes pas fichus de retourner sur la lune cinquante ans après Louis Armstrong, lune qui si ça trouve n'existe même pas, sauf dans les chansons rétrofuturistes de Guy Béart et les bédés de Daniel Goossens, sans parler des interminables tutoriels pour utiliser des toilettes en gravité zéro, qui ne sont que du lobbying à peine déguisé de la NASA qui nous prend pour des quiches; alors que face à Station Eleven, j'étais soudain en présence de l'anticipation du turfu. 

Photo décadrée + musique raffinée
= la Classe à Dallas
Station Eleven est une fiction post-pandémique dont je n'attendais rien, d'ailleurs rien qu'à l'annonce du thème j'ai failli me barrer, alors quand j'ai été attrapé, ben... j'ai été bien attrapé. Encore du rata pandémique ? bof bof me disais-je dans ma ford intérieure; vu qu'il m'arrive encore d'oublier de mettre mon masque en parcourant d'un air guilleret les rayons de monsieur bricolage chaque fois que ma femme s'absente une semaine et que je suis pris d'une incoercible envie de rénover la terrasse en bois exotique pour qu'elle puisse en jouir dès son retour, on dirait bien que j'ai presque oublié l'infâme microbe qui nous a tenu la dragée haute pendant deux ans, alors que lui continue sans doute de penser à moi avec la bave aux lèvres, s'il en a, et en fiction sérielle, c'est pas un sujet qui m'attirait. Ultimement, son sujet d'étude est l'humanité intrinsèque des êtres humains, et comment elle peut faciliter (ou pas) la transition sociétale lors d'un effondrement civilisationnel. Ah tiens, c'est encore moins sexy raconté comme ça. Tant pis.
C'est une série branchée "réconciliation avec l'Autre", suggérant des pistes d'atterrissage dans des aéroports désaffectés pour la résolution des conflits humains avec le minimum de violence et de casse sociale possibles. 
Bien sûr, en vrai, dans un monde post-apo, issu en droite ligne de l'ancien où nous étions condamnés à manger du poulet et du poisson d'élevage à tous les repas jusqu'à ce que rupture de stock s'ensuive, les survivants ne passeraient pas leur temps à jouer du Shakespeare sur des scènes itinérantes, le long d'un parcours circulaire annuel autour du lac Michigan; Shakespeare ?(dont il est beaucoup question dans la série, mais chut, je suis en train de parler d'autre chose et on ne va pas ouvrir trois bataillons de parenthèses comme dans le Manuscrit Trouvé à Saragosse) ils n'auraient guère le temps de jouer Shakespeare, ils cultiveraient des pommes de terre, se disputeraient âprement les femelles, et  les mâles les plus alpha réinventeraient le mormonisme.

dans le monde vraiment post-apo qui vient pas pour de rire,
les vegans femelles finiront en salade de thons
Mais c'est sympa de privilégier la Beauté du Geste plutôt que de nous bourrer le crâne avec du survivalisme à la mords-moi-le-Walking Dead, qui finira par nous faire pousser la porte d'une armurerie pour nous acheter de quoi nous défendre de nos voisins, et là ça sera l'escalade. Ca nous change un peu des réflexes de l'archéocortex. Il y a comme un pari sur l'humain et sa capacité de résilience, sans s'infliger tout Cyrulnik, même en édition de poche. Au final, on voudrait nous contraindre à une empathie un peu suintante par les commissures de la fiction, qui pousserait presque à faire des câlins à des inconnus, voire des conseillers de la banque postale, même si ça serait pas des gens pas vus depuis très longtemps, qu'on ne s'y prendrait pas autrement pour que cette émotion bisounours à large spectre nous contamine d'une compassion diffuse envers tous les personnages de la série, idée qui nous aurait révulsé avant l'irruption du Covid_19, mais qui est ici tout à fait stimulante.
une image de Station Eleven bien rafraichissante par ces chaleurs, madame Michu.

J'abomine l'expression "récit choral", mais faut reconnaître que là, ça en est. Les éléments de l'intrigue sont d'abord juxtaposés dans un savant désordre temporel, dont le raccommodage façon puzzle se fait très progressivement, et avec un peu de malice, mais si ils énonçaient les faits dans l'ordre chronologique, est-ce que ça serait aussi réussi ? les esprits chagrins et chafouins pensent que non, mais on les emmerde. 
Le labyrinthe causal ne bloque pas l'émotion, et s'écoule avec fluidité dans les rigoles prévues à cet effet. 
Ce qui m'a séduit et convaincu de rester, ce sont ces allusions croisées (et tout d'abord poétiques mais obscures) à une bande dessinée faite à la main et tirée à 5 exemplaires, dont certaines réparties, répétés ad libitum et nauseam, deviennent des prophéties auto-réalisatrices, ce qui m'a évoqué un bon souvenir télé : la première saison d'Utopia, où il y a aussi un comic-book handmade, et une pandémie, non, tulirapa téléramadan pour récupérer tes souvenirs d'icelle, et puis rapidement, l'argument pandémique passe à l'arrière-plan, le vrai sujet je l'ai dit c'est l'humanité (réelle ou simulée) des personnages, dans un contexte civilisationnel inédit.

la couverture du roman graphique au tirage confidentiel imaginé dans la série
(art from Maria Nguyen)

C'est une fable philosophique. L'univers est prenant, les personnages attachants, les acteurs magnifiques, la direction artistique très jolie, et la musique de Dan Romer nous berce comme du Calmolive, le savon des stars qui adoucit aussi les prunes, en tout cas c'est ce que disait Desproges, bref c'est une belle réussite que je recommande, dit-il à la cantonade.
une autre série de Patrick Somerville
déroutante et acidulée, 
comme je viens de le dire en face.
Patrick Somerville invente ici le feel good post-pan TV show. Je suis touché, alors je m'intéresse alors à ses autres travaux :
Maniac, sa précédente série, était déroutante et acidulée. Je me suis tenu loin de The Leftovers, co-écrit avec les scénaristes incontinentsmalhonnêtes, enfumés, responsables de Lost. Surtout moralement et pénalement.
Mais il faut quand même que j'essaye Made for love, une autre de ses créations récentes. Parce que Station Eleven c'est surprenant, et que c'est difficile d'être surpris, quand on n'est plus un perdreau de l'année. Et au contraire de beaucoup de denrées périssables comme l'huile de tournesol et la moutarde forte, plus je partage mon désir, et plus il y en a, comme Chuck Norris Jésus multipliant les pains.
Et la musique de Dan Romer ? ben elle est pas mal.
Elle va droit au cœur, sans fioritures. 
Contrairement à cet article. 

jeudi 7 juillet 2022

Alain Souchon Anthologie [Disc 16] Versions Étrangères Et Live, Poèmes Inédits (2019)

 descriptif du fournisseur :

Ce coffret limité regroupe pour la première fois la quasi-totalité de ses albums studio, dans leurs pochettes originales cartonnées reproduites de façon incroyablement cheap.
Inclus aussi 2 CD bonus proposant des titres hors albums, de rares versions live ou étrangères, et des inédits (Les versions anglaises Jim's Story et Just as You Please, lecture de poèmes de Musset, Apollinaire, Verlaine, Baudelaire...)

commentaire utilisateur :

attention, ne pas avale, sinon fini la garanti (référence au gag d'Edika qui a fait long feu dans nos colonnes)

Nomenclature du contenu du disque 16 ci-inclus:



jeudi 30 juin 2022

Charlie Kaufman - Antkind (2022)

l'édition originale
en v.o.s.t.v.o.
Depuis que j’ai assassiné virtuellement le père Goossens symbolique avec un torchon de cuisine, les spectres de Georges et Louis me hantent à jamais, surtout à travers « Antkind », le récent roman de Charlie Kaufman.
Jamais rien lu d’aussi drôle (au sens goossensien du terme, comportant donc une bonne dose de tragique) sur le genre, la race, et les névroses obsessionnelles "de compétition".
Livre hilarant et savamment tordu, certes, mais aussi bourratif, à partir de la moitié, et un peu interminable, surtout vers la fin (qui pour moi commence à la moitié, mais ce n'est qu'un avis). 
Le récit tout d'abord incisif, farfelu mais brillant, a insensiblement muté en quelque chose  d'asphyxié, cryptique et crépusculaire, quelque part entre Beckett et Lynch, avec des gros bouts de Laurel et Hardy dedans, mais du coup le burlesque y est plus anxiogène qu'autre chose. 
C’est fatigant les trucs sympas qui virent abscons, quand il fait chaud, alors qu’un bon rape and revenge, comme Saani Kaayidhamen sortant du travail ça détend.

On dirait que Charlie s’est fixé pour objectif de s’aventurer en rampant dans une cavité creusée à mains nues à l’intérieur de son propre cerveau, jusqu’à y découvrir la source d’où sourdent ses pensées, juste avant qu’elles fussent verbalisées, de rester tapi en amont de celles-ci, afin de les déconstruire (à la Derrida, tra déri déra tralala) dès leur apparition, ce qui devrait nous procurer une imprenable vue d'artiste de la nature ultime de l'esprit humain (dans sa version sexagénaire new-yorkaise) en même temps qu'une expérience de lecture innovante. Il y a plein de pages atrocement hilarantes sur des sujets vraiment très variés, et qui se chassent l'un l'autre en une farandole prise de démence juvénile. Mais à la fin, on a juste envie d’en finir.

"Je veux juste en finir",
la campagne promotionnelle.
Ca fait envie, hein ?
Comme dans son dernier film 
" I'm Thinking of Ending Things" (2020), qui commençait bien, avant de barrer sérieusement en couille, et à propos duquel j'avais noté, sur un forum bourré d'amis imaginaires restant toujours cachés à la périphérie de ma vision, avoir successivement songé à :
- Eraserhead
- la séquence finale de 2001 l'Odyssée de l'espace, avec plus de peyotl dedans
- Enemy, le dédale dépressif de Denis Villeneuve (toute la partie relevant des troubles de l'identité)
- Fargo (à cause du méchant de la saison 3 dont on retrouve ici l'acteur dans un rôle savoureux et flippant)
- Beetle Juice, pour l'ambiance dans la maison
- West Side Story adapté par Philip K. Dick.
Il a l'air de se croire malin. Et il a raison : il l'est.
Mais qu'il se méfie : à malin, Darmanin et demi.

- et peut-être même un zeste de Apichatpong Weerasethakul, tellement c'est bavard et peut-être un peu bouddhiste par moments, et tellement on se balade dans des niveaux de réalité plus proches de l'état intermédiaire des bardös que de la réalité réelle ratée que nous connaissons de nos jours et à laquelle même ce forum ne permet pas d'échapper durablement, malgré tous les efforts du staff. (1)
En résumé, j'ai passé un bon moment de télévision 4/3, à la fin j'ai cru que je faisais un AVC, mais non, c'est le générique qui était flou et le film qui était fini.

Et encore, on a de la chance, ce n'est pas un scénario original de Kaufman, mais l'adaptation d'un roman. Faudrait voir le bouquin, et surtout l'ouvrir pour voir ce qu'il a dans le ventre. Mais c'est très kaufmanisé, de torsion en torsion.
Torsion du réel, torsion du langage, torsion du cinéma, torsions et contorsions du cerveau du spectateur, qui demande grâce, mais elle lui est refusée, pour les raisons habituelles; et vous, vous l'accepteriez, la grâce, si elle vous tombait dessus ? c'est aussi un film sur la nature ultime de la réalité, c'est pour ça que je l'associe de façon un peu cavalière à Weerasethakul, qui me saoule souvent, mais je mise tous les ronds qu'il me reste avant impôts sur Oncle Boonmee, mon dernier espoir de capter quelque chose au Verhoeven thaïlandais. Je ne développe pas plus sur les interprétations possibles de "I'm Thinking of Ending Things", j'en ai tellement lu sur sens critique que je songe à en finir, moi aussi. Comme dans le film. 
Citation de "Antkind", le livre qui pour l'instant n'est pas un film :
« — Vous avez l’air juif, m’a-t-elle dit.
— Il paraît. Mais je veux que vous sachiez que je ne le suis pas.
— OK. Votre livre sur Greaves est incroyable.
C’est elle qui était incroyable. Elle était tous les personnages afro-américains positifs qu’on voit à la télé réunis en un seul, des personnages créés pour combattre les stéréotypes noirs négatifs qu’on voit tous les jours aux infos. Elle s’exprimait bien, elle était instruite, athlétique, belle, charmante, extrêmement sophistiquée. Et je me disais que j’avais une chance avec elle. Ça ferait un bien fou à mon amour-propre, ainsi qu’à ma position dans la communauté universitaire. Je lui ai proposé de prendre un café. Non que je la visse comme un accessoire ou une chose à posséder ou une ligne de plus dans mon CV. Bon, tout ça jouait bien sûr, mais je ne voulais pas l’admettre. Je me suis promis de travailler sur ces réflexions désagréables, de les chasser. Je savais qu’elles étaient honteuses. Et je savais qu’elles ne résumaient pas ma pensée. J’allais donc les garder secrètes et me concentrer plutôt sur l’attraction sincère que je ressentais pour cette femme. La nouveauté de son afro-américanité finirait par diminuer, et je savais qu’il n’y aurait plus qu’un pur amour pour elle, une femme de n’importe quelle couleur, d’aucune couleur : une femme claire. Même si je comprenais que mes sentiments à l’égard des femmes n’étaient pas purs en général. Le charme était un facteur déterminant, ce qui est mal. Et bien sûr les caractéristiques exotiques raciales, culturelles ou nationales m’attiraient. Je serais aussi excité d’exhiber une petite amie cambodgienne ou maorie ou française ou islandaise ou mexicaine ou inuit qu’une petite amie afro-américaine. Presque. C’était là quelque chose que je devais m’efforcer de mieux comprendre à mon sujet. Je devais combattre mes instincts à chaque instant. »

la couve de l'édition v.f.s.t.v.f.
Comme le dit Téléramadan, qui trouve un ton informatif assez juste en restant à la fois pudique et complaisant sur la monstruosité littéraire de l'entreprise, parce que Téléramadan, c'est quand même rien que des putains de professionnels de la profession de la critique littéraire :

Critique par Samuel Douhaire
Publié le 16/05/2022
Le scénariste et réalisateur américain publie un premier roman monumental, un livre-monde d’une démesure et d’une folie telles qu’il ne sera sans doute jamais porté à l’écran. Même s’il y est beaucoup question de cinéma…
Les spectateurs des films écrits et/ou réalisés par Charlie Kaufman connaissent sa propension aux histoires les plus surréalistes possible. Pour Dans la peau de John Malkovich, mis en scène par Spike Jonze en 1999, le scénariste imaginait qu’un marionnettiste, recruté dans une entreprise située au septième étage et demi (sic) d’un immeuble new-yorkais, découvrait une porte minuscule menant… à l’intérieur de l’acteur John Malkovich. Et dans Synecdoche, New York (2008), son premier long métrage derrière la caméra, un metteur en scène de théâtre faisait reconstruire les décors de son existence qu’un acteur rejouait dans les moindres détails, avant que ledit acteur construise à son tour un décor et fasse intervenir d’autres comédiens, qui à leur tour… Mais les fans de Charlie Kaufman n’avaient encore rien vu - ou, plutôt, rien lu. Car à 60 ans passés, l’auteur new-yorkais publie un premier roman monumental, un livre-monde, un livre-monstre d’une démesure, d’une complexité et d’une folie telles qu’il ne sera sans doute jamais porté à l’écran. Même s’il y est beaucoup question de cinéma…
une autre édition 
en v.o.s.t.v.o.
Le héros d’Antkind est un critique de film encore plus obsessionnel que ses semblables (lire ci-dessous), au point d’avoir baptisé son chien Au Hasard Balthazar, en hommage au classique de Bresson — dont le héros est, rappelons-le, un âne. B. Rosenberger Rosenberg, alias B., la cinquantaine bien tassée, est, surtout, un loser de compétition. Il porte une barbe « trop volumineuse pour [sa] tête chauve », destinée à dissimuler une tache de vin qui s’étend de la lèvre supérieure au sternum. Il a un avis, souvent négatif, sur tout — y compris les films de sa propre fille, auxquels il attribue systématiquement deux étoiles tout en les massacrant sur son blog — mais dans l’indifférence générale, car plus personne ne le lit. En Floride, où l’a conduit un projet d’essai sur « Genre et cinéma », B. fait la connaissance d’Ingo Curtbirth, un Afro-Américain qui prétend avoir 119 ans et a consacré quatre-vingt-dix années de sa vie à réaliser, seul et en secret, le plus long métrage jamais tourné : un film d’animation en stop motion (marionnettes animées image par image) d’une durée de trois mois… B. est époustouflé par ce chef-d’œuvre inédit en lequel il voit le dernier espoir de sauver l’humanité. Alors quand le vieux cinéaste autodidacte meurt au bout de dix-sept jours de projection, B. embarque les bobines du film et toutes les figurines conçues par Ingo afin de les révéler au monde — et, enfin, devenir célèbre. Mais sur le chemin du retour, la pellicule est détruite dans l’incendie de son camion. Un seul photogramme subsiste désormais, à partir duquel B., sorti de trois mois de coma, va tenter de reconstituer le film dont il a tout oublié, en tâchant de retrouver la mémoire avec l’aide d’un hypnotiseur peu fiable. (...)

une édition de poche
en v.o.s.t.v.o.
Un peu plus facile à lire et à décoder que L'Infinie Comédie, mais c'est la même racaille d'écrivains cérébraux, malsains et hypomaniaques, David Foster Wallace, Francis Masse, Thomas Pynchon, William Vollmann, avec des univers récursifs et inextricables en mode vache qui rit, et au final l'effet produit est toujours bien dépressif, ça sent un peu la corde, comme dit un copain qui se garde bien de déblogguer tout son saoul pour ne pas finir comme moi ou comme B. Rosenberger Rosenberg, je dis ça parce que du coup dans le doute je viens de regarder Synecdoche, un autre grand film malade de Charlie Kaufman tout entier empli de la Présence Absente de Philip Seymour Hoffman, qui se perd en route dans le film (et à la ville grand suicidé devant l'Eternel, comme Wallace) et pour l'instant c'est le pire film de Charlie K. que j'aie jamais vu. Je tombe immensément d'accord avec Léo Henry, dans sa vigoureuse mise en bière, qui relève le côté auto-suicidaire du forcené, et les capacités de Charlie à se saborder au milieu de l'océan de mots dans lequel il se baigne après nous en avoir inondés dans Antkind sont bien restées intactes depuis qu'il sabordait son propos dans Synecdoche, la boucle est bouclée, et la messe est dite.
C'est d'autant plus râlant que Antkind est bien énervé, pétillant et tranchant dans sa première moitié, avant de s'enfoncer dans les limbes d'une hideuse narcolepsie, ça démarre vraiment jouissif et jubilatoire, mais ensuite viennent les glissements progressifs du plaisir vers du Beckett mis en scène par Lynch, de moins en moins électrocuté de saillies burlesques… et ça se finit en un obscur boyau, qui voudrait sans doute se voir faire montrer comme la caverne de Platon revisitée pour l'homme post_moderne du XXIème siècle, car comme Warsen, Kaufman est un mec qui cède aux sirènes de l’auto-addiction en pensant que ça fait de lui un penseur contemporain. Mais bernique, ça tourne en queue de boudin.

y'a pas que l'aubergine qui soit bien farcie
à la fin du bouquin, sans parler de l'article.
Et Warsen n'écrit pas des livres de 880 pages pour prouver combien il est drôle. Ecrire des articles à la one again sur Kaufman lui suffit amplement à prouver qu'il ne l'est pas. 
C'est vrai, c'est saoulant, à force. Et je jure que ce n'est pas moi qui ai rédigé sous pseudo la critique "amateur" de Antkind sur sens critique
https://www.senscritique.com/livre/antkind/critique/268090822 
à qui je donne partiellement tort, parce que les pages écrites "dans la peau de Donald Trump" sont parmi les plus réussies du livre. Mais ensuite, le lent glissement de terrain littéraire vers la fourmitude et les méditations subatomiques et sous-exposées sur la nature de la mémoire et du réel, toujours à travers les péripéties de notre malheureux narrateur lui-même totalement transformé en quelque chose d'inscrutable, ça me dépasse un peu en termes de capacités de nuisance à soi-même. Soit c'est beaucoup plus profond que ça n'en a pas l'air, soit ça mériterait de revoir la lumière pour tirer toute cette affaire au clair.

A trop vouloir zoomer sur l'objet de son étude,
la même mésaventure était arrivée à Daniel Goossens.
("Sauver le régionalisme, et puis sauver la culture aussi", pl.1)

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(1) la suite de ma harangue sourde, en léger différé (octobre 2020) de mon forum hyper-secret farci d'aubergines et d'amis imaginaires :

les amis de Charlie essayant de le dissuader
d'écrire un nouveau livre film livre
Je me suis permis d'insérer Weerasethakul dans le corpus textuel parce que d'abord il fait toujours joli et instruit où qu'on le place, Apichatpong, et puis pour faire redémarrer le fofo, Weerasethakul.
Cela marcha jusqu'à un certain point. 
Mais aussi parce qu'il me souvenait de ce fragment de dialogue “There is no objective reality,” explains Jake late in I’m Thinking of Ending Things. “You know there’s no colour in the universe, right? Only in the brain.” ce qui est très bouddhiste, dans l'esprit, comme je suspecte Apichatpong de l'être, Weerasethakul; mais je ne souvenais plus où je l'avais trouvé, et si Moïse a erré quarante ans dans le désert, c'est bien parce que les hommes ont horreur de demander leur chemin, alors que moi il ne m'a fallu que quatre jours pour retrouver le mien après avoir lu cette chronique.
Et il y aussi des wagons de théories afférentes, y'a qu'à se baisser Apichatpong pour les ramasser Weerasethakul. C'est un peu comme la première fois qu'on voit Mulholland Drive, on éprouve le besoin de confronter son expérience à celle d'autres hardis navigateurs de l'océan de blogs ciné consacrés au Lynchage. 

je n'ai pas réussi à caser l'affiche dans l'article, 
sais-tu où je pourrais me la mettre ? 
https://www.indiewire.com/2020/09/charlie-kaufman-explains-im-thinking-of-ending-things-1234584492/









 
Mmmmh mille putois ! tant de liens à lire, et si peu de temps pour voir le film... remarque, une fois que t'as lu les liens, t'as plus trop envie de voir le film, et ça gagne du temps pour rentrer chez toi avant le couvre-feu. Merci qui ?
Meuh non. Merci Charlie !





dimanche 26 juin 2022

Jambinai 잠비나이 - They keep silence 그들은 말이 없다 (2016)

Jambinai est un groupe coréen de post-rock/post-metal/post-à-peu-près-tout, qui fait une musique expérimentale sans aucune concession aux variétés verdâtres de la K-pop, en hybridant l'arsenal électrifié conventionnel post-apo avec des instruments traditionnels bien de chez eux, et du coup ça ne ressemble à rien d'autre, même pas à cette multitude d'entités musicales contemporaines découvertes sur internet et qui ne ressemblent à rien d'autre.
Et c'est quand même autre chose que la foire à la saucisse et les brumisateurs de bière du Hellfest, avec Alice Cooper en évadé repris de justesse de l'Ehpad de Detroit-sur-Saone. Depuis que Lemmy nous a quittés, le Hellfest est aussi triste qu'une messe après la mort de Dieu, tous les dimanches matin sur Antenne 2.


Jambinai est souvent comparé à des orchestres de musique de chanvre comme Explosions in the Sky, Godspeed You! Black Emperor, et Mogwai
C'est pas entièrement infondé. 
Si vous n'avez qu'un titre à écouter avant de péter les plombs, choisissez "Time of extinction", version instrumentale du pdf filmé du dernier rapport du GiEC. 
Ou n'importe quel autre, ça reste étonnant.


coda : on me signale en régie que Jambinai est passé au Hellfest en 2016. Mais comme c'est le même ingé son qui m'a renseigné il y a 5 minutes sur leur existence, j'écoute pas, et je l'emmerde.
il n'est pire sourd que celui
qui refuse d'entendre du post-rock coréen.


https://www.lagrosseradio.com/webzine-metal/p60730-jambinai-au-hellfest-2016/

https://metalobs.com/jambinai-ermites-dorient/

https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/clisson/hellfest-2016-jambinai-ou-l-art-de-surprendre-1027133.html

https://metalobs.com/jambinai-ermites-dorient/

jeudi 23 juin 2022

Contribution à l'étude de Goossens pour les nuls

Observons un instant cette illustration tirée de "Voyage au bout de la lune", bon sang. 

Goossens a souvent une approche assez abrasive de la sexualité.

Les outrances passées de Goossens, qui a vu les minorités LGBTAIbitcouill+ brûler ses albums en place de grève, lui assurent-t'elles une place au paradis des Blasphémateurs ? 
Pas si sûr : le Grotesque Goossensien (le GéGé) étant impuissant à pimenter son nouvel album, aux charmes aguicheurs mais flétris, le GéGé se voit contraint de contaminer le réel, autrement plus fécond que le cerveau de son créateur, frappé de sénescence, pour y planter de nouvelles graines, comme dans un roman de Philip K. Dick dont David Cronenberg aurait raté l'adaptation (on peut toujours rêver, tant que Mélenchon n'est pas nommé premier ministre). 
Je n'en veux pour preuve que cet article du Monde consacré à la mise en examen d'un petit entrepreneur issu d'une PME du porno français (artisanat familièrement désigné sous le sobriquet malicieux de la French Touch, par opposition aux multinationales du pain de fesse et du boudin noir, aux produits farcis d'OGM) dans lequel certains éléments de langage habilement dissimulés révèlent l'emprise souterraine de Goossens sur le journalisme contemporain :

La légende a fait le tour d’Internet : celle d’un couple d’instituteurs libertins, qui aurait monté à la fin des années 1990 un petit site sans prétention afin d’y échanger des clichés dénudés avec d’autres adeptes de l’exhibitionnisme en ligne. (..) Le couple est d’une discrétion farouche. Il n’existe aucune image d’eux nulle part. Michel Piron, aujourd’hui âgé de 64 ans, qui dirigeait toute la structure avant de passer en partie la main à son fils Thibaut à la fin des années 2010, est décrit par plusieurs protagonistes rencontrés par Le Monde comme un homme en surpoids et chauve, avec un accent du Sud-Ouest prononcé. 
Hardi petit, Goossens n'y allait pas de main morte
quand il était jeune 
(..) Il y a dix ans, seule avec son fils, Jessica (son prénom a été modifié) vit de boulots saisonniers et a besoin d’argent. Elle est « rabattue » par l’intermédiaire des réseaux sociaux et accepte une courte vidéo, pour « donner à manger à son enfant ». D’après son récit, avant les tournages, les réalisateurs de Michel Piron lui font consommer de la drogue. Elle est séquestrée, forcée à des pratiques non comprises dans le contrat, décrit une scène qui, selon elle, s’apparente à de la « torture ». La petite dizaine de vidéos qu’elle tourne à cette époque se propagent sur Internet et ressortent sans cesse. Elle enchaîne les dépressions et les tentatives de suicide. Jessica remonte la pente, retrouve son travail d’origine : serveuse dans un restaurant gastronomique en Suisse. Mais des clients la reconnaissent et elle est licenciée : « J’étais sale, pour l’image des gastros. » Pour elle, Michel Piron est tout sauf un simple diffuseur : « Il nous traite de folles pour décrédibiliser notre parole. » Elle l’a vu à l’œuvre : c’est lui qui donne le cahier des charges, lui qui veut qu’il y ait une sodomie, un plan sur les pieds et un autre sur les seins dans chaque séquence… C’est lui aussi qui « passe son temps à nous dénigrer, à nous traiter de vieille cougar ou de sale rebeu aux seins mal refaits », raconte encore Jessica.
On voit bien ce que Goossens, s'il avait été plus en forme, aurait pu faire de cet accablant témoignage. Aucun sujet ne l'effraie ni ne le rebute. La sexualité est décrite au mieux comme une névrose embarrassante, et on espère que c'est pas pour de vrai. 
On se souvient de sa blague de Pervers Pépère dans "Le romantisme est absolu". 
On se souvient de Casimir, le tueur d'enfants.
Et tant d'autres atrocités frontales, passées à la moulinette d'un fin observateur de la nature de l'esprit, avec toujours l'excuse que c'était pour rire, et puis 'gad où que ch'uis, apopo 800 pieds.
Daniel Goossens fut un fin observateur de la nature humaine.

Aujourd'hui, ça ne passerait plus. 
Et Goossens semble être au bout de son singulier filon. 
Dans l’absolu, notre libre-arbitre nous permet de sortir à tout moment de la prison que notre génie a érigé en système, prison qui n'a bien souvent qu'un seul barreau autour duquel nous tournons, et que nous pourrions lâcher pour aller pisser contre le mur qui arrête le torrent de la connerie, mais le peut-il vraiment ?
Dans un vieux numéro de Métal Hurlant égaré dans les couloirs du Temps, un critique inspiré traita un jour Manara de Moebius de Prisunic
C'était cruel, surtout pour Moebius, mais justifié. 
Goossens, lui, n'a jamais été un Moebius de Prisunic. Dans "du plomb pour les pigeons", par exemple, il démontre que son talent peut parfois rivaliser avec celui de Jean Giraud, l'immortel auteur du western porté à l'écran par Jan Kounen "McClure et les sacs à gnôle contre les mangeurs de peyotl." Jean Giraud qui écrivait des petits mickeys de science fiction sous un pseudo qui ne trompait personne dans son garage hermétique de Jerry Cornélius dont la porte de l'univers coinçait un peu pour oublier qu'il était condamné à dessiner McClure jusqu'à la fin de ses jours pour faire chauffer la tambouille, mille putois.

Du plomb pour les pigeons

 Mais Goossens, lui, est en passe de devenir un Goossens de Prisunic.

Non seulement c'est du Goossens de Prisunic, mais en plus on reconnait Michael Lonsdale
qui vient cachetonner post-mortem dans le rôle de Dieu. C'est du propre.

En résumé
Goossens a eu une vie artistique avant la mort, tout le monde ne peut pas en dire autant, et nous c'est quand la dernière fois qu'on a été génial ? Il a réalisé une oeuvre très originale, à base d'absurde tirant vers le grotesque, il a au moins un disciple en bonne santé (Fabcaro), et il peut donc couler une retraite paisible dans son pavillon en meulière en attendant la mort; ah non, ça c'est Margerin. Bon, c'est pas grave, on s'en fout, et on peut toujours relire ses vieilles bédés jusqu'à plus soif, ça tombe bien, il fait chaud.

Ah ça, pour râler on est là. N'empêche que si Goossens s'en va,
on sera tous dans de beaux draps avec le commandant Morton.

mardi 21 juin 2022

Sanseverino - Live Session (2007)

Pour la fête de la musique, quelques raisons assez sérieuses de rester chez vous, en plus du gain écologique évident pour la planète :

- une édifiante biographie de Stéphane Sanseverino

http://www.acoustic-guitars.com/artistes/Sanseverino.php

- un bon clip de confinement (on a vite oublié, mais c'était comme ça avant-guerre) (2020-2021)

https://www.youtube.com/watch?v=xXoQ7qXsxi4

- un site de fan pour se repérer dans la discographie du chanteur, qui change plus souvent de style musical que de chemise, mais c'est jamais du tergal, et d'ailleurs le site du fan est sympa mais la page d'accueil est complètement périmée

http://autourdesanseverino.free.fr/autourdesanseverino_Discographie.html

- une vidéo testimoniale trouvée sur le précédent, avec Béranger : leur rencontre sur la scène de La Cigale le 30 Octobre 2002 pour un duo sur "Le Tango de l'Ennui")


- un article où je faisais exprès de faire semblant de confondre Sanseverino et San Pellegrino, parce que j'avais oublié de prendre mes médocs, c'est bien fait pour moi

- Le morceau dont la ligne de basse est aussi incroyablement mélodique que les paroles sont misanthropiquement antisystème, du coup je me repens sincèrement et amèrement de ne pas être allé le voir en concert récemment dans ma région, ô combien je m'en mords le chinois (Dutronc)

- le Live session EP mythique de 2007, car je ne puis vivre que de regrets
j'ai bien l'impression que c'est un disque dématérialisé, parce que c'était une session live iTunes, je ne trouve sa playlist que sur spotify

tu peux cliquer sur l'image, mais y se passera que dalle