Balançoires, trampoline,
le club mickey dégouline.
Vincent Delerm, "Deauville sans Trintignant"
|
A 14 ans, l'affiche me faisait un peu peur.
Elle avait raison.
Mais la peur n'empêche pas le danger. |
J'ignore pourquoi j'ai voulu me frotter à la saison 3 de la série Westworld, dérivée de Mondwest, film de SF des années 70 avec Yul Brynner mettant en scène des androïdes, employés dans un parc d'attractions pour distraire le public de sa pitoyable existence pour $2,40 de l'heure H.T. et qui accèdent à une certaine conscience de classe après la lecture des oeuvres complètes de Jean Baudrillard pendant leur pause-repas, et se révoltent alors contre leurs oppresseurs humains.
Et je m'interrogerai jusqu'à la fin de mes jours, qui ne devraient plus tarder, vu la toxicité prétentieuse et absconne, c'est rien de le dire, de ce que je me suis injecté dans les pupilles. J'ignore si le poison s'est dissous dans sa propre inanité, et si on pourra dire à la mort des deux showrunners qui chapeautent la série
"En entrant dans le néant ils ont dû se sentir chez eux" comme l'avait annoncé Georges "R.R." Clémenceau au décès d'Edgar Faure, ou si l'affreux et sombre venin a eu le temps de remonter jusqu'au cortex en suivant le nerf optique comme c'était indiqué sur Google Maps.
Toujours est-il que je vais tenter de rester debout en rédigeant cette chronique, pour pouvoir témoigner de l'avancée du Mal, assis en temps réel sur la légitimité de mon désir de transparence, un peu comme Cobaye Charlie dans sa redescente très peu climatisée à la fin de
Des fleurs pour Algernon. Me confronter à la saison 3 de Westworld, alors que j'avais dormi devant la 1, trompeusement attiré par une photo d'Ed Harris dans le Grand Canyon comme une phalène par une lampe anti-moustiques dans un camping low cost, et que j'avais boycotté la 2 sans que le ministère du Download s'en émeuve outre mesure, c'était sans doute dans le but inavoué - car inavouable - de rentabiliser mon abonnement au téléchargement illégal, conduite addictive dont le manuel de psychopathologie à l'usage des confesseurs reste à écrire, et dont ce blog constitue l'éternel brouillon, toujours recommencé, jamais finalisé.
Ou alors c'était pour voir ce que pouvaient bien donner Aaron Paul, pas capté depuis Breaking Bad malgré qu'on ait entendu sa voix dans les 5 saisons de Bojack Horseman, le cheval dépressif et sur le retour tellement il est mal dessiné, et Vincent Cassel, dont je ne comprenais pas la carrière en dents de scie avant d’en lire cet audacieux résumé dans le Figaro en préparant cet article :
« Après s'être fait remarquer dans La Haine, en 1995, il rencontre Monica Bellucci en 1996. » d’ailleurs le journaliste du Figaro refait la même deux paragraphes plus loin avec MC Solaar :
« Après s'être fait remarquer avec Prose combat, un putain de deuxième album en 1994, MC Solaar rencontre Ophélie Winter en 1995. » Une fois de plus, tout est dit. Ils sont un peu misogynes, quand même, au Figaro. Surtout que ce n'est jamais qu'un pâle remake de la vieille blague sur ta mère jadis parue dans la Désencyclopédie et attribuée tantôt à Sacha Guitry, tantôt à Chuck Norris, un soir qu'il était déchiré au Seroplex® :
« ta mère et moi avons été heureux pendant 25 ans, puis nous nous sommes rencontrés »
|
Vincent Cassel imite le savant fou Zorglub à la perfection dans Z comme Westworld, mais où est donc Spirou ? |
D'après Vincent Cassel, joint par notre agent double au Figaro juste après le tournage, la série explore des notions philosophiques qui nous concernent tous, telles que la conscience ou la liberté. Mais elle évoque aussi des thèmes politiques relatifs à la vie privée, à l’échange des données, au rapport à l’autre, aux limites à l’expression de nos pulsions. Tout ce truc sur les deux premières saisons où l’homme viole, égorge et tue à bout portant des êtres à forme humaine sous prétexte qu’ils ne le sont pas, crée un effet miroir extrêmement intéressant. Celui-ci nous interroge en tant que public et en tant qu’individus et nous met surtout face à nous-mêmes."
Allons bon. La dernière fois que j'ai égorgé un être à forme humaine sous prétexte qu’ils ne l'était pas, c'était un Témoin de Jéhovah qui tentait de s'introduire sur mes terres en outrepassant le portail en plastique blanc sans sonnette et ordinairement fermé qui matérialise l'entrée du Ranch Warsen, et il faudrait une circonstance bien extraordinaire comme la rupture des gestes-barrière avec le livreur de menhirs peindus de Louis Julien pour me faire baisser ma garde et ouvrir ce portail, donc il l'avait quand même un peu cherché.
|
le superbe AV_3670CE, commandé il y a 45 ans
et reçu la semaine dernière par la Redoute. |
Mais ça ne m'a pas particulièrement mis face à moi-même, j'ai pas eu le temps, vu qu'il a fallu sortir le Karcher pour nettoyer le portail à grande eau, car le sang ça s'incruste bien dans le plastique blanc, si on le laisse imprudemment sécher. Toujours est-il qu'au bout de 5 épisodes de Westworld, j'ai maudit les cadres de HBO qui avaient validé la mise en production de cette pharaonique saison 3 en sniffant de la mauvaise coke sur les fesses clandestines de professionnelles issues de la diversité à l'arrière de taxis new-yorkais bien trop pressés d'aller d'un point A où ils étaient bien à un point B où ils n'avaient rien à faire pour satisfaire des clients en manque de repères, j'ai abjuré ma foi dans les séries télé et failli renoncer à tous mes biens terrestres et brûler mon superbe AV-3670CE, quand je me suis souvenu qu'il existait dans le temps du monde d'avant un truc qui s'appelait "films de cinéma", qui ne contraignaient pas à l'absorption morbide de dizaines d'heures de programmes avant de pouvoir déclarer qu'en fait, c'est complètement con, finalement.
Alors j'ai lancé Le Casanova de Fellini. Il y a quelques mois j'en avais trouvé une copie sur un tracker russe à bas coût (capitale de l'Azerbaïdjan), copie en HD light, parce que la HD normale (la HD HD, quoi), me pique les yeux, et je voulais remater ce film, pas revu depuis sa sortie, j'en avais conservé un souvenir leste et polisson, comme quoi on n'est pas sérieux quand on a quatorze ans, à la revoyure dans ma peau d'adulte, l'esthétique du film penche beaucoup plus vers Le Choix Funéraire que vers les tenants d'un érotisme soft ou hard, et c'est une farce bien macabre et enténébrée que nous tenons là entre nos petites pattes griffues (j'ai vu les écureuils grimper aux framboisiers tout à l'heure, ces bâtards, et se servir comme s'ils étaient chez eux, alors qu'ils sont chez nous), incluant une vision du sexe quasi phobique, un univers théâtralisé, décadent et corrompu, après ça je comprends mieux pourquoi j'ai eu une adolescence dépressive, qui s'est prolongée quasiment jusqu'à avant-hier.
J'ignore comment ce
Giacomo Casanova a pu outrager Fellini post-mortem au point de justifier un tel pamphlet, qui semble tenir de la vengeance personnelle aussi sûrement que si j'apprenais que Monica Bellucci m'avait trompé avec Vincent Cassel dès 1996, alors je dirais sans doute beaucoup de mal de lui, mais sinon, il peut bien tourner dans toutes les saisons de Westworld qu'il veut et s'y révéler aussi pathétique que Lambert Wilson dans un rôle analogue de Mérovingien dans Matrix 2 des soeurs Wachowski, y'a pas d'souci.
Le XVIIIème siècle de Fellini est un monde de cauchemar, sur lequel le jour ne se lève jamais, peuplé de créatures affreuses, sales et cupides qui ne méritent le nom d'individus que par un euphémisme miséricordieux.
D'un vibrant plaidoyer pour la castration chimique des Rocco Siffredis en costume d'époque qui ne se prennent pas pour de la merde entre deux échauffourées avec des greluches azimuthées, le film s'élève ensuite jusqu'au brûlot haineux, faisant l'apologie de
l'extinction volontaire de l'espèce humaine dans son ensemble, si à la mode en ces temps décroissants. J'ai bien aimé.
J'aimerais bien aussi trouver les dessins de Topor qu'il a créés pour le film autour du sexe féminin, ils sont redoutables. A 55 minutes du début du métrage, Casanova a un éclair de lucidité, et déclare sans affectation, avec une désarmante sincérité :
"Nous abusons de notre pouvoir sur les femmes, nous exerçons sur elles une véritable tyrannie, que nous avons réussi à leur imposer uniquement parce qu'elles sont meilleures, plus gentilles, plus raisonnables, plus généreuses que nous, en un mot ce sont de meilleurs êtres humains. Ces qualités qui auraient dû leur valoir une supériorité naturelle les ont au contraire réduites à notre merci, car nous sommes cent fois plus déraisonnables, cruels, violents et enclins par nature à opprimer autrui."
Il aurait pu ajouter que les femmes n'éprouvent quant à elles aucun besoin de se venger de l'infériorité des hommes
comme dans mon film de John Warsen à moi que j'ai, mais son instant de lucidité est passé.
Il repart aussi sec à courir après Eros et à se prendre Thanatos dans les rotules en retour, dans une Venise pourrissante, puis à la cour de différents roitelets d'Europe auprès desquels il tente de plaider sa cause d'affabulateur et de pitoyable intrigant, s'acoquinant avec une humanité de plus en plus grotesque, vivant des aventures de plus en plus sordides, dans cette bobine crépusculaire qui ferait passer Mort à Venise pour un Louis De Funeste.
Donald Sutherland est génial.
|
Après un énième lifting, Jabba the Hutt s'apprête à se laisser suborner par le vil séducteur. |