"Même si tu voulais pleurer, tu pourrais pas".
C'est pourtant pas faute d'essayer !
Mais l'émotion c'est comme la bandaison papa ça n'se commande pas (Brassens, "Fernande").
Flûte à six Schtroumpfs, je ne voulais pas écrire un nouvel article ici, j'étais parti à en rédiger un sur mon autre blurg.
Mais j'ai commencé à écouter Vanished Gardens, le disque.
Faut jamais faire ça, quand on a un blog musical. Vaut mieux se crever les tympans et tout rédiger au pif, à partir de chroniques de Télérama et des Inrocks rédigées en langue des signes, découpées dans le journal des sourds et des malembouchés par un malcomprenant aux doigts gourds et recopiées en braille par un aveugle parkinsonien, et enquiller les uploads dans la colonne de droite, enlève pas tes lunettes et goûte comme ça sent bon, t'occupe pas des signaux et remets du charbon, c'est autant de temps de gagné pour faire autre chose.
La première fois que j'ai entendu Lucinda Williams, c'était sur la bande-son de Crazy Heart, un film de coboyes qui m'a beaucoup touché dans lequel ce vieux filou de Jeff Bridges incarne un chanteur de country de troisième zone complètement au bout du rouleau, genre Tom Waits s'il n'avait pas rencontré Kathleen Brennan en '78.
Plus tard, le réalisateur de Crazy Heart tournera Hostiles, un western avec de vrais Indiens mais la bande originale sera signée Max Richter, qui est à Tom Waits ce que Eric Zemmour est au Dalaï-lama : pas grand chose.
En tout cas, Lucinda Williams chantait avec une belle énergie dans la bande-son de Crazy Heart :
"Tu m'as pris ma joie / et je ne te veux plus / tu n'avais pas le droit / de me prendre ma joie / et je veux la récupérer" sur une rythmique hard-blues pas piquée des canetons, mais il faut bien deux ou trois potes guitaristes manchots pour faire sonner ça comme il faut.
Et je m'étais dit que parmi toute la bande de radasses qui font des reprises de Tom Waits au lieu de finir le repassage et de préparer le dîner pendant que je redonne un zeste de cohérence au chaos culturel ambiant, c'était bien la seule qui jouissait d'une légitimité naturelle à reprendre le vieux Tom, avec une voix et un tempérament ça comme.
Le vieux Tom qu'on se tape pendant tout un segment du dernier Netflix des frères Coen, et que par moments on dirait du Lucky Luke, et à d'autres moments c'est juste un brouillon. Un peu comme sur mon blog, quoi. Je dois avoir un frère qui sommeille en moi, s'il se réveille j'espère qu'il ne voudra pas se digivolver en fille comme les soeurs Wachowsky, sinon ça va devenir compliqué.
Et v'là-t'y pas que je la retrouve ici, Lucinda Williams, à fricoter avec un saxophoniste de 80 balais qui a l'air d'avoir fait plein de choses géniales dans sa vie, et puis comme par hasard, parmi tout ce que la ville produit de sportif et de sain qui vient taper le carton, y'a ce vieux briscard de Bill Frisell... le guitariste qui mène tellement de projets en parallèle qu'il croit que sa femme est une face B... (rires enregistrés plutot faiblards)
...passé l'intro au saxo de We've Come Too Far to Turn Around, on sent poindre à partir de zéro minute cinquante cinq secondes dans l'arrière-gorge de Lucinda Williams une de ces putains de protest-songs dont les Zaméricains ont le secret
Nous avons regardé dans les yeux du mal
Nous avons dansé lentement avec le diable
Nous nous sommes assis à sa table
Et partagé avec lui au festin
Nous avons avalé le liquide de ses mensonges
Toléré celui que nous méprisons
Été égaré par son déguisement
Trompé par ses croyances
(je vous laisse imaginer comment ça finit)
le lien vers l'album et tout ce qu'on peut dire d'intelligent dessus
il est en écoute ici