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dimanche 15 mai 2022

Various Artists - The Expanse - The Collector’s Edition (2019)

une saison en forme de la n'épluchure
de la pomme de terre,
mais qui manque de frite.
- billet d'humeur garanti sans divulgâchage - 

La saison 6 de The Expanse est un naufrage, une tragédie sérielle, et c'est un soulagement de te confier le fardeau de ce calvaire, cher journal psychonautique. Cette ultime saison révèle ainsi son vrai visage de Janus artificiel (Janus, le dieu romain des commencements et des fins,  barbu doté de deux têtes : Holden et son air de thon mazouté, et Big Jim, pardon, Amos, l'autiste stéroïdé asexuel sauf quand il est chaud, et bien sympa quand même, allez), tiraillée qu'était The Expanse entre des trouvailles sympas dans le sous-genre difficile de l'opéra spatial à factions, sous-genre plutôt démocrate que républicain, et les contraintes d'un produit industriel au service de vos soirées télé, tourné surtout dans des boites à fond vert, et engendrant de ce fait une certaine nausée claustrophobique, comme en témoigne le célèbre making-off The Expanse S04E00 avec Kevin Smith qui fait l'andouille sur les plateaux sans dérider les électros chargés de le surveiller pendant que d'autres repeignent le cyclo.




Car comme il est dit en vérité sur le site d'écran large :

Il n'y a plus ici qu'une énumération de péripéties - inhabituellement fades, qui plus est. L'histoire a déserté, et les personnages ont été vidés de leur substance. L'âme de la série est écrasée sous le poids d'un cahier des charges narratif devenu tyrannique. Pas le temps pour les émotions, l'exploration de l'univers, ou de tisser la toile de fond. Non, il faut conclure, et vite, trop vite. (...) Comment expliquer autrement ce choix absolument suicidaire de conclure en six épisodes seulement et donc d'assumer, par là même, de laisser complètement en jachère de nombreux arcs narratifs ? C'est plus de moitié moins de temps que les légendaires saisons 2 et 3 - que nous consacrons d'ailleurs officiellement et donc définitivement comme les meilleures de la série - et les dommages sont aussi inévitables que colossaux. La protomolécule, l'avancée du rêve de Mars, les aliens... tout ce qui n'est pas de l'ordre de la politique de l'espace sera laissé à la discrétion du spectateur et de son imaginaire. La série n'en fait tout simplement pas son affaire, se débarrasse de tout ce qui ne l'aide pas à se débarrasser du cadavre et se tirer au Mexique.

https://www.ecranlarge.com/saisons/critique/1413103-the-expanse-saison-6-critique-achevee-par-amazon

C'est sans doute écrit vite, car il y a deux fois "débarrasse" dans la dernière phrase; mais c'est vrai que le spectateur lucide et conscient ne peut que constater le -Ach ! Zabotache ! des brodugteurs d'Amazon; et quand l'Expansion se contracte, menaçant de toucher les abysses de la fiction spatiale de guerre, les vrais fans souffrent dans leur chair; le space opera est-il un genre maudit, condamné à la médiocrité par les gougnafiers qui tiennent les cordons de la bourse, sauf quand on s'appelle Adrian Tchaikovsky et qu'on sort « Sur la route d’Aldébaran » dans l’excellente collection "Une heure-lumière" ? ou Grant Morrison et qu'on sort "Nameless? mais on n'est évidemment pas soumis aux mêmes contraintes gravitationnelles , hein ?

Comme un grand bruit de casse-noisettes,
mais version horreur cosmique
(lunettes 3D non incluses)
The Expanse n'étant pas protégée des catastrophes industrielles par des amulettes magiques, sombre donc dans le moins-disant narratif, l'émotion cucul-la-praloche et le vidéogame bas de gamme, tendance jeu de tir à la première personne (FPS) plutôt que massivement multijoueurs (MMORPG, ce qui dans la bouche d'un Ceinturien est une insulte argotique assez grave), alors qu'elle s'était tenue à peu près en équilibre sur le fil du rasoir pendant les 5 saisons précédentes, avec des choses bonnes, et d'autres moins bonnes, mais là, c'est la Bérézina, pardon le Dniepr. 
La subtilité a été bannie, au profit de la grosse artillerie. C'était bien la peine d'exétruquer en fin de saison 5 un personnage clé du clergé séculier de la série de façon aussi minable, sous prétexte que l'acteur qui l'incarnait était accusé de harcèlement par je ne sais quelle greluche extraterrestre, pour ouvrir ensuite une telle boucherie-charcuterie des espoirs déçus d'une sortie de crise sérielle par le haut. Les vrais enjeux sont piétinés, au profit des à-côtés, du petit folklore antiterroriste et émotionnel sur lequel on s'est déjà appesantis plus que nécessaire, c'est bon, on le sait, que Marco Inaros se prend pour le Fabrice Drouel des opprimés, on va pas faire Nantes-Bételgeuse là-dessus. Le seul avantage de cette saison 6, c'est qu'elle ne compte que 6 épisodes, comme ça on est plus vite couchés. 
édition Gros conlector's en vynile expansé, avec des photos suggestives de Roberta Draper 
dans le livret tiré à part et à compte d'auteur sur du vélin de protomolécule (330 g/m2)

D'ailleurs, quand on voit la pochette du disque des musiques entendues dans la série (version Collectionneur, s'il vous plait) qui est tout ce qu'il nous reste pour nous consoler, on se dit "ah oui tiens, Julie Mao et la protomolécule, ça c'é'tait l'bon temps, crévindiou de Belta fuckin' lowda." C'est maigre : il y a la belter version (je suppute le jeu de mots enchâssé dans l'expression) de Highway Star de Deep Purple, qui accompagnait la meilleure scène de la saison 3, la chanson de Hank Williams "I'm So Lonesome I Could Cry" que Alex écoute en boucle quand il est de garde pendant ses quarts de nuit sur le Rocinante, et quelques curiosités orientalisantes, en plus du tout-venant des hymnes testostéronés issus de la bande originale composée par Clinton Shorter pas trop mal réussis. 
C'est très écoutable, en fait. Par contre, pour trouver qui a enregistré quoi sur ce florilège de musiques d'astronefs, faut carrément aller sur discogs pour assouvir notre curiosité légitime mais maladive de geek enfermé au 33_ème niveau des sous-sols d'une Tour de La défense, c'est une honte. D'après les crédits, ce sont surtout des ingénieurs du çon travaillant sur la série qui se sont amusés à réaliser les versions de chansons plus ou moins connues pour répondre aux besoins spécifiques de la fiction. L'humour étant aussi raréfié dans The Ex que les molécules d'oxygène dans le vide spatial, profitons-en.

Achevons de noyer le bébé avec l'eau du bain : le meilleur de The Expanse, finalement, c'est le générique, parce qu'il reste mystérieux. En matière de séries SF, faites-moi goûter Infiniti, Outer Range ou Station Eleven, mais ne me parlez plus de The EX. On est fâchés.

https://download-soundtracks.com/television-soundtracks/the-expanse-the-collectors-sounndtrack/

lundi 21 février 2022

The Sopranos - Peppers And Eggs - Music From The HBO Original Series (2001)

Deuxième salve de musiques entendues dans la série les Soprano, qui ne glorifie pas du tout la mafia, au contraire de certains films de genre, Coppola, Scorcese & associés. Les soldats de cette autre armée des ombres sont dépeints comme des petits patrons de PME bas du front, incultes, déclinistes, viscéralement réactionnaires, totalement ploucs et bien à la peine quand il s'agit de recruter de nouveaux candidats pour faire carrière dans le crime organisé (la mortalité est forte car le milieu professionnel est très accidentogène, et les ambitions plus grandes que les compétences, même si ça ne se met pas dans un CV, ça se devine)

Tony Soprano est de plus affligé d'une mère acariâtre, d'une épouse intraitable, d'associés bien teubés, de pulsions insatiables; il faut le voir embobiner sa ravissante psy, le Dr Melfi, et tisser autour d'elle sa toile mortifère. Il utilise tout ce qu'elle lui suggère pour "aller mieux" et étendre d'autant son Empire du Mal en devenant plus efficient, puisque c’est ce que les psys recherchent à obtenir chez leurs patients. Le Dr Melfi c'est la jolie, élégante et très maligne psychanalyste, qui se rend compte trop tard qu'on ne fait pas impunément la psychothérapie du Diable, parce que s'il va mieux, c'est d'autant plus d'humains qui vont s'engluer dans sa toile, puis mourir de façon scabreuse, et qui iront légitimement en Enfer, une annexe du New Jersey située quelque part dans l’arrière-pays. (peut-être le Delaware.)
Du coup, la psy, c’est un peu la Gourdasse Sublime, quoi. 
Il en faut, pour démythifier les psys, tout autant que la criminalité organisée.

Comme regarder la télé, par exemple
Ce qui est impressionnant dans Les Sopranos, c’est le mensonge. Chez les mafieux, encore, on peut le comprendre, ces gens c’est de la racaille, mais le problème, c’est que tout le monde se comporte comme eux. D’une certaine manière, ça les justifie. Tony Soprano gagne son argent d’une manière pour le moins craignos, mais quand sa psy accepte cet argent, quel message fait-elle passer ? Elle pourra toujours lui dire que ce qu’il fait n’est pas correct, en prenant son argent elle l’encourage de fait à continuer. J’ai particulièrement apprécié l’épisode où Carmela (la femme de Tony) va voir un vieux psy qui lui dit qu’elle doit divorcer sous peine de se sentir mal toute sa vie, et qui lui dit qu’il ne veut pas de son argent. En effet, il ne peut pas prendre cet argent et lui dire d’un autre côté qu’elle ne doit pas le prendre. C’est le seul type qui y voit clair de toute la série. Tous les autres sont complètement dans le coltar, dans des compromissions permanentes. (Flopinette de la Croisette, 2006)
t'as qu'à croire; Et puis t'as qu'à voir.

Je me demande si la série toute entière n’est pas une métaphore désenchantée  et crépusculaire sur le capitalisme et la libre entreprise évoqués sans ambages dans leurs dimensions autophages. Comme le dit un critique du Monde : "Pour savoir ce que raconte la vie des Soprano, il faudrait savoir ce que raconte la nôtre."

https://www.discogs.com/release/2919834-Various-The-Sopranos-Peppers-Eggs-Music-From-The-HBO-Original-Series

jeudi 10 février 2022

The Sopranos - Music from the HBO Original Series (1999)

Nouvelles têtes sur mon blog de vieux.
Quoique...
J'écoute des vieux disques. Je lis des vieux livres. Je fréquente des blogs de vieux, bien que ce terme soit désormais pléonastique. Pourquoi ne pas regarder des vieilles séries, en attendant la saison 4 de the Marvelous Mrs Maisel qui démarre le 18 février ? Car à vouloir me refaire une culture corporate, j'ai imprudemment ingurgité en l'espace de deux semaines (et sous la menace de la mère de mes enfants) l'intégralité des 4 saisons disponibles de 10 pour cent, la série humoristique française sur le métier d'agent artistique, bien écrite, interprétée et rythmée. A chaque épisode, une vedette de cinéma joue son propre rôle avec une certaine autodérision. Uh-uh. Ça marche du feu de dieu, à tel point qu'un remake anglais est en cours. Il est néanmoins temps de me ressourcer sur mes vraies valeurs hard-boiled badass humanistes nihilistes woke LGBTQAI+.

Au début des années 2000, deux séries télévisées ont bâti des figures du Mal Absolu très réalistes : - Tony Soprano dans Les Soprano, un mafieux italo-américain souffrant de crises de panique qui le poussent à fréquenter une psychiatre, mais qui reste un prédateur-né pendant sa thérapie; il est doté d'un sixième sens pour sentir les lignes de faille en tout être humain puis s'engouffrer dedans pour y jouer son petit air à base de fracturation hydraulique, muni d'une simple perceuse et d'une mêche Ø 12.
- Vic Mackey, flic corrompu des mauvais quartiers de Los Angeles dans The Shield, qui bascule du côté obscur de la Force pour de bonnes raisons au départ, mais après ça se met de moins en moins bien. Ni Glenn Close ni Forest Whitaker ne parviendront à le remettre dans le droit chemin.

Tony Soprano écoutant sa thérapeute (jouée dans le contrechamp par l'immense Lorraine Bracco)
lui raconter l'anecdote suivante : le dimanche 27 août 1909, en fin d'après-midi, Freud, Jung et Ferenczi, accoudés au bastingage, voient New-York se profiler derrière la statue de la liberté.
C'est alors que Freud aurait dit ce mot légendaire qui fait partie de la saga du mouvement psychanalytique : " Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste ! " La psychanalyse est alors considérée aux États-Unis comme un cocktail plutôt nauséabond, composé pour moitié de mysticisme et pour moitié de pornographie.

Nous parlerons de tout cela plus tard. Ou alors, j'en parlerai tout seul, seul devant Dieu et mon ordinateur, as usual. Pour l'instant, je ressors mes DVD de la saison 1 des Soprano (titre de la série en français, pour une fois assez bien traduit de l'anglais The Sopranos) qui servaient à caler l'armoire. 
Je regarde les épisodes 3 et 4 en croyant que c'est les 1 et 2, parce qu'aucun signe distinctif n'orne la rondelle du CD et que de ce fait je les ai mal rangés dans les boitiers il y a vingt ans, our sins cast long shadows, mais c'est pas grave, cette Amérique crépusculaire et dépressive, déjà confite dans la nostalgie du business florissant de la pègre du temps de Frank Sinatra et de Dean Martin,  je m'y sens comme chez moi, bien que j'aie grandi à Perros-Guirec, loin du New Jersey, et c'est dire l'influence maléfique de la télévision sur l'imaginaire provincial. 
Sauf que les épisodes sont encodés en 4/3. Je découvre dans un commentaire Amazon que j'ai été la proie des margoulins. L'édition 4 DVD en 16/9 est de loin préférable à l'ancienne édition 6 DVD qui était en 4/3 recadré (malgré les promesses de la jaquette) et qui a été maintenue pendant une durée inacceptable au catalogue français. 

Chouette ! D'avoir été blousé par la mafia des éditeurs de DVD ne va pas m'encourager à acheter les Blu-Ray; d'ailleurs je n'ai pas de lecteur. Hors de question de revisiter en 4/3 une série tournée en 16/9, et je suis contraint de me rabattre avec une joie dissimulée vers le marché noir, qui propose des copies 16/9 en 1080p auprès desquels mes DVD vont ressembler à des VHS. Et j'écoute le premier volume de la bande originale, redécouvrant de bonnes chansons d'Elvis Costello ou de Bob Dylan placées dans une nouvelle perspective. 

C'est des trucs qui n'arrivent que quand on écoute des bandes originales sans savoir pourquoi : en fait, c'était pour voir s'ouvrir des fenêtres auxquelles on n'aurait pas pensé. Mais on ne le sait qu'après.
Putain, c'est beau, ce que tu dis, Warsen. Tu devrais écrire.

https://www.discogs.com/fr/master/72684-Various-The-Sopranos-Music-From-The-HBO-Original-Series


Ne serait-ce que pour la découverte de "The Beast In Me" dans le générique de fin du pilote de la saison 1, chanson de Nick Lowe écrite pour son beau-père Johnny Cash. 
Magnifique.



jeudi 6 janvier 2022

The White Lotus Unofficial Soundtrack (2021)

Après avoir déclaré publiquement que je cessais d'en regarder, j'ai prudemment attendu 2022 pour faire le malin avec toutes les chouettes séries récentes vues dans les douze derniers mois de 2021, des séries à durée et à prix mini comme The White Lotus, The North Water, Years and Years, The Good Lord Bird, mais pourquoi pas aussi celles que j'ai du mal à suivre tant elles sont barrées  (The Midnight Gospel) et celles que j'ai très rapidement laissées tomber (Succession, Foundation, Teheran) pour montrer que je reste quand même à fond en état de veille technologique, malgré mon air de ne dormir que d'un oeil, mais en fait si on regarde d'un peu plus près l'historique de mon lecteur multimédia de salon, on y trouve surtout (en plus de la trilogie John Wick et de la première saison de The Expanse pour me chauffer en attendant la prochaine et dernière) 
- les Brigades du Tigre (1974)
- les Nouvelles Aventures de Vidocq (1971) 
En effet, inconsolable de la mort de Marcel Bluwal, quand tout le monde dort, je me les repasse en boucle.
C'est très gênant. 
On n'a refait que l'affiche, parce que retoucher toute la série image par image,
merci bien,  on serait débarrassés du Covid qu'on y serait encore.
(en début d'année, bien mettre les choses au conditionnel)
Sans parler des derniers films qui m'ont plu : Le port de l'angoisse (1944) et Le grand sommeil (1946) car je ne dors plus beaucoup par moi-même depuis quelques semaines. Enfin, ça va un peu mieux quand je ne m'excite pas trop en cédant aux charmes surannés de l'auto-addiction devant ce bon vieil ordinateur à pédales. 
Ce n'est pas une insulte homophobe, c'est vraiment un ancien modèle. 
Et Dieu sait que pour pédaler, on est là.  
Mieux vaut encore me titiller le neurone devant tous ces programmes furieusement déjantés, sans compter The Sinner S04 et WandaVision que je viens de commencer et qui ressemble au fameux épisode S02E06 de Mister Robot (dans lequel Elliot se voit dans une sitcom du début des années 90, avec ses parents et Darlene, dans un road trip étrange. La situation devient de plus en plus absurde, et il comprend qu'il est dans un état dissociatif créé par Mr. Robot afin de l'empêcher de ressentir la douleur des coups portés par les hommes de main de Ray. Après deux jours dans le coma, Elliot reprend conscience et, quelque temps plus tard, il est emmené de force dans une cave alors qu'il se remet à peine de ses blessures. J'ai bien fait de ne pas regarder de sitcom au début des années 90)
Malheureusement, y’a un abruti de journaliste dans Télérama qui a tout divulgâché l’argument de WandaVision alors que je n’en avais vu que 3 épisodes.
Je me doutais que ça n’allait pas finir bien. Le problème, c'est qu'une fois lu, on ne peut dé-lire un spoil de Télérama.
Que Saint Igor et Saint Grichka le patafiolent.
M'enfin, ce sont quand même des problèmes de riche. 
Ce que j'ai vu de mieux en 2021, ça reste The White Lotus : 
Un hôtel de luxe à Hawaï, parfait condensé des hypocrisies sociales et des injustices qui régissent le monde (...) en six épisodes inconfortables et hilarants, une impitoyable critique d’une certaine Amérique, de ses privilèges et de la façon dont elle écrase les minorités qui l’entourent. Un jeu de massacre pourtant étrangement attachant, porté par une distribution impeccable, dont Connie Britton, parfaite en femme d’affaires workaholic. (...) Près de dix ans après l’inoubliable Enlightened, série créée avec Laura Dern, Mike White confirme tout le bien que l’on pensait de lui : il est l’un des auteurs les plus brillants du moment.

Comme sur ce blog, l'équipe du White Lotus vous accueille toute l'année dans la bonne humeur,
dût-elle en perdre le boire et le manger. Et les clés de votre chambre. Et son self-control.

L'interprétation est magnifique, c'est vraiAutant je n'ai pas été emballé par "Enlightened", la précédente série de l'auteur découverte à l'occasion de cet article de Télérama (garanti sans spoil) sur laquelle je me suis d'abord jeté, en plus elle est assez dure à trouver, sans parler du fait que j'ai bien galéré pour trouver des sous-titres décents et les resynchroniser, autant là, c'est la révélation sans fard et l'acclamation à gorge déployée dans le hall de mon salon devant le téléviseur Trinitron 37 cm. 
Chaque acteur porte son personnage au delà de l'incandescence menant à la combustion spontanée, et le directeur de la photo qui fait baigner ces péripéties hôtelières dans un crépuscule couleur test d'urine compromettant pour sportif en chambre, c'est magnifique.
Et en plus, ça semble assez probable, quand on regarde les locations saisonnières.

https://www.tripadvisor.fr/Hotels-g29217-zff12-Island_of_Hawaii_Hawaii-Hotels.html

Et pourquoi donc alors The White Lotus Unofficial Soundtrack

La musique composée pour la série, envahissant de ses renoncules fuligineux les péripéties hawaïennes jusqu'à quasiment en asphyxier ses récipients d'air, sauf un qui s'en sort mieux qu'il n'y était entré, mais on vous dira pas qui parce que y'a pas marqué Télérama, est l'oeuvre de Cristobal Tapia de Veer, connu dans le quartier pour avoir contresigné la musique de Utopia, la série anglaise inquiéto-pandémique de sinistre mémoire puisqu'il s'avère de plus en plus que finalement, tout était vrai.
Cristobal (j'ai un tonton qui m'appelait comme ça, à cause de la chanson de Pierre Perretdont je regarderais presque n'importe quoi s'il l'avait musicalement illustré, bien que je me sois déjà fait avoir une fois ou deux.



Le générique de début est vénéneux, voire neurotoxique. 
Ne le regardez ni ne l'écoutez, sinon vous allez vous retrouver dans une librairie à acheter le dernier Houellebecq, et il sera bien tard pour faire machine arrière.
En dehors de l'oeuvre de tonton Cristobal, on entend tout au long de la minisérie des musiquettes pseudo-hawaïennes, qu'on peut identifier sur le site tunefind que des malades mentaux ont créé pour que d'autres malades viennent s'y abreuver, collecter le fruit de leurs rapines, et le proposer à l'édification de la populace esbaubie, comme dans les contes fripons de Cabanes, tout en respectant l'ordre de leur diffusion dans l'arc narratif de la série.
 



Les morceaux empruntés à Nā Mele Hawaiʻi : A Rediscovery of Hawaiian Vocal Music par The Rose Ensemble, une chorale du Minnesota spécialisée dans la musique ancienne, m'a fait verser de chaudes larmes, de par la profonde beauté de leurs chants, je tenais à le signaler, parce que c'est pas tous les jours, et que ça m'a contraint à acquérir leur album à 9,99€ en urgence sur Qobuz, après 6 mois de réflexion financière (en 2021, j'ai obtenu un CDI, mais à mi-temps, alors c'est bien le mi-temps mais ça vaut un demi-salaire.)
D'autant plus quand je m'ai aperçu que leur version de Aloha 'Oe (un traditionnel du coin qu'ils reprennent en y ajoutant une pointe d'Ave Maria) ressemble phonétiquement trait pour trait à l'intro du Hawaiian War Chant de Spike Jones, qui l'inclut sans le dire.
Et je le prouve :

Ha'aheo ka ua ina pali
Ke nihi aela ka nahele
E hahai ana i ka liko
Pua ahihi lehua o uka

...le Hawaïen, cette langue singulièrement dépourvue de consonnes fricatives, sans lesquelles il semble malaisé de proférer une quelconque insulte, cette langue qu'on parle sans aucun accent après l'ablation des gencives. Et comment entonnerait-on un chant de guerre sans gencives ? Je vais finir ma purée avant de répondre.

mardi 29 décembre 2020

True Detective Season 1 Soundtrack (2014)

"Touche l'obscurité et elle te touchera en retour"
Et Nietzsche, y se touche ses droits d'auteur ?
Quand on a apprécié un film, des fois on a envie de le revoir, et pourquoi pas, c'est légitime, quitte a être déçu après-coup, si ses traits se sont un peu empâtés, ou qu'il radote comme un vieil ami dont on aurait oublié la VHS sur l'étagère et qui se serait démagnétisé avec le temps(1), mais on lui pardonne, comme on pardonne aux vieux amis de n'être pas devenus les génies méconnus qu'ils portaient pourtant en germe, hier encore, sur les bancs de la communale.
Si la même fantaisie nous prend concernant les séries télé qui ont bercé notre âge mûr, l'entreprise sera plus laborieuse, mais la déception plus longue en bouche. Or, 2020 n'a-t-il pas déjà battu tous nos espoirs en matière de déception, nous qui sommes pourtant membres fondateurs du  gRRR, le désormais mythique groupe de Réalité Réelle Ratée ? Ne sommes-nous pas en droit d'exiger le remboursement de toutes les cartes de voeux reçues en début d'année, qui nous voient finir celle-ci en fâcheuse posture dans différents domaines de notre vie, sans présumer de la teneur de celles qui vont s'accumuler dans nous poubelles d'ici à peine huit jours ?  et quelles déconvenues supplémentaires pourrions-nous craindre encore ?
C'est pourquoi j'ai revu récemment la saison 1 de True Detective (2014), j'ai eu très beau temps, et ça vieillit bien. Mieux que moi, en tout cas, même si c'est pas un critère. 
C'est normal, c'est du southern noir. 
Alors que moi je suis du norouest blanc. 
Blanchâtre, même, puisque je ne peux même plus aller au soleil sans risquer d'attraper des mélanomes supplémentaires.

Ne jamais sortir sans chapeau sous le chaud soleil de Louisiane.
Sinon ça fait ça. Même si on ne se beurre cajun.
Et pourtant, True Detective, ça ne tient que par la performance des incarnants. Matthew McConaughey, en particulier, défie les lois de la gravité, au propre comme au figuré, quand il déclame ses monologues effondrophiles, comme le relève un ami, quelque part dans cette remarquable chronique écrite sous terre nouar :

« Je crois que la conscience humaine est une tragique erreur de l’évolution. Nous sommes devenus trop conscients de nous-mêmes. […] Nous sommes piégés dans l’illusion d’avoir notre propre personnalité. Cet accroissement des sens, de l’expérience et des sentiments nous convainc que chacun d’entre nous est quelqu’un. Alors qu’en fait, tout le monde n’est personne. »
 
"C’est assez amusant de voir combien le cinéma ou la télévision ne permettent pas de transmettre un message fin. J’ai eu beau voir la série, ce dialogue m’est passé complètement à travers. Par contre à la lecture, immédiatement l’énoncé philosophique saute aux yeux. C’est que dans un film, le personnage passe d’abord : tout ce qu’il peut raconter n’a pas d’autre sens que de permettre de le décrire, ou plutôt de le circonscrire, de le discriminer du reste du contexte. Là, ça signifie 1) d’un point de vue rationnel, que le gars est désespéré et pense trop ; 2) d’un point de vue sensible, qu’il a peut-être vécu des trucs inhabituels à l’origine de sa vision anormalement relative - ce qui laisse grand ouvert le portail fantastique. Mais le contenu, finalement le spectateur TV s’en fout.
- Attention, ton propos pourrait servir à justifier qu'on lui serve des trucs pas bons, au téléspectateur, qu’on le fasse manger liquide, puisqu'il ne peut pas garder grand chose. Le personnage qui s'exprime comme s'il avait été mordu par un Sloterdijk est surchargé sur le plan littéraire, mais ça lui assure une connivence instantanée des vieux geeks nietzschéens ayant trop inhalé de Cioran-19 dans leur jeunesse. Les monologues de Rust Cohle sont désopilants une fois couchés sur papier, mais faut voir combien Matthew McConaughey les incarne comme si c’était du Shakespeare. C’est uniquement pour ça que j’ai voulu revoir la série, d’ailleurs la résolution de l'enquête n’a rien de particulièrement original, il y a des trous de ver dans l’intrigue, des simagrées spatio-temporelles, une empathie improbable entre les deux inspecteurs, mais si tu es sensible à leur amitié, tu pardonnes tout le reste. Ou alors je suis en train de virer LGBTQIA+, mais mon historique internet apporte un démenti cinglant à cette thèse. (note du traducteur : ce dialogue remonte à quelques semaines, mon historique internet va bien mieux depuis, féérie de Noël oblige)
- A propos de ce contenu, au premier regard j’ai cru à du nolanisme (cette théorie des Grands Hérésiarques Nolan qui soutient que ni la conscience ni la vie ne sont). Mais au second coup d’œil, je me rends compte que ça ne va pas péter si loin, c’est juste une sorte de bouddhisme darwinien, où les termes tragique, erreur, piégé jouent leur drama queen et contredisent ce qui est avancé.
- Avancé à plus d’un titre : Rust, qui se prend pour de la viande en sursis qui pense, est périmé depuis la mort de sa fille, la destruction conséquente de son couple, et c’est par une filouterie scénaristique qu’il tient encore debout, il n’a plus de vital en lui depuis longtemps. Magie de la fiction, au mépris de la neuro-physiologie."

Si on n'a pas le temps de revoir la série, on peut se contenter du générique, malicieux diaporama avec key mask (comme on disait dans le temps des régies de trucage vidéo : deux images sont fusionnées par le biais de la forme d'une troisième, qui sert uniquement de découpe externe) qui concentre les obsessions développées dans le scénario, conçu au départ comme un roman, finalement décliné en mini-série, pour la plus grande joie des petits et des grands amateurs de conspirations policières aussi fumeuses qu'alambiquées. 

https://antibody.tv/works/true-detective/

Et la musique ? hé bien, il ne faudrait pas confondre la compilation anthologique qui ponctue la dramaturgie de la série
http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/true-detective-soundtrack-unofficial/
avec la musique originale composée par T-Bone Burnett

d'une réjouissante noirceur
voire même carrément d'une lugubrité contaminante pour les soirs de réveillon covidés
et qui n'a rien a envier aux lovecrafteries soniques les plus éhontées

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(1)Si BASF-France assure qu’un enregistrement stocké dans de bonnes conditions pourrait se conserver deux cents ans et subir 1500 passages sans s’en trouver affecté, le pronostic du responsable technique des archives de la Vidéothèque de Paris, est beaucoup plus réservé : « Je doute que l’on puisse retrouver, après cinquante ou soixante ans, la qualité d’origine. On le constate d’ailleurs sur des bandes 2 pouces de quinze à vingt ans d’âge que l’on récupère pour en faire des copies, où l’image tend à disparaître. On a du mal à les relire. Si le document a une valeur historique, on tente un « nettoyage » de la bande, c’est-à-dire de prendre les parties les plus intéressantes, de garder également les sons, et éventuellement de choisir une bonne image et de la figer pendant quelques secondes, en laissant courir le son de manière à conserver le synchronisme. Tous s’accordent cependant à reconnaître que la durée de vie d’un enregistrement dépend étroitement des conditions d’utilisation et de stockage des cassettes. Il convient donc de respecter quelques règles, si simples qu’on ne cesse de les oublier, et dont l’intérêt ne peut se mesurer qu’à long terme.
Toute la difficulté de l’enregistrement de signaux vidéo provient de leur fréquence élevée. En dépit de l’utilisation de têtes rotatives, les longueurs d’onde inscrites sur la bande restent courtes, et les particules de polarité magnétique différente ont tendance à se démagnétiser mutuellement en raison de leur proximité. Fort heureusement, la relecture d’anciennes bandes-étalon, archivées dans de bonnes conditions, montre que les conséquences de ce phénomène restent assez limitées.
Plus graves sont, en revanche, les effets des champs magnétiques parasites qui peuvent accidentellement altérer la magnétisation des particules de la bande et provoquer une diminution du rapport signal/bruit ou des pertes d’informations.
Un enregistrement peut-être endommagé par la proximité même momentanée d’un haut-parleur, mais également par le rayonnement électro-magnétique des transformateurs présents dans les appareils électroniques. Il faut donc éviter de poser une cassette sur une enceinte acoustique ou sur le coffret d’un magnétoscope.
Notons que la cassette vidéo 8 mm se trouve largement avantagée sur ce point puisque son enduit magnétique, composé de fines particules de fer pur, est moins sensible aux champs magnétiques parasites que celui des cassettes au dioxyde de chrome ou à l’oxyde de fer.

Plagiat manifeste de l'effet phare "key mask" du générique.
Que fait la police ? elle tousse dans son coude.

lundi 15 juin 2020

Le Casanova de Fellini (1976)

Balançoires, trampoline,
le club mickey dégouline.

Vincent Delerm, "Deauville sans Trintignant"


A 14 ans, l'affiche me faisait un peu peur.
Elle avait raison.
Mais la peur n'empêche pas le danger.
J'ignore pourquoi j'ai voulu me frotter à la saison 3 de la série Westworld, dérivée de Mondwest, film de SF des années 70 avec Yul Brynner mettant en scène des androïdes, employés dans un parc d'attractions pour distraire le public de sa pitoyable existence pour $2,40 de l'heure H.T. et qui accèdent à une certaine conscience de classe après la lecture des oeuvres complètes de Jean Baudrillard pendant leur pause-repas, et se révoltent alors contre leurs oppresseurs humains.
Et je m'interrogerai jusqu'à la fin de mes jours, qui ne devraient plus tarder, vu la toxicité prétentieuse et absconne, c'est rien de le dire, de ce que je me suis injecté dans les pupilles. J'ignore si le poison s'est dissous dans sa propre inanité, et si on pourra dire à la mort des deux showrunners qui chapeautent la série "En entrant dans le néant ils ont dû se sentir chez eux" comme l'avait annoncé Georges "R.R." Clémenceau au décès d'Edgar Faure, ou si l'affreux et sombre venin a eu le temps de remonter jusqu'au cortex en suivant le nerf optique comme c'était indiqué sur Google Maps.
Toujours est-il que je vais tenter de rester debout  en rédigeant cette chronique, pour pouvoir témoigner de l'avancée du Mal, assis en temps réel sur la légitimité de mon désir de transparence, un peu comme Cobaye Charlie dans sa redescente très peu climatisée à la fin de Des fleurs pour Algernon. Me confronter à la saison 3 de Westworld, alors que j'avais dormi devant la 1, trompeusement attiré par une photo d'Ed Harris dans le Grand Canyon comme une phalène par une lampe anti-moustiques dans un camping low cost, et que j'avais boycotté la 2 sans que le ministère du Download s'en émeuve outre mesure, c'était sans doute dans le but inavoué - car inavouable - de rentabiliser mon abonnement au téléchargement illégal, conduite addictive dont le manuel de psychopathologie à l'usage des confesseurs reste à écrire, et dont ce blog constitue l'éternel brouillon, toujours recommencé, jamais finalisé.

Ou alors c'était pour voir ce que pouvaient bien donner Aaron Paul, pas capté depuis Breaking Bad malgré qu'on ait entendu sa voix dans les 5 saisons de Bojack Horseman, le cheval dépressif et sur le retour tellement il est mal dessiné, et Vincent Cassel, dont je ne comprenais pas la carrière en dents de scie avant d’en lire cet audacieux résumé dans le Figaro en préparant cet article : « Après s'être fait remarquer dans La Haine, en 1995, il rencontre Monica Bellucci en 1996. » d’ailleurs le journaliste du Figaro refait la même deux paragraphes plus loin avec MC Solaar : « Après s'être fait remarquer avec Prose combat, un putain de deuxième album en 1994, MC Solaar rencontre Ophélie Winter en 1995. » Une fois de plus, tout est dit. Ils sont un peu misogynes, quand même, au Figaro. Surtout que ce n'est jamais qu'un pâle remake de la vieille blague sur ta mère jadis parue dans la Désencyclopédie et attribuée tantôt à Sacha Guitry,  tantôt à Chuck Norris, un soir qu'il était déchiré au Seroplex® : « ta mère et moi avons été heureux pendant 25 ans, puis nous nous sommes rencontrés » 

Vincent Cassel imite le savant fou Zorglub à la perfection
dans Z comme Westworld, mais où est donc Spirou ?

D'après Vincent Cassel, joint par notre agent double au Figaro juste après le tournage, la série explore des notions philosophiques qui nous concernent tous, telles que la conscience ou la liberté. Mais elle évoque aussi des thèmes politiques relatifs à la vie privée, à l’échange des données, au rapport à l’autre, aux limites à l’expression de nos pulsions. Tout ce truc sur les deux premières saisons où l’homme viole, égorge et tue à bout portant des êtres à forme humaine sous prétexte qu’ils ne le sont pas, crée un effet miroir extrêmement intéressant. Celui-ci nous interroge en tant que public et en tant qu’individus et nous met surtout face à nous-mêmes."
Allons bon. La dernière fois que j'ai égorgé un être à forme humaine sous prétexte qu’ils ne l'était pas, c'était un Témoin de Jéhovah qui tentait de s'introduire sur mes terres en outrepassant le portail en plastique blanc sans sonnette et ordinairement fermé qui matérialise l'entrée du Ranch Warsen, et il faudrait une circonstance bien extraordinaire comme la rupture des gestes-barrière avec le livreur de menhirs peindus de Louis Julien pour me faire baisser ma garde et ouvrir ce portail, donc il l'avait quand même un peu cherché. 

le superbe AV_3670CE, commandé il y a 45 ans
et reçu la semaine dernière par la Redoute. 
Mais ça ne m'a pas particulièrement mis face à moi-même, j'ai pas eu le temps, vu qu'il a fallu sortir le Karcher pour nettoyer le portail à grande eau, car le sang ça s'incruste bien dans le plastique blanc, si on le laisse imprudemment sécher. Toujours est-il qu'au bout de 5 épisodes de Westworld, j'ai maudit les cadres de HBO qui avaient validé la mise en production de cette pharaonique saison 3 en sniffant de la mauvaise coke sur les fesses clandestines de professionnelles issues de la diversité à l'arrière de taxis new-yorkais bien trop pressés d'aller d'un point A où ils étaient bien à un point B où ils n'avaient rien à faire pour satisfaire des clients en manque de repères, j'ai abjuré ma foi dans les séries télé et failli renoncer à tous mes biens terrestres et brûler  mon superbe AV-3670CE, quand je me suis souvenu qu'il existait dans le temps du monde d'avant un truc qui s'appelait "films de cinéma", qui ne contraignaient pas à l'absorption morbide de dizaines d'heures de programmes avant de pouvoir déclarer qu'en fait, c'est complètement con, finalement.

Alors j'ai lancé Le Casanova de Fellini. Il y a quelques mois j'en avais trouvé  une copie sur un tracker russe à bas coût (capitale de l'Azerbaïdjan), copie en HD light, parce que la HD normale (la HD HD, quoi), me pique les yeux, et je voulais remater ce film, pas revu depuis sa sortie, j'en avais conservé un souvenir leste et polisson, comme quoi on n'est pas sérieux quand on a quatorze ans, à la revoyure dans ma peau d'adulte, l'esthétique du film penche beaucoup plus vers Le Choix Funéraire que vers les tenants d'un érotisme soft ou hard, et c'est une farce bien macabre et enténébrée que nous tenons là entre nos petites pattes griffues (j'ai vu les écureuils grimper aux framboisiers tout à l'heure, ces bâtards, et se servir comme s'ils étaient chez eux, alors qu'ils sont chez nous), incluant une vision du sexe quasi phobique, un univers théâtralisé, décadent et corrompu, après ça je comprends mieux pourquoi j'ai eu une adolescence dépressive, qui s'est prolongée quasiment jusqu'à avant-hier.

J'ignore comment ce Giacomo Casanova a pu outrager Fellini post-mortem au point de justifier un tel pamphlet, qui semble tenir de la vengeance personnelle aussi sûrement que si j'apprenais que Monica Bellucci m'avait trompé avec Vincent Cassel dès 1996, alors je dirais sans doute beaucoup de mal de lui, mais sinon, il peut bien tourner dans toutes les saisons de Westworld qu'il veut et s'y révéler aussi pathétique que Lambert Wilson dans un rôle analogue de Mérovingien dans Matrix 2 des soeurs Wachowski, y'a pas d'souci.
Le XVIIIème siècle de Fellini est un monde de cauchemar, sur lequel le jour ne se lève jamais, peuplé de créatures affreuses, sales et cupides qui ne méritent le nom d'individus que par un euphémisme miséricordieux.
D'un vibrant plaidoyer pour la castration chimique des Rocco Siffredis en costume d'époque qui ne se prennent pas pour de la merde entre deux échauffourées avec des greluches azimuthées, le film s'élève ensuite jusqu'au brûlot haineux, faisant l'apologie de l'extinction volontaire de l'espèce humaine dans son ensemble, si à la mode en ces temps décroissants. J'ai bien aimé.

 J'aimerais bien aussi trouver les dessins de Topor qu'il a créés pour le film autour du sexe féminin, ils sont redoutables. A 55 minutes du début du métrage, Casanova a un éclair de lucidité, et déclare sans affectation, avec une désarmante sincérité :
"Nous abusons de notre pouvoir sur les femmes, nous exerçons sur elles une véritable tyrannie, que nous avons réussi à leur imposer uniquement parce qu'elles sont meilleures, plus gentilles, plus raisonnables, plus généreuses que nous, en un mot ce sont de meilleurs êtres humains. Ces qualités qui auraient dû leur valoir une supériorité naturelle les ont au contraire réduites à notre merci, car nous sommes cent fois plus déraisonnables, cruels, violents et enclins par nature à opprimer autrui."

Il aurait pu ajouter que les femmes n'éprouvent quant à elles aucun besoin de se venger de l'infériorité des hommes comme dans mon film de John Warsen à moi que j'ai, mais son instant de lucidité est passé.
 Il repart aussi sec à courir après Eros et à se prendre Thanatos dans les rotules en retour, dans une Venise pourrissante, puis à la cour de différents roitelets d'Europe auprès desquels il tente de plaider sa cause d'affabulateur et de pitoyable intrigant, s'acoquinant avec une humanité de plus en plus grotesque, vivant des aventures de plus en plus sordides, dans cette bobine crépusculaire qui ferait passer Mort à Venise pour un Louis De Funeste.
Donald Sutherland est génial.



Après un énième lifting, Jabba the Hutt s'apprête à se laisser suborner par le vil séducteur.

lundi 8 juin 2020

Ronit Kirchman : The Sinner Original Series Soundtrack (2017)

Je viens de finir de binge-watcher la saison 3 de The Sinner. Comme dans les deux précédentes, Bill Pullmann y incarne un inspecteur de police un peu trop porté sur l'empathie envers les suspects, comme un Bouddha qui pencherait sur tribord au moment du changement de cap de l'enquête, quand il s'avère que c'est un peu plus compliqué que ça n'en avait l'air.  En  matière d'investigation criminelle quantique, le regard de l'observateur influe sur les phénomènes observés, il n'y a pas que les spectateurs à l'apprendre à leurs dépens... 
Chaque saison est dite "anthologique" et peut se regarder indépendamment des précédentes, mais si vous démarrez la une et que Jessica ne vous fait pas rapidement couler une Biel, suspectez votre lobotomie préfrontale de vous couper de vos émotions, auxquelles vous avez pourtant droit, et n'hésitez pas à en parler à votre médecin trader, même s'il est occupé à brûler ses stocks de chloroquine au fond du jardin avec ses voisins qui toussent dans la fumée, mille putois. 
Voici ce que je m'autorisai à en penser, au temps béni des pionniers de la diffusion de la première saison, dans le cercle très privé des forums de sociopathes sérievores :

SAISON 1

Je me souviens quand The Sinner est tombé sur le tracker, c’était l’opulence, voire la surabondance, or si l’abondance rassasie, la surabondance écoeure, et on retourne alors au lit se consoler par la diète en lisant bons livres et mauvais comics, et je revois sans mélancolie ce printemps 2019 où même les uppers n’en pouvaient plus (t’es-tu toi aussi aperçu qu’un upper à l’envers est reppu ? ce que le langage est malicieux, tout de même) de donner des grands coups de souris de droite et de gauche, et de racheter des disques durs à la Fnac tous les 4 matins, c’était pas possible que ça continue à ce rythme effréné qui défrayait la chronique d’un tracker somme toute placide et muzo, et d’ailleurs ça n’a pas duré, sauf que la hype passe et que les encodes restent (et les problèmes de crop dans les screens et de bourrinage avec HandBrake, mais je préfère m’abstenir d’évoquer ces problèmes encore douloureux.)
Je crois tellement en Lui que si Bill Pullman
était une femme, je banderais.
Alors j’ai laissé pisser, me mettant Jessica Biel sur l’oreille pour la fumer plus tard.
Et puis je me souviens aussi, c’est ma femme qui m’a vait mis la puce à l’oreille la semaine dernière, « quand tu vas bosser à Orléans le week-end, au lieu de bourrer ton iPad de comics en v.o. auxquels tu n’entraves que pouic, sauf à les sélectionner en fonction de leur pauvreté lexicale comme Stray Bullets dont tu viens de t’enfiler 42 fascicules sans broncher, regarde donc sur la télé du motel un vieux Columbo en v.f. sur TMC, avec un peu de chance tu tomberas sur Martin Landau ou Leonard Nimoy dans les seconds rôles, et tu te rappelleras ainsi d’où tu viens, puisse cela te ramener à plus d’humilité ».
Ce jour-là je me hâtai d’oublier mon iPad, et il en fut comme elle l’avait dit. 
Ayant depuis lors ravalé ma morgue et épongé le tout-venant des séries incontournables, je me penche sur c’t’affaire. Mort de mon âme, au bout de trois épisodes, force est de constater que je dois me rendre à l’évidence, je suis bien en présence d’un croisement entre True Detective et Sharp Objects, avec une atmosphère pesante et pathologique, mmmh, tout ce que j'aime. L’habile et belle Jessica Biel se fait tellement de bile qu’elle coule une bielle, le lieutenant de police a l’air torve d’un ancien ami de mes parents qui virait psychopathe quand il ne prenait pas ses médocs, et j’adore comment c’est filmé, avec tous ces effets de profondeur de champ réduite qui font que c’est pour ça qu’on aime shooter au Canon 5D Mark III.Merci pour ce up.(salutation énigmatique sémantiquement suspecte, mais sans doute équivalente au « Sécurité des Placements à Long terme » évoqué ici.)

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SAISON 2

La saison 2 : l'affaire du Bégonia Maléfique.
Un must-have.
(plus tard dans la nouille)
La saison 2 me laisse sans voix, de par la complexité des personnages, l'originalité de l'histoire, le brio des acteurs, la sobriété de la mise en scène. Bill Pullman est le meilleur ambassadeur de la Bienveillance qu'on ait vu à l'écran depuis le dalaï-lama. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir du verre pilé et du unfinished business en lui, mais il ne la ramène pas avec ça.
Chapeau bas, messieurs (et mesdames).
Et en plus vous n'avez pas de papamobile !
Le pitch-repoussoir a été manifestement pondu par une pauvresse qui voulait décourager les gens bien de regarder la série, se vengeant ainsi d'une promesse non tenue d'avoir un petit rôle dans le casting, bien qu'elle en ait déroulé, du câble, et qu'elle s'avise un peu tard que les promesses n'engagent en général que ceux qui y croivent, comme me l'a appris Polanski en 76.
C'est psychanalytique en diable, mais sans ostentation lacanienne, et Bill Pullman est rayonnant de vulnérabilité. Que ça soit inscrit dans l'écriture de son personnage, et qu'il parvienne à l'incarner à ce point, c'est bluffant. Son visage est un vivant Rorschach, malicieusement évoqué au générique, irradiant pour qui sait décoder le ballet incessant des émotions à la surface de l'âme humaine quand elle est simulée par des acteurs palpant plus de $40 000 par épisode, une empathie qui ne cesse de m'émouvoir, de saison en saison, et pourtant, moi aussi j'en ai déroulé, du câble.

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SAISON 3

L'insistance masculine est un des symptômes de l'emprise.
(photo courtesy of Derek Simmonds)
Et nous voici de retour dans le présent, pour cette saison 3. Elle prend pour thème central l'emprise, qui désigne dans le langage courant le fait de serrer très fort un objet ou un être vivant pour le câliner ou pour l'immobiliser, voire l'étouffer ou l'écraser. 
En psychanalyse, la pulsion d'emprise est d'abord une pulsion non sexuelle, capable de s'unir secondairement à la pulsion sexuelle. En psychologie sociale, le terme désigne le déploiement de violences conjugales ou de manipulations mentales (sectes).
Merci wiki, bon chien d'infidèle, couché, à la niche.
Ce thème était déjà bien présent dans les saisons 1 et 2, mais là, y z'y vont pas avec le dos de la cuiller en bois. La relation de sujétion finement décrite et explorée dans cette saison 3 m'évoquant de manière beaucoup trop précise une passion mutuelle mais toxique, partagée par un garçon avec qui rien n'était vraiment possible car il était de 3 mois mon aîné et surtout avait beaucoup d'ascendant sur moi, m'interdit d'en dire quoi que ce soit d'intelligible, sinon que j'ai rompu la relation avant d'en subir des conséquences aussi graves, et/ou de perdre tous mes points sur mon permis; heureusement, ce n'est que de la télé. Heureusement aussi que Bill Pulmann, c'est un véritable Saint Laïc, et on devrait lui donner une médaille plutôt qu'un masque FFP2, bien parti pour foutre en l'air son jeu facial dès la saison 4.

[EDIT]
Comme Batman, Bill Pulmann n'a pas de blog hyper-secret sur lequel il coucherait complaisamment le récit de ses doutes et de ses errances, pas d'ami virtuel voire imaginaire auquel il avouerait être réconcilié avec ses déficiences les plus flagrantes grâce au bouddhisme, cette philosophie de Vie dont il incarne une forme soft et relativement sexy pour son âge.
Bill Pulmann ne nous bassine pas avec les Quatre Nobles Vérités, Bill Pulmann ne nous tanne pas pour que nous allions méditer au dojo en socquettes dès cinq heures chaque matin, et quand Bill Pulmann accompagne les suspects au seuil de la mort, il ignore si c'est la leur ou la sienne mais il y va quand même. Il sait intuitivement qu'il est là pour remplir sa mission de service public de la police de proximité, LUI.
Bill Pulmann ferait un président présentable, LUI. Bien qu'il soit politiquement incorrect de savoir encaisser sans rendre les coups. Jusqu'à un certain point, comme on le verra au cours de cette fichue saison 3.
De toutes façons, Bill Pulmann sait bien que question d'incarner des vertus, l'attrait vaut mieux que la réclame.

Alors après ça, s'il faut revenir à la trivialité et régler la question de la musique, j'ai bien aimé l'habillage sonore de la saison 3 mais je n'ai trouvé que la 1 dans le commerce. Il me fallait bien un prétexte pour démarrer l'article au lieu de ranger mon bureau.

mardi 21 avril 2020

Isobel Waller-Bridge - Fleabag Series Two Soundtrack (2019)

Les soeurs Waller-Bridge : la nouvelle mafia
de la comédie dramatique outre-Manche.
C'est pure légende urbaine que d'attribuer la musique de la saison 1 de Fleabag à Isobel Waller-Bridge. 
Comment pourrait-elle jouer de tous ces instruments à la fois ?
Isobel Waller-Bridge ne signe la musique de la série qu'à partir de la saison 2
Et ce serait une grave erreur de penser que pour avoir le job, elle a couché avec sa soeur Phoebe Waller-Bridge, auteur et personnage central de la série, qui est aussi aux manettes de Killing Eve.
Elle a bien d'autres ressources.
http://download-soundtracks.com/television-soundtracks/fleabag-series-two-soundtrack-by-isobel-waller-bridge/

[Edit]
La saison 2 résonne en mon âme comme un solide antidote spirituel et une émouvante rédemption de la première, que j'avais trouvée un peu vaine avec sa galerie de monstres existentiels, tant cette seconde saison est bâtie sur les ressorts empathiques et suscite (avec quelques effets de manches tels ces apartés face caméra) une connivence avec une force peu commune dans la fiction contemporaine. Je suis délicieusement envoûté, et m'attendais à endurer stoïquement le calvaire du manque jusqu'à la saison 3 l'année prochaine, craignant sans oser l'espérer la saison de trop, mais j'appris tout à l'heure qu'il n'y aura pas de saison 3, qu'on se quitte sur ces points de suspension mélancolique. J'ai envie de fredonner aux protagonistes "on s'est aimés comme on se quitte-euh" de Joe Dassin, mais avec le masque c'est pas terrible, et puis j'ai ma petite fierté.

samedi 18 avril 2020

David Holmes - Killing Eve, Season 1 & 2 (Original Series Soundtrack) (2018)

Pour tous ceux qui trainent dans les officines obscures avec les joggeurs, les poivrots, les livreurs, les promeneurs de chiens, les drogués, les migrants... la saison 3 de Killing Eve démarre. Tan mieuche. Qué sa va nous sanzé dé la pénourie dé pandémie au Soupère Uche. 
David Holmes n'est pas l'arrière-petit fils de Sherlock, dont celui-ci aurait engendré le père avec la mère à Lovecraft l'arrière-grand-mère de Phil Spector. Et pourtant l'inventeur du Wall of sound lui doit beaucoup.

Preuve n°1

Preuve n°2

"les années 60 remixées avec 12 tonnes d'écho, franchement, je vois pas ce que ça peut apporter" (Lemmy "Contamine" Yoursister, un voisin grognon, confiné et sans doute mort depuis plus d'une semaine dans le grand appartement qu'il habitait avec manman.)