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mardi 18 mai 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2010

Live At Grace Cathedral (2010)

La Grace Cathedral est une église épiscopalienne de San Francisco, qui accueille toute l'année les confessions et traditions musicales issues de la diversité du terreau fécond de la spiritualité locale, du moment qu'on n'égorge pas le bedeau backstage et qu’on n’exécute pas les spectateurs sur les prie-dieu des premiers rangs pendant le concert, parce qu’on n’est pas chez les Frenchies.
Sans doute inspiré par le lieu, Steve livre une performance quasi-stratosphérique, et se montre aérien sans affectation, ce qui peut se dire d'un pilote de ligne au chômage technique, ou comme ici d'une honnête performance de « musique planante », car il faut bien finir par appeler un chat un chat. Les nappes se succèdent et se fondent les unes dans les autres sans se chevaucher (on est dans une église, quand même) dans une ambiance apaisée où l'on tutoierait les anges si on les connaissait par leurs petits noms - rien d'anxiogène ici, et puis chez Roach les anges sont laïcs, et souvent asexués, ou appartiennent à une tradition innomée, comme on l’a souvent reproché à la musique new age, tout comme à l’autre bout du spectre audiophile, on peut grommeler que le doom metal ruisselle d’un peu trop de testosterone et accorde un crédit d’estime à Belzébuth sans savoir vraiment de quoi il est capable.
Et pendant le temps qu’on perd à rouméguer, des traits de lumière sonique semblent jaillir de la flèche de la cathédrale pour venir éventrer les nappes de brouillard qui se forment au dessus de la baie de San Francisco à la fin de l'été, quand les masses d'air chaud déboulant de la Californie en flammes viennent se mêler aux courants d'air froid générés par les flux glacés d’eau salée pacifique remontant par la faille de San Andreas. Steve bâtit ici une cathédrale de grâce qui fera fuir les scotophobes (= ceux qui craignent la lumière)qui préfèrent se planquer dans les coins sombres et écouter Vidna Obmana casser la Barrack.
Idéal pour rater votre session quotidienne de méditation vipassana en projetant dessus des contenus émotionnels non-pertinents. La première pièce de 43 minutes est magnifique. La seconde un peu moins intense, mais plus longue, car il faut savoir durer. Il a dû s’en passer des choses, dans les chakras des spectateurs présent au concert.
« plus ça va plus j'aime le Grace Cathedral. ça a dû être assez génial là-bas dedans. » (une usagère réjouie)

(4/5)
https://steveroach.bandcamp.com/album/live-at-grace-cathedral



Truth & Beauty (2010)


rediffusion de (Cosmos) 1999
voir avec mon collègue :





Dream tracker (2010)
avec Byron Metcalf et Dashmesh Khalsa

Encore un beau rôti de veau sonique pour les gogos du C.A.O. (Chamanisme Assisté par Ordinateur) : le fidèle second couteau Byron Metcalf aux percus, et Dashmesh Khalsa au didgeridoo déguisé en trou d’évier cosmique.
Byron Metcalf, dont le patronyme apparait tout d’abord comme celui de l’avocat d’Hannibal Lecter dans les romans de Thomas Harris, sans que son avatar dans la Réalité Réelle ait pu justifier pourquoi son homonyme hante ces fictions outrancièrement dark ambientes.
Il se la joue un peu tambours marocains, tout au long d’une trance un peu platounette. Le minimum syndical. 
Décevant comme Deauville sans Trintignant; sans relief et sans vie. Peu d’idées, et beaucoup de remplissage. Où sont passés les gars qui nous ont jadis transportés sur The Serpent’s lair ? Les voici désormais en pilote automatique, avec de la moumoute synthétique sur le volant. Le new age tel qu’on aime le mépriser, quand on entend ses flonflons aseptisés dans les rayons de la supérette bio. C’est même un peu pompier et grand-guignol sur « Thunder Walk ».

(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/dream-tracker




Sigh of Ages (2010)


Sérénité. Gravité. Majesté. Mélancolie. Le retour des notes, et bientôt des mélodies; enfin ! Puis un peu de séquenceur schultzien, sans surcharge. Une Immobilité dynamique® qui n’est pas ici usurpée, dans, le doux ronron des synthétiseurs analogiques, distillant des arpèges dans des tonalités chaudes et apaisantes.
Et « Return of the Majestic » est effectivement… majestueux, et très réussi.


(4/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/sigh-of-ages


Nightbloom (2010)
avec Mark Seelig

Steve étend des nappes imitant un bourdon oriental (le bourdon ne désigne pas ici un insecte aux yeux bridés mais une cloche ou jeu d’orgue au son particulièrement grave, dont on dit fort à propos qu’elle peut coller le bourdon). 
On pourrait aussi parler de drone harmonique continu, une astuce répandue chez Stevie quand il manque de wonder, qui lui permet de mimer sa présence au clavier même quand il dort debout devant, voire allongé dedans. Mark Seelig émet un chant diphonique (technique vocale permettant à une personne de produire simultanément deux notes de fréquences différentes) de style mongol.
Ca ne m’évoque que de très loin le bouleversant Hearing Solar Winds de David Hykes (pas le reptilien illuminati, l’autre). 
Mais qu’il y parvienne avec sa bouche, ou à l’aide d’une astuce technologique n’y change rien : ces longues plages harmoniques ponctuées de quelques tambours lointains conspirent pour me plonger dans un état de bienveillance par rapport à nos deux larrons; ce n’est pas la première fois que le travail de Mark Seelig retient mon attention; avant d’être musicien, il fut psychothérapeute. Je devrais peut-être consulter. Si vous aussi il ne vous laisse pas insensible, vous pouvez le joindre ici :
Je vous déconseille quand même de prétendre que vous venez de ma part.
(4/5)

samedi 15 mai 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2009

Spirit Dome - Live Archive (2009)


Rediffusion de l'album de 2004, de sinistre mémoire, jumelé avec son dark companion de 2000. 
Ils ont fait beaucoup de mal, mais qui serions-nous pour leur refuser le pardon ?
Qu’ils reposent en paix.
Sans être écoutés.




Dynamic Stillness (2009)

Le double album le plus intéressant, ou le moins décevant dans la veine spatiale et atmosphérique de ces années-là. Des nappes, certes, glissent les unes sur les autres, on a déjà entendu ça, mais dès l’ouverture de Birth Of Still Places, elles sont texturées, finement nervurées, leurs longueurs d’ondes sont comme des vagues qui avanceraient loin sur le rivage de la perception, et elles ne se retirent pas, d’autres viennent les recouvrir, les plaques tectoniques glissent harmonieusement sans faire de grands bruits qui font peur, et la magie opère enfin. Un certain nombre de concepts sonores ébauchés dans de précédents disques trouvent ici un épanouissement à leur mesure.
L’idée d’Immobilité dynamique®, qui fait ricaner le roachien sur tant de galettes frelatées, est révélée dans son immanente plénitude auto-satisfaisante pendant les 40 minutes du premier morceau. L’acédie, cette affection spirituelle qui se manifeste par l'ennui, le dégoût de la prière et le découragement, et qui atteint principalement les moines et les fans transis de Steve Roach, disparait soudain. Pas de traitre et angoissant vortex (tourbillon creux créé par un écoulement de fluide) nécessitant de se crisper sur les accoudoirs du fauteuil de peur de basculer dans la crevasse soudain apparue dans le plancher du salon. Tout n'est que calme et volupté.
Le reste du double CD est vaste et ample, quoi que moins chaleureusement habité. Eclats de soleil reflétés sur un lac d’altitude, caressé par la brise. Ondes gravitationnelles ascendantes. Sérénité scintillante du plateau roacheux peu inquiété par l’érosion tant qu’il fait sec et que le vent ne se lève pas.


(4/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/dynamic-stillness

Immersion IV (2009)

Je flotte. Certes. Mais le minimalisme des moyens mis en oeuvre m’évoque plus la blancheur clinique et chlorée d’une piscine de laboratoire plutôt que l’abyssal océan. Plus neuroleptique qu’hypnagogique, destiné à ceux qui croivent que les disques de Roach peuvent leur « faire » quelque chose d’agréable à l’insu de leur plein gré s’ils les passent en boucle et à bas volume toute la sainte journée, illusion engendrée par les gars du marketing, puis auto-entretenue par les auditeurs, grâce à l’abondante documentation qui encadre les sorties.
Je ne vais pas ricaner, j’ai fait partie du coeur de cible. Si ce disque me « fait » quelque chose ? oui, il est tellement ouaté et cellulosique qu’il me « fait » penser à racheter du papier toilette. 
Que voulez-vous, dans hypnagogue, y’a gogue.

(1/5)


Afterlight (2009)

Joute d’harmoniums désaccordés dans la cathédrale désertée (et pour cause). Derrière les vitraux, on devine de gros nuages qui zèbrent l’azur et assombrissent la nef et les visages émaciés des derniers fidèles qui s’y sont réfugiés, et qui rêvent encore de retrouver « leur » Steve, qui semble ici perdu pour toujours dans ses rêveries atmosphériques, même si ça ne dure que 74 minutes et que personne ne m’a obligé à l’acheter, moi qui rêve de voir le bedeau jaillir de derrière la sacristie avec son air de ne pas y toucher, et de m’asséner sa désopilante devinette sans doute empruntée au prêtre dans la saison 2 de Fleabag « qu’est-ce qu’un trou ? » avant de me murmurer d’un air égrillard, et sans attendre ma réponse « Un trou, c’est une absence, entouré de présence ». Puis il s’enfuirait en ricanant de sa trouvaille, sans savoir qu’il a ainsi évoqué un certain nombre d’oeuvres de Steve, sans parler du Magnificent Void. Mais ça n’arrivera pas : il s’est pendu en écoutant Afterlight dans l’espoir qu’il s’y passe « quelque chose » alors que la proposition sonore de l’album consiste à nous inciter à rentrer dans le temps géologique, et d’abandonner sur le bord du chemin, comme une guenille, cette obsession de passer sa vie à essayer de se trouver présent (et présent à quoi?) à chaque instant. 
En définitive, c'est peut-être le bruit de fond du temps qui passe, qu'on entend. Bien joué : je suis perdu du début à la fin de ce voyage immobile, et sans doute intemporel. 


(2/5)

Destination Beyond  (2009)

Essayez donc de passer plus d’une heure sur le même accord de Cm7sus4 en contenant les hordes de séquenceurs chevelus et de yakuzas acouphéniques au-delà de l’horizon des collines, tel qu’il apparait délimité par la ligne bleue des Vosges de l’Arizona prises en photo sur la pochette. Vous verrez si c’est si facile que ça de pondre de la musique new age au kilomètre. Même en injectant d’infinies variations tapissières aux motifs du carrelage mural, vous aurez du mal à ne pas vous lasser, au bout d’un moment. Steve, lui, il peut. No souçaille. C’est un mauvais procès que de lui reprocher sa mono-tonie, qu’on ne fait pas aux ragas de l’Inde du Sud. Ca frise donc la discrimination. J’ai cru tout du long qu’on allait arriver quelque part, qu’un basculement allait survenir, qu’une destination allait surgir, même lentement. Mais non, le paysage est intégralement embrassé dès le début, et jusqu’à la fin, le départ et l’arrivée se confondent, l’alpha et le mégalo, comme dans le court métrage L'Appel de la nature réalisé par Piotr Tenmin qui non seulement commence au milieu et finit au milieu mais aussi qui reste au milieu pendant tout le long du film. La critique a accusé le film d'être "une simple photo", mais cela n'enlève rien au génie de ce réalisateur.
Pour revenir à Destination Beyond, caricature de musique planante à la ramasse ou incroyable voyage qui ne peut prendre fin du fait de n’avoir pas commencé, la rédaction de Télérama est partagée mais tranche dans le vif, parce que ça va bien, maintenant. 

(1/5)

mardi 11 mai 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2008

The Memory Pool / Revealing the Secret (2008)

pack promotionnel de 2 albums : 
The Memory Pool + Revealing The Secret
soit les deux tiers restants du triple album Ascension of Shadows de 1999 dont le premier tiers provisionnel avait été partiellement réédité sous le titre Somewhere Else (2005), et c’est à en perdre le peu de latin space-ambient 
qu’il nous restait;
Habemus papam tribalum ambientem.
déjà chroniqué par votre droguiste habituel :

https://www.rythmes-croises.org/steve-roach-retrospective-1982-2000/

https://steveroach.bandcamp.com/album/ascension-of-shadows-complete

A Deeper Silence (2008)

Décidément, la nature a horreur du vide, sauf dans les disques de Steve Roach.
Qui nous gratifie d’une nouvelle boucle stratosphérique d’une minute trente avec la réverbération réglée sur « 2 jours », boucle ensuite autogreffée ad nauseam, comme sur Darkest before dawn. « Cet espace sonore sert comme une sorte de portail vers des états de conscience subtile, et est également parfait pour le soutien d'un sommeil plus profond. » dit la pochette. En plus, vous pouvez caler une armoire avec. 
C’est quand même pratique.
« Ce disque, véritable pavé en mousse lancé sur la mare gelée de l'insomnie, n’a pas fini d’y ricocher muettement, et fera grand bruit chez les sourds. »
(Jaune Ouarsène, Télédrama)

(0/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/a-deeper-silence


Empetus (2008)


ressortie de 1986 + 1 CD inédit
séquenceur irrespirable séquences d’arpèges en continu variations infimes ça fait du bien quand ça s’arrête et d’ailleurs veuillez excuser mon écriture saccadée
naïveté et improvisation (substitués plus tard par rouerie et programmation de claviers à base d’ingrédient secret)

(0/5)


Nada Terma (2008)
avec Byron Metcalf, Mark Seelig


Pour moi, en espingouin écorché, mâtiné de latin de cuisine, « Nada Terma » signifie « pas de douche ce soir, 
señor » ou alors  « aller au bout du rien, au terme du néant ». Alors que les gars du marketing traduisent ça par « découvrir des trésors spirituels à travers le monde du son », et que pour eux Nada Terma fusionne les frontières de la musique ambiante, de la musique du monde et des styles sacrés-méditatifs, où les tonalités indiennes se mêlent aux percussions de transe de type soufi immergées dans des atmosphères, des dérives et des bourdonnements, induisant un état de conscience détendue et concentrée. La pièce de 73 minutes tissée en continu est séquencée en sept segments discrets, parfaits pour le yoga, la contemplation et le travail corporel. J’ajouterai la sieste lucide, une nouvelle discipline émergente au bout de tant de disques se réclamant de la transe en danse pour rester relativement immobile pendant tout l’album. Même équipe et mêmes principes que Mantram, Metcalf et ses percus, Seelig et sa diphtonie réelle ou simulée, sa flûte bansuri… Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on dirait un peu une caricature de new age mainstream, il y a bien des clichés dans le mille-feuilles de couches d’instruments superposés (drone, flute, tam tam…) et un certain entêtement à entonner la lambada mono-tonique, au risque de la lassitude : comme pour Mantram, l’intime conviction que quelque chose ne démarre pas, qu’on erre dans les prémisses, au lieu de parvenir enfin au terme du Rien. Ce qui nous permettrait ensuite de passer à autre chose. En principe.
Il y là l’essence même des mauvaises raisons pour lesquelles on écoute Steve Roach : comme un support audio pour voyage intérieur qui se substituerait aux tutoriels mp3 de méditation de pleine conscience lus par Christophe André et chiants comme la pluie. Sans doute ue musique qu’il ne faut pas essayer d’écouter ou même d’entendre, mais de ressentir à la lisière de la conscience, mollement alangui dans un canapé Roach et Bobois pendant que les enfants sont au ski grâce à votre gendre espagnol qui a pu leur avoir des forfaits en Andorre.

(2/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/nada-terma

Landmass (2008)

Tableau garanti peint à la main. L'artiste parcourt le Grand Canyon à bord d'un 4x4 prodigieusement à l'arrêt : les variations paysagères sont imperceptibles au grand angle. En contrepartie, chaque brin d'herbe, chaque rocher est minutieusement décrit. Magnifiquement lassant par moments. Mais comme c’est un live enregistré dans les locaux d’une radio amie, il y a quand même de la nénergie qui circule, et ça en principe c’est bon. En tout cas un peu meilleur que les superproductions minimalistes précédentes.

(2/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/landmass


Stream of Thought (2008)

Steve vit en Arizona, pays très chaud.
Erik Wøllo vit en Nørvège, pays très frøid.
De leur association nait une musique violemment tiède.

(0/5)

jeudi 6 mai 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2007

Immersion III (2007)

Moins angoissant que ses prédécesseurs. Richement texturé en drones stratosphériques. Méditations tonales pour de profondes immersions dans l’espace de vie, nouveaux prétextes aquatiques à explorer l’état hypnagogique entre veille et sommeil, dit le prospectus. Sans blague. Si vous n’avez jamais mis la tête dans un bidet rempli, c’est vrai que c'est peut-être le moment de tenter l’expérience. Ou pas. 
Alors, lumineux ou lugubre ? un peu des deux, mais vous n’osez pas vous l’avouer, hein, au prix que ça coûte, un triple CD, même dédicacé par l’auteur comme il le fait bien volontiers sur simple demande quand on lui achète par correspondance. Des fois il joint à son envoi un petit caillou de l'Arizona, dédicacé lui aussi, là-bas ils ne savent plus où les mettre alors quand il arrive à en glisser un dans l'enveloppe, ça débarrasse un peu, pensez donc, je me rappelle que comme c'est un triple album il m'avait envoyé la moitié de Monument Valley (celle qui joue la réserve Cheyenne dans les films de John Ford alors que c'est la réserve navajo) stabilotée au marker gros grain, et le facteur avait gueulé parce que les frais de port (2 timbres à $5,50) avaient été un peu sous-dimensionnés.  
Interminable Immersion, en tout cas. Pas aussi pénible que le supplice de la baignoire, mais quand même, il me semble que même le fan le plus hardcore de Steve en ressort éprouvé, et plus qu'humide : imbibé. Sur le CD 2, Sleep Chamber, la dynamique du son est curieusement étouffée, comme un disque pirate de Steve Roach enregistré sous la pluie à travers un sac de couchage. Quant à Still, sur le CD 3, le son est raréfié, et l’air rationné, dans cette pièce achromatique, idéale pour garder la chambre funéraire.
Je mets une étoile pour la patience de l’auditeur qui s’aventurera dans cette flaque. N’oubliez pas d’acheter le flacon de crème à récurer pour ravoir le bidet après.

(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/immersion-three

Fever Dreams III (2007)

Attiré par l’idée d’ « Electro Erotic », à priori aussi incongrue pour Steve que de voir un jour Robert Fripp danser le lac des cygnes en tutu avec Toyah Wilcox dans son jardin
on se laisse prendre par la main par une basse un rien groovy (…) au bout de 2 heures, on aimerait commencer à aimer ça et mouiller ses draps avec autre chose que de la sueur de fils à pénible, mais ça flottouille, ça trainaille, ça piétine et ça glougloute, c’est fiévreux dans le sens grippé, mais ça reste curieusement aseptisé, et la température ne s'élève pas au dessus de 37°4 le soir. Tout commence pourtant par un riff de basse groovy, un chorus de guitare molle passé à l'envers devant huissier, comme si les notes venaient du futur, mais les rêves fiévreux promis se diluent maladivement dans une ambiance oppressante. Le genre de disque que les détracteurs de Steve Roach adorent détester : entre malaise et neurasthénie, on lâche le thermomètre pour les antibiotiques, en attendant que ça passe. On sait que la durée syndicale minimum dans ce type de voyage immobile à travers un paysage sonore non remboursé par la Sécu est de 74 minutes, alors on patiente. On se traine tout au long du cylindre dans des limbes terreuses du début à la fin. Melted Mantra, sur le second CD, voit débarquer un avatar de Byron Metcalf zombi, qui s'en vient à notre rencontre spectrale en tapotant quelque tambour funéraire d'une main alourdie par un deuil récent, pour un show tribal-ambient dépressif éprouvant, répétitif et lourdingue.
Cet épisode pince-sans-rire d'un lugubre achevé servira à merveille de fond sonore à votre déclamation de poèmes de Houellebecq au funérarium où vous accompagnez un de vos ancêtres parti trop vite bien qu'à la réflexion, il trainait dans le désert depuis trop longtemps, mais à côté de Fever Dreams III, l'Enfer ça n'est qu'un feu de camp.

(0/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/fever-dreams-iii

Arc of Passion (2007)

Le Secret du tir à l’Arc de la Passion ? je vous le révèle gratuitement si vous m'envoyez votre numéro de carte bleue : l'album passe pour un album studio, mais a été enregistré dans des conditions live devant 80 personnes réelles IRL (In Real Life) dans la RRR (Réalité Réelle Ratée), soit en petit comité, comme la majeure partie de ses prestations scéniques, bien qu’on n'entende jamais s’élever autre chose qu’un silence explosif, attentif et quasi-religieux de la part des premiers rangs, sans applaudissements ni toussotements gênés dans les passages chiants. L'album est magnifique : 3 pièces de sérénité envoûtée, cristalline, bienfaisante, loin des cavernes ectoplasmiques hantées naguère avec Vidna Obmana.

Steve devrait enregistrer tous ses disques en public. Y'en aurait presque que des bons.
"Moment of grace", c'est ambitieux comme titre, mais le contenu est à la hauteur.
Les séquenceurs s'invitent doucement dans la suite "Arc of Passion", mais sans envahir la Pologne comme ils le font parfois chez Steve, ça plane pour eux, et pour une fois ça n'est pas la grosse Bertha.
Un didgeridoo qui louche sur le multivers crache un vortex non-létal et illumine de l’intérieur "Views Beyond", le final spectaculaire et serein.
Heureusement qu'aucun morceau n'est titré "Humility", car dès qu'on s'en vante, elle s'évanouit.

(4/5)

samedi 1 mai 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2006

Sous les pavés de mai, la plage.
Et sous la plage, les vortex de Steve Roach
https://sculpttheworld.smugmug.com/
1er Mai
: Avouez que la Fête du Travail est un chouette oxymore. La Fête du Télé-Travail, c'est pire.
Bien sûr, c'est l'Entreprise, qui nous ferait détester le travail, tout comme l'Education Nationale avait tenté de nous dégoûter de la littérature. Leurs contributions au massacre de l'humain en nous ne jettent l'opprobre ni sur le Travail, ni sur l'Art.
La preuve : ce matin au lieu d'aller défiler j'ai fini de repeindre mon portail de jardin en écoutant un vieux Môrice Benin, et le rendu IRL de la teinte choisie chez madame Bricolage se révèle affreux une fois posée. 
Tant mieux : les Témoins de Jéhovah y réfléchiront à deux fois avant d'affronter les mines anti-personnel dissimulées sous la pelouse. En signe de joie et de ralliement à moi-même, ainsi qu'à tous les aficionados de la non-dualité, je poursuis mon écoute intégrale de Steve Roach.
Encore des disques prompts à nous faire abandonner toute idée de rejoindre les syndicats pour un défilé unitaire, par devant et par derrière.


***




Kairos (2006)

Des bourdons accordés en la mineur résonnent dans des souterrains si profondément caverneux que l’isolement des combles n’était certainement pas à 1 €. D’inquiétants rôts, de ceux que l’on obtient en ralentissant un son numérique jusqu’à ce qu’il soit quasiment à l’arrêt, montent de la fosse aux entités.

A moins que ce ne soit Motard des Grottes qui passe dans le champ auditif avec des pneus neige.
Grâce à la magie d’internet, qui n’oublie jamais rien sauf quand on le lui demande expressément, les clips vidéo pour lesquels ces musiques furent composées sont là :
https://steveroach.com/Features/Kairos/
Ce déchainement de C.A.O. (chamanisme assisté par ordinateur) démontre que les animations graphiques en fausse 3D de métastases, de vieilles radiographies de poumons et de couchers de soleils sur ta mère morte vieillissent assez mal.
Quelques sorciers désoeuvrés viennent taper le carton sur des peaux synthétiques, mais rien de notable ne s’ensuit au niveau groove.
Ou alors l’altimètre est cassé.
Tout cela me semble un peu périmé, dans le Landerneau du caillou qui grince et du clapotis verdâtre. Vrombissements et grognements digitaux. Stridulences d’abysses. La routine, quoi. Certains fragments d’intemporel supportent mieux l’épreuve du temps que d’autres. Laborieux.

(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/kairos-the-meeting-of-time-and-destiny

Immersion One (2006)


Steve met pour la première fois la tête sous l’eau à la pistoche, déguisée pour l’occasion en océan primordial.

- Et ?
- Ben, glouglou.
- Et à part ça ?
- Ben, glouglou, quoi ! on perçoit vaguement des harmoniques au fond du bassin, près de la pompe de filtration, mais avec les bouchons d’oreilles, c’est quand même pas top. Dans les disques d’ambient comme « On land » de Brian Eno, il y a quelque chose d’à la fois naturel et aléatoire dans l’arrangement des sons. Ici, tout est artificiel, lissé, les ondulations sont géométriques, ça sent le chlore et la javel.
Glouglou.

(0/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/immersion-one

Immersion Two (2006)

Des nappes se succèdent par vagues, et ces vagues viennent mourir au bord des oreilles, en exhalant des soupirs dissonants et anxiogènes. Musique de fond déconseillée, même à bas volume, dans la salle d'attente d'un oncologue.


(0/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/immersion-two

Terraform (2006)


Collaboration très décevante avec Loren Nerell, dont les créations sonores sont pourtant moins mortifères d’habitudes, sauf à être un fan de paysages sonores statiques, plus sableux que roacheux, où du début à la fin il ne se passe rien. Mais alors, rien de rien. Je me répète, mais eux aussi. 
Dans les romans de science-fiction correctement documentés, la terraformation d'une planète de taille moyenne comme Mars prend au minimum quelques siècles. Peut-être faut-il essayer d’accélérer Terraform 10 000 fois dans un logiciel audio spécialisé avant de pouvoir y déceler la présence des crickets, de l'eau, le cri des lichens ou l’écho des savanes, d'un signe qui attesterait de la présence de la vie, éléments qui sont vantés dans la brochure promotionnelle et que je ne retrouve pas dans cette longue plage ambiente à côté de laquelle le "On Land" de Brian Eno passerait presque pour le séminal « Overkill » du regretté Motorhead.
Un court moment, au début de Texture Wall, on perçoit des bruits caillouteux, on se dit qu’il va se passer quelque chose, mais non, c’est Steve qui s’était endormi dans la cabine du bulldozer et dont le faux mouvement en entrant dans le sommeil a accidentellement actionné le bras de la pelle mécanique.

(0/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/terraform


Proof Positive (2006)

Les séquenceurs crachent leurs rafales de double-croches, mais des courants de vif-argent pulsent en même temps sous la surface brillante des arpèges mitraillés. Un mariage équilibré des pulsions schulziennes et du Roach atmosphérique. Enfin, pour ceux qui aiment ça, parce que perso, je trouve ça un peu saoulant, et moins planant que stakhanoviste, à part le dernier titre, éponyme de l’album, antidote efficace à la gravité terrestre.


(2/5)


https://steveroach.bandcamp.com/album/proof-positive

Storm Surge Live at NEARfest (2006)

Steve enchaine à fond des extraits de disques récents comme un monstrueux pot-pourri (les morceaux font 4 minutes à peine ! des morceaux de steve roach de 4 minutes ! non mais allo, quoi !) c'est pas un disque live, c'est une bande démo de 45 minutes qui ne lui rend pas honneur. Mieux eut valu un Steve Roach Unplugged, avec un didgeridoo et un piano en bois d'arbre à pains dans le mix.


(0/5)


jeudi 29 avril 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2005

Somewhere Else (2005)

Voici le premier tiers du triple album « Ascension of Shadows » de 1999, soit le CD Somewhere Else, qui ressort séparément, pour achever de perdre les fans.
Déjà chroniqué par votre droguiste habituel :


https://www.rythmes-croises.org/steve-roach-retrospective-1982-2000/



https://www.youtube.com/watch?v=Vx6VO72pgv8


New Life Dreaming (2005)

On peut parler de veine orchestrale ? 
Chouette alors. 
Perfect Dream, qui ouvre l’album, s’enfle progressivement d’une note unique, dotée d’une enveloppe harmonique kolossale, qui emplit tout l’espace de l’auditorium. C’est très simple, très pur, très beau. On se laisse scanner par l’onde sans choc, qui nous submerge du fond de l’infini. Inspiré d’idées empruntées sur Structures From Silence, Quiet Music et Dreamtime Return puis réimplantées en auto-greffes, ce disque est méditatif, apaisé et serein, ample et non pompier.

(4/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/new-life-dreaming

Possible Planet (2005)

Organique et grouillant; né du désir de créer un type d’environnement sonore décrivant l’émergence d’une forme de vie jusqu’alors inconnue hors de la soupe primordiale sur une planète lointaine. « Au cours d’une renaissance analogique, j’ai créé un synthétiseur modulaire, en m’imposant des rêgles : pas de MIDI, pas de clavier, pas d’ordinateur pour composer ou éditer les sons que j’en tirais. Il s'agissait de tourner les boutons, de le sentir du bout des doigts et d'amener le courant dans la direction souhaitée. Possible Planet a été enregistré lors de trois sessions live. Chaque session commençait après plusieurs jours de création et d'apprentissage des nuances d'un patch «vivant» que j'avais créé, à partir duquel les formes sonores étaient tirées. »

Le courant passe. Et c‘est vrai que par moments, on jurerait voir un entendre un podcast sur des insectes extra-terrestres. Même si Gestation et Cell Memory sont exigeants, comme on dit quand c’est chiant mais qu’on n’ose pas, là c’est juste l’équivalent sonique d’une séance dans un caisson d’isolation sensorielle, à écouter les flux biologiques qui nous constituent et nous traversent, tout en vibrations basses fréquence ; bien sûr c’est biologiquement discutable, des gens très bien n’ont pas de branchies pour traverser cette renaissance analogique, mais c’est spectaculaire et inattendu.

(4/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/possible-planet


The Dreamtime Box (2005)

reconditionné sous blister en peau de chaman sibérien, revoici 3 albums récents : Dreamtime Return (1988) 
+ New Life Dreaming (2005)
+ Possible Planet (2005), 
et après, au lit.

jeudi 22 avril 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2004

Fever Dreams (2004)

Un bassiste déboule en intro du premier morceau de ces rêves fiévreux, Episode_1 (les 2 et 3 sont dès déjà dans les tuyaux). Un bassiste ? Un de ces mecs qui jouent des NOTES ??? il vient ajouter une petite touche « dub des cavernes » pas désagréable au tout-venant ethno-ambient. Ca démarre donc intriguant, mais en fait ça ne va nulle part. Les mêmes improvisations atonales à la guitare atmosphérique que d’habitude, fingers in the noise et cloud over the grotto, avec une basse répétitive et des tambours de guerre lasse pour faire passer la pilule, qui conserve pourtant la saveur des gouffres amers. Il faudrait que quelqu’un ose dire à Steve que les pédales d’effet qui scalpent les attaques d’accords plaqués à la guitare en n’en laissant sourdre que l’écho, existent depuis fort longtemps, et n’ont plus rien de chamanamanique. 
Le disque tente de s’auto-plébisciter comme une prémisse à la fièvre érotique, est-ce que je bandonéon ? pas beaucoup. Et mou.
L'écoute m'est dont d’un mortel ennui.
Mais n’oublions pas qu’il y en a qui aiment.
Et puis, écouter tout Steve, c’est un sale boulot, mais il faut bien que quelqu’un le fasse.

(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/fever-dreams

Holding the Space: Fever Dreams II (2004)

Les gars du marketing ont écrit des bibliothèques entières sur les vertus psychothérapeutiques des disques de Steve Roach. Le problème des musiques qui s’auto-proclament « soignantes » c’est qu’on ne peut plus tellement les jauger sur le plan musical, il faudrait pratiquer dessus les exercices spirituels prescrits par votre chaman, de façon régulière, et voir si on en sort en meilleure forme. En se situant sur le terrain du soin, et même parfois du tagada soin soin, Steve pense peut-être jouir de l’immunité diplomatique et musicale. Un hypnagogue affirme dans les notes de pochette toujours très fournies que grâce à Fever Dreams II, et à la Respiration Holotropique, il aurait retrouvé dans les tréfonds de l’inconscient collectif la trace du passage ancestral de son arrière grand-mère, disparue en 1858 et dont il n’avait plus de nouvelles depuis. (La Respiration Holotropique est une méthode d'exploration intérieure basée sur un travail de respiration combiné à des séquences musicales.)

Je ricane, mais le disque s’ouvre sur une plage qui évoque certes le pire du tribal-ambient ramolli, « Le Guérisseur Blessé » mais il est suivi du « Puits d’Energie », sur lequel plane le fantôme d’autant plus inouï qu’il n’est même pas mort de Jon Hassell et sa trompette polytimbrale, ce qui veut dire "plusieurs sons différents en même temps" (à ne pas confondre avec polyphonique, plusieurs notes en même temps, c’est merveilleux, j’apprends des trucs en me faisant suer...)
Une voix féminine vient faire des vocalises, un didgeridoo caverneux lui répond en chorus, ils nous font glisser dans les clichés du new age mais c’est agréable.
Sans conteste le meilleur de la série Fever Dreams, un opus tribal-ambient inspiré et varié.

(4/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/fever-dreams-ii

Spirit Dome (2004)

Encore une surprise-partie funéraire avec Vidna Obmana. En un sombre sanctuaire que nul rayon solaire n’a jamais caressé, le pouls d’une bête monstrueuse bat dans les oppressantes ténèbres, tandis que des pipeaux sculptés dans des fémurs humains entonnent d’antiques mélopées sans que l’on puisse entr’apercevoir à aucun moment les musiciens, qui de toute façon n’ont plus de visages depuis longtemps. Funestes mélopées, qu’on souhaiterait n’avoir jamais ouïes ! Comme dans « InnerZone », qui réunit les mêmes malfaisants, le fujara, cette flûte slovaque maudite, et une guitare électrique trafiquée de chez monsieur Bricolage, chromatiquement avariée et infirme, génèrent un environnement sonore malsain, spirituellement débilitant, soi-disant en réaction à l’environnement urbain pathologique dans lequel Steve et Vidna étaient coincés pendant les répétitions de « Innerzone », justement, autre grand disque malade. 
Ca n’excuse pas tout.
Jamais entendu un « live » aussi funèbre ! Il ravira votre arrière-petite nièce depuis qu’elle a viré gothique (c’est de son âge).
Attention : en cas d’infection par la Covid-19, l’écoute de Spirit Dome est un facteur important de comorbidité.
Montrez la pochette à votre médecin traitant, il comprendra.
Subtilement nuisible.

(1/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/spirit-dome-live-archive


Mantram (2004)
avec Byron Metcalf, Mark Seelig

De l’aveu même de ses géniteurs dans les notes de pochette, l’album a pour ambition de ralentir le cours du temps pour permettre au processus réflexif naturel d’émerger. Steve déploie ses nappes à grande longueur d’onde, que Byron et Seelig, complices réguliers, viennent émailler de flûtiaux et de percussions pour ce qui se veut un mandala sonore rayonnant de toute éternité
, sans début ni fin. D’où l’impression de faire parfois du surplace, de piétiner dans l’antichambre du Nirvana, en foulant aux pieds une bouillie premier (new) âge, il y a un côté mélasse, sirupeux, lénifiant qu’on n’entend pas souvent chez Roach. A part ça, c’est rythmé, serein, harmonieux. Presque mainstream.

(3/5)

Places Beyond: The Lost Pieces 4 (2004)

Collection disparate d’inédits de plusieurs périodes créatives. Une brocante à ciel ouvert, faite d’un peu d’espaces déserts, de pianos spatiaux, d’ethno-ambient,

à la limite du chill-out (terme décrivant plusieurs genres de musiques électroniques caractérisées par leur mélodie reposante et leur tempo modéré — « chill » est un mot argotique qui signifie « reposant » ; par métonymie, il désigne un style de musique planante que Steve n'aurait pas renié, bien que sa notion de musique "reposante" repose sur des conceptions pas tout à fait humaines : il est né des amours contrariés d'une mesa et d'un canyon, comme le révèle son patronyme "roacheux", attribué par ses parents adoptifs, un bulldozer de l'Arizona spécialisé dans les excavations de parkings souterrains, et une femme au foyer sans emploi recueillie au bord d'un ruisseau.
Pour parvenir à détendre l'âme d'un caillou il faut se situer à l'échelle du temps géologique, où l'on compte en en centaines de milliers d'années c'est pourquoi les disques de Steve sont très longs.
Dans la veine atmosphérique harmonieuse, cette collection d'inédits est plaisante.

(3/5)

jeudi 15 avril 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2003

Life Sequence (2003)

Clinquant et frétillant comme le saumon remontant la longueur d’onde. Séquenceurs rutilants mitraillant les tympans de cascades harmoniques arc-en-ciel, chatoyant sur des tapis d'ondes positives, on est ici chez un disciple propret de Klaus Schulze (que Steve ne se cache pas d'appeler "papa Schulze" à longueur d'interview) qui présente le visage grassouillet et replet d'Eckardt Tolle pour un show pyrotechnique cristallin et maitrisé, mais un peu asexué. Deux ou trois moments d'architecture gracieuse, mais faut vraiment les chercher.


(2/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/life-sequence

Mystic Chords & Sacred Spaces (4 CD !!) (2003)

Avec un titre comme ça, il faut quand même s’armer de foi pour arpenter ces immensités arythmiques et atonales, dépeuplées du moindre autochtone, et s'aventurer sur chacun des 4 CD qui composent le voyage organisé vers des espaces délimités comme "sacrés", "labyrinthe", "futur récent", et "morceau d'infini", même sans se soumettre aux diktats des marchands de tapis du marketing, particulièrement en verve pour pérorer et postilloner sur ce quadruple album (« the creme de la creme of Steve's work », mais ils disent ça souvent).

CD #1 : dans la veine atmosphérique, c’est un opus imposant du sculpteur paysagiste d'espaces sonores, devis gratuit, travail soigné. Ne cherchons pas trop à le scruter des oreilles comme on dévisagerait un paysage visuel, mais laissons-le infuser à bas volume, en triant nos vieux relevés de CCP, en épluchant nos cactus pour faire une bonne omelette au peyotl, suspendons notre jugement pour un temps et respectons notre part du pari que Steve prend avec l'auditeur sur sa capacité à entrer dans le majestueux mais minimal royaume des mondes électro-acoustiques non rythmiques.
Nous voici en vue des contreforts liquides du travail "immersif" qui s’étalera (s’écoulera, même) sur le reste de la décennie.
C'est souvent froid comme un Vangelis sous barbituriques, mais si on ne s'immerge que là-dedans pendant quelques temps, on finira par la trouver bonne. C’est physiologiquement prouvé.
Le spectre d’effets secondaires s'étend du sédatif léger à l'anesthésie totale, c’est pourquoi les barbituriques sont de nos jours beaucoup moins prescrits en raison de leurs effets indésirables, du risque d'abus, et de l'arrivée sur le marché de molécules à l'action comparable mais aux effets secondaires réduits et à la toxicité limitée (entre autres les benzodiazépines). Ici on est moins neurotoxique que juste chiant. Ah, tiens, le jugement est revenu par la porte de derrière, après avoir fait le tour par le jardin.
CD #2 : sous une voûte immense, un accord cristallin se déploie en réverbérations inhumaines, qui ont commencé d’éclore bien des éons avant le début du morceau et persisteront longtemps après sa fin, émanant comme autant d’acouphènes divins tombés d’un céleste empire sur nos crédules esgourdes, ponctué de crissements d’oiseaux et d’insectes. Quiétude qui n’évolue que très lentement. Dans trois jours, l’organiste risquera peut-être un do# à la tierce majeure sur la partie haute du clavier, qui mettra plusieurs CDs à s’épanouir pleinement, mais je n’en mettrais pas mes ailes de chérubin à couper. Dans ce qui est peut-être un voyage rêvé vers un Groënland imaginaire, car dépourvu du moindre esquimau, toute chaleur n’est pas exclue, mais ça met très longtemps à fondre. Les esquimaux aussi.
CD 3 : l’équivalent sonore d’une de ces lampes à lave psychédélique des années 60 qui contenaient un liquide transparent dans lequel évoluaient des boules colorées de cire fondue, montant et descendant selon la chaleur dégagée par l’ampoule placée dans le socle.
On perd vite pied dans cet océan de sons retournés à l’état liquide, indifférenciés, et en plus on risque d’attraper des amibes. Même pour un professionnel du désert comme Théodore Monod/stéréo, 4 CD d’aridité aquatique, c’est trop ténu pour être écouté, mais quand le mental lâche prise et qu’on l’entend enfin, ça peut troubler : au moment où on cesse d’y prêter attention, ça peut s’offrir à vous. Etonnant, non ?
CD #4 : il faut encore un sursaut de foi pour entrer dans la « piece of infinity » sorte de caverne lumineuse pas vraiment mortifère, mais si languide que la somnolence est garantie et l’accident certain si écouté sur autoroute. On est à nouveau dans les limbes, qui désignent soit un état intermédiaire et flou, soit le séjour des âmes des justes avant la Rédemption, ou des enfants morts sans baptême. Comme je ne sais plus trop où je suis, au bout de 4 CD, mais que je me rappelle que je ne suis pas baptisé, je vais rester poli. Des fois que.

(1/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/mystic-chords-and-sacred-spaces-complete-edition

Texture Maps (2003)


Attention, vieux inédits de la fin des années 80 en voie de recyclage. Au début du disque, on sent bien que Steve apprend à jouer du synthé, en mettant plein de réverb pour masquer son angoisse quand il ne sait pas finir ses phrases musicales, et aussi pour masquer les pains; un tic déplaisant qu’il conservera longtemps. Puis la dissonance harmonique s’installe et hante durablement ses prairies ondulantes de sons désaccordés, au bord du malaise. Et quelle morne plaine !

Le disque idéal pour faire fuir vos amis en fin de soirée (selon Télédrama)

(0/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/texture-maps

Space and Time (2003)

Compilation d’extraits de ses œuvres précédentes, à offrir à ceux de vos amis avec lesquels vous n’êtes pas encore fâchés (un indice : ce sont ceux qui n’ont pas fui la veille en fin de soirée)
Pas désagréable, mais la balade est un peu rapide : un morceau de Steve Roach de moins de quinze minutes donne toujours l'impression d'être tronqué. 
De fait, ici ils le sont tous.

(3/5)

jeudi 8 avril 2021

Le petit Steve Roach illustré : Une année 2002

All Is Now (2 CD) (2002)

Des fragments anonymisés des précédents albums (Core, Streams & Currents, Early Man et Innerzone) sont capturés vivants, retravaillés en concert, ramenés à la maison, malmenés au remixeur à légumes, noyés d’overdubs, puis renvoyés chez leur mère la queue entre les oreilles. Les notes de l’album précisent que cette approche d’autogreffe et d’allers-retours permanents entre le studio et la performance live s’est révélée plus payante que celle consistant à rester-en-tournée-jusqu’à-tomber, ivre d’ayahuesca light et de bière sans alcool entre deux groupies macrobio à grosses…lunettes.
Le concert à Portland, sur le premier CD, nous précipite dans des catacombes chantantes, qui débouchent inopinément sur un vaisseau spatial en partance pour le Big Nowhere, sa destination favorite.
En chemin, on transite par des endroits soniquement inconfortables, mais on ne s’éternise pas. Brian Enorme nous en préserve ! San Francisco et Oakland offrent des paysages variés, cauteleux, lysergiques et nauséeux à souhait. Le second disque propose un festival de glissandos de guitares spatiales ouatées de tonnes d’écho, avec apparition et disparition de sections rythmiques spectrales. 
Les amateurs de train fantôme sont à la fête. 
Si c’était un peu plus articulé, on jurerait entendre Jon Hassell. 
Mais ça ne l’est pas. 
Et pour un live, il y a beaucoup de temps morts.

(2/5)

https://music.apple.com/us/album/all-is-now-live-2002-live/649840784?app=itunes&ign-mpt=uo%3D4

Darkest before dawn (2002)


Une boucle atmosphérique d’environ 1’30’’ restitue à s’y méprendre le moment où la noirceur de la nuit nocturne s’assombrit encore quand elle comprend que l’aurore va la faire pâlir. Malheureusement, cette tentative de traduction sonore du moment tant redouté des condamnés à mort mais aussi à vie est éhontément bouclée et rebouclée pendant 74 minutes pour abreuver nos microsillons. L’auditeur lambda passe de l’émerveillement à la déconvenue en moins de temps qu’il n’en faut pour mettre à jour la supercherie. Nonobstant la plaisance de la séquence répétée à l’infini.

Raconte comment tu as râlé auprès des opérateurs de télémarketing qui assurent le SAV et le contrôle qualité 24/24 chez Steve sans faire usage d’insultes à caractère discriminant (6, 99€ la minute)

Véritable pavé en mousse ricochant muettement sur la mare gelée de l'insomnie, "Il fait toujours plus sombre juste avant l'aube, et en plus on n'y voit que dalle" se distingue par sa sobriété instrumentale et ses vertus curatives sur le manque de sommeil.
Steve est parti du sample d'une chaudière à l'arrêt grossi 20 000 fois à l'aide du microscope électronique offert par ses parents pour son 8ème anniversaire afin de lui permettre de réaliser son rêve secret (délivré par un garagiste-chaman de Tucson au cours d'une transe rituelle d'exorcisme de boite de vitesse) : observer la vie intérieure des cailloux de l'Arizona, et nous entraine dans une sarabande sonique à couper le souffle puisqu'il fait du surplace pendant tout le disque.

(0/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/darkest-before-dawn

Day Out of Time (2002)

Que peut-on dire de la bande-son d’un film sans en avoir vu les images ? Ben en fait, c’est pas très grave : les créations sonores de Roach sont une invitation constante à fermer les yeux et se créer des films phosphéniques de cinéma gratuit, paupières closes. Certains fans hardcore y parviennent même les yeux ouverts. L’illustration de la pochette nous propose un rendez-vous avec nous-mêmes au milieu d’une plaine sableuse parsemée d’artefacts géologiques énigmatiques sous un ciel plombé, et induit la notion d’espaces désolés, ayant pris leur forme bien avant le début du disque, et qui persisteront longtemps après que l’auditeur sera retombé en poussière. 
A l’écoute il y a aussi une note de sérénité aquatique, comme un requiem pour crapauds. Pas de notes, pas de mélodies, cette année il n’en a pas plu, mais des états sonores semi-gazeux apparaissent, puis disparaissent. Méditons sur l’impermanence. Tranquillité des cratères martiens, sous lesquels des océans gelés patientent. 
« N’est point mort celui qui éternellement dort » pouvait-on lire dans le Necronomicon, vers qui s’applique souvent au fan de Steve Roach, tant il règne en ce lieu une atonie, 
un manque de vitalité, de vigueur qu’on peut vivre comme un lieu de repos ou de convalescence, loin des foules déchainées, parce que pas encore vaccinées.
Pour avoir crapahuté dans les canyons de l’Utah et de l’Arizona, et rêvé sur les turbulences nuageuses qui les surplombent, la bande-son est appropriée. 
Un acouphène minéral sous-tend tout l’album, une rémanence.
Encore un disque publicitaire déguisé, vantant les avantages d’être constitué de roches métamorphiques (granit, gneiss) : une sagesse minérale s’en exhale, parce qu’à part méditer, la seule activité pratiquée par les cailloux du coin, c’est l’érosion sous l’effet du vent et de la pluie.
Il rêgne ici un mystère qui manque parfois cruellement ailleurs.
Final très apaisé.

(3/5)

https://steveroach.bandcamp.com/album/day-out-of-time


Trance Spirits (2002)
avec Jeffrey Fayman et Robert Fripp

La tribu s'agrandit, donc la grotte aussi, mais malgré la présence de Robert Fripp aux Guitar Soundscapes et de Jeffrey Fayman aux percussions, l'impression d'ensemble reste froide. Glaciale, même, la faute aux nappes aux tonalités mineures et vaguement menaçantes, comme si nos guerriers sous tension allaient se lancer dans un nettoyage ethnique de la tribu d'à-côté, sans jamais mettre leur menace à exécution. Ils font du surplace, on entend bien le bruit du moteur mais jamais y'en a un qui aurait l'idée d'enclencher la première vitesse. Sur plusieurs morceaux (Trance Spirits et les suivants) j'entends un peu des échos de Jon Hassell, période Dream theory in Malaya, et c'est toujours ça de pris, mais ça ne nous rend pas le Steve techno-tribal ambient qu'on a connu dans les années 90 (et encore moins le Steve Maia Caniço tombé dans la Loire en 2019, mais c'est une autre histoire).

Ces gars-là, y viennent d’inventer l’ambiance oppressante et neurotoxique, au lieu d’inventer la roue. Bien sûr ils sont ravis de leur trouvaille, on les sent éprouver la joie de taper sur le même clou, mais le tribal ambient synthétique, ça reste aussi plaisant qu’un piano mécanique sous de tristes tropiques.

(1/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/trance-spirits

InnerZone (2002)


Emergence du concept expérimental du "tranquillement dérangeant", à ne pas confondre avec la quiétude troublante. Les disques cosignés avec Vidna Obmana durant cette période ne sont pas de tout repos. Le nom des coupables : un fujara, sorte de flûte traditionnelle slovaque systématiquement désaccordée dès lors qu'on joue en mi dièze, et une guitare électrique trafiquée de chez trafiquée, chromatiquement altérée par une multitude de processeurs d'effets électroniques. C’est parfois beau comme un défilé de chenilles processionnaires un peu ivres, et inquiétant comme une cérémonie de solstice qui partirait de travers, comme dans Midsommar. 
On cultive ici la limbe, la stase. 
Une oeuvre contemplative qui séduira ceux qui se sont laissés imprudemment enfermer à la cave et qui, à l'usage, découvrent que finalement ils ne détestent pas méditer à califourchon sur le tas de charbon. Ou errer dans les catacombes de leur esprit en espérant trouver la sortie par la respiration consciente et la cohérence cardiaque.
Clapotis amplifiés, dissonances antiques, jusqu’au malaise vagal. 
Où peuvent-elles être, ces clés de la cave ?
C’est diablerie, messires.

(1/5)

https://projektrecords.bandcamp.com/album/innerzone