2023 :
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Du temps de son vivant, Frank Zappa z'abitait chez ses parents. C'est faible, je sais, mais je suis en convalescence. J'aimerais pas vous y vouar. |
Alors, Zappa, pas z'à pas ?
L'album regorge de choses variées et inédites, période Hot Rats (1970).
Mouais. Ca va faire comme à chaque fois : les adorateurs adorent, les indifférents s'en tamponnent.
Et est-ce que Frank Zappa n'aurait pas un peu mal vieilli depuis sa mort, comme je le radotais déjà en 2017 ?
Ou alors c'est moi.
Bien que je ne sois pas encore mort, enfin je suppose, y'aurait des indices, par exemple, il y aurait des mouches dans mon bureau, comme dans The Torture never stops : "Flies all green and buzzin' / In this dungeon of despair", enfin, il y en a, parce que ma femme a laissé la porte de la cuisine d'été ouverte et que les mouches adorent s'engouffrer dans la pièce adjaçente, mais elles sont noires, et elles ne sont pas toutes sur moi. C'est encourageant. Et mon bureau a cessé depuis un moment d'être un donjon du désespoir, faut pas pousser non plus. En lisant les 3 volumes de sa biographie au Castor astral, j’apprends aussi à dissocier l’homme Zappa de l’œuvre zappatiste, encore mieux qu’avec Polanski; même si avec Polanski, c’est moins z'eazy qu’avec Dieudonné, malgré son sketch sur le cancer, qui n’est pas mal, faut reconnaitre.
Je peux pas rire avec n’importe qui.
Et je découvre que Frank Zappa, comme Ramon Pipin et Jak Belghit, ne vivait que par et pour la musique.
"Information is not knowledge. Knowledge is not wisdom. Wisdom is not truth. Truth is not beauty. Beauty is not love. Love is not music. Music is THE BEST." Rhâââ ! je le connaissais pas, ce Zappaphorisme, digne d'un mystique hindou !
Il me ravigote, en ces temps où plein de musiciens géniaux, dont un bon paquet d'inconnus au bataillon, persistent à trépasser. Heureusement que leurs œuvres leurs survivent, surtout quand on se donne la peine de les écouter. Sinon, elles restent dans aussi mourues que leurs auteurs, comme mes vinyles au fond du garage.
=> La playlist de l'album :
2024 :
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Moi aussi, faudrait que je pense à me faire décoincer la glissière avant qu'il soit trop tard |
Je ne suis pas un vieillard maniaque et zappaphile, la période Hot Rats, je ne la connais pas bien, je ne veux pas me noyer dans 3 heures d'enregistrement, comme à chaque fois que sort une putain de Deluxe Edition. Je suis en train de relire les recueils du Journal de Spirou de l'an 1970, qui était quasiment ma seule source d'information fiable à l'époque, et ils n'en parlent pas du tout, de la période Hot Rats de Zappa.
Là où j'ai pied, chez Zappa, c'est entre 1975 (One Size Fits All) et 1981 (Shut Up 'n Play Yer Guitar, que je peux écouter plusieurs jours en boucle avant que les voisins n'appellent la police). C'est peu, dans le long fleuve impétueux de sa trajectoire artistique. Heureusement, un site d'auditeurs de disques rétablit la vraie valeur des artistes et de leurs œuvres, loin de la mafia des rock-critiques vendus aux maisons de disques et aux annonceurs de publications périodiques, là c'est la voix du peuple qui s'exprime, en tout cas la voix de la fraction du peuple qui s'exprime sur les forums d'auditeurs de disques plutôt que dans la rue, parce que dans la rue, personne n'évoque Zappa, c'est un marché de niche et les chiens s'en foutent, arf. Concernant Funky Nothingness, les amateurs non-professionnels apprécient, mais seuls deux passants ont laissé un avis, et on peut les suspecter d'être zappaphiles.
J'écoute les 3 CD, mais je ne suis pas dedans. Alors j'en écoute d'autres, comme "One size fits all", débordant d'une musicalité paroxystique sans être englué dans l'habillage parodique traditionnel et un peu nihiliste du père Z. C'est l'engrenage.
janvier 2025 :
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Contrairement à ce qu'on peut lire ici et là mais surtout là sur internet, Zappa n'a jamais écrit pour Lynch la musique d'un ballet à base de sonde urinaire et de jambon à l'os. Mais ça aurait pu. |
mars 2025 :
Mon cousin, commandant de bord à Air France et assis sur la branche prétendument "gagnante" de la famille, 53 ans, met fin à ses jours, sans un mot d'adieu, laissant veuve, enfants, parents, veaux, vaches, cochons, couvées, se démerder avec ça.
Avait-il écouté « Suicide Chump » de Frank Zappa avant de commettre l'irréparable ? c'est ce que l'enquête devra déterminer.
Arrange-toi juste pour réussir du premier coup
Car il n'y a rien de pire qu'un suicide raté »

Au moins, il n'a pas entrainé avec lui dans la mort les 150 passagers du vol 4U-9525 de Germanwings.
Au moment ultime, le pas de côté par rapport à l’horrible engrenage des pensées funestes lui a été refusé, ou il n’a pas pu le concevoir, y'avait pas la hauteur sous plafond, aucun ange ne l’a effleuré de son aile poilue, enfin bref, ça s’est pas fait, et à la place, ce qui s’est fait est assez moche pour tout le monde, et encore, y’en a de reste. Il a cru pouvoir faire cesser la souffrance en mettant un terme à la source de toute sensation : lui-même. L'immense tristesse surnuméraire que doivent se partager les survivants du crash, c’est l’affreux « allez vous faire voir » que la mort volontaire dessine silencieusement dans le dos des suicidés qui ne laissent pas de message d’adieu.
J'hésite à offrir « Suicide Chump » à ses enfants pour les consoler d'avoir perdu leur papa, qui était un chouette gars. On peut partager la peine, immense, sans chercher à la multiplier par des observations inappropriées. A la place, j'écris à mon oncle et à ma tante, pour leur expliquer combien les mécanismes du désespoir qui mène à l'irréparable sont souterrains : la dissimulation à ses proches, en même temps que l’affaiblissement de la conscience de soi, au fur et à mesure que le cancer dépressif te dévore l'âme comme l'adénocarcinome te dévore la prostate puis colonise ses faubourgs si tu n'es pas dépisté à temps, parce que tu es passé au travers des milliers de messages de prévention qui t'ont été adressés, tu ne te sentais pas concerné, tellement tu te croyais immortel. Les femmes vont très facilement se faire dépister les seins et les ovaires; pourquoi planons-nous si haut au dessus des lois statistiques ?
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On prévient plus facilement un cancer de la prostate que la tentation d'en finir. |
Je dis aussi à mon oncle et ma tante qu'il ne sert à rien de culpabiliser de n'avoir pas su voir les signes avant-coureurs du passage à l’acte : tout est caché, rien ne dépasse. C’est invisible, jusqu’au moment où la souffrance prend le dessus sur tout le reste, même l’amour de ses proches. Inutile de rajouter mon émotion à la dévastation.
Et j'évite de la ramener avec Zappa. C'est vrai, quoi, c'est pénible, à la fin.
2020 :
Brusquement, cinq ans plus tôt, on se recueille en silence devant la dépouille de la moitié du duo des n'hommes Dédé et Mireille
C'est pas facile d'accéder au silence intime, parce que la partie fraichement défunte a choisi ante mortem de faire diffuser "Bobby Brown" de Frank Zappa, version Sheik Yerbouti, pendant la cérémonie d'adieux au funérarium. Y aurait-il une chanson de Frank Zappa pour toutes les circonstances de la vie quand elle touche à sa fin ? Sa veuve et ses 4 enfants s'étreignent ensemble et se couchent quasiment sur le cercueil contenant la dépouille de leur papa dans le civil, alias notre copine non-genrée dans notre vie d'artistes ultra secrète, voire carrément confidentielle.
Quelques jours plus tard, je tombe sur « Zappa », le flim, une nouvelle biographie vidéo avec plein d’archives inédites cédées par la famille, que je repompe avidement.
à l’intérieur, je découvre un extrait d’émission télé :
"Frank Zappa, dead at 52. His wife and all four children were with him."
Je suis troublé.
avril 2025 :
Je découvre Hot Rats (1969), magnifique !
Ainsi que la Deluxe Edition du Zappa in New York avec Jean-Luc Ponty (en fait c'est pas lui du tout, y'a longtemps qu'il a quitté le groupe, mais je crois le reconnaitre à l'oreille, mwahahah, quelle cruche !) Peut-être le meilleur enregistrement public de Frank Zappa de l'année 1978 ! avec 4 CD de versions inédites et un livret, que je vous joins, parce qu'on n'a que la joie qu'on se donne, tout frétillant de précision taxinomique. On y apprend la playlist de chaque concert, qui jouait de quoi, et ce qu'ils avaient mangé la veille. Tout est pardonné. Un collègue de travail rencontré dans la salle d'attente de l'anesthésiste avant la biopsie et qui se révèle avoir la même maladie que moi est lui aussi fan de Zappa. Notre relation prend un tour plus chaleureux.
Comme dans la chanson d'Yvan Dautin :
"on s'donne du mal, jamais du bien
J'perds les pédales, ça crée des liens!"
Moralité : si vous êtes un mâle masculiniste de plus de 50 ans, et même si vous ignorez tout de Frank Zappa, allez donc faire un bilan sanguin tous les deux ans, ça tue pas le cochon, et ça vous évitera nos tragiques mésaventures.
Déjà que j’en suis à une coloscopie de retard. Bon rétablissement. Mes condoléances à la famille - ton complétisme musical m’effarera toujours (surtout ave Zappa).
RépondreSupprimerMerci ! la maladie est une invitation au changement. parce que si t'essayes de rester pareil qu'avant son irruption dans ta life, ça se met pas bien.
RépondreSupprimerEt le changement, ben j'ai horreur de ça, j'avoue, mais je préfère l'accompagner que le subir.
Par exemple, une simple érection est devenue pour moi de la science-fiction mais 1/ j'adore la SF 2/ en principe ça va me libérer du temps pour en lire.
3/ moi aussi j'ai (au moins) une coloscopie de retard. J'ai considéré à tort que mon cancer de la peau puis de la prostate me prémunissaient contre le colorectal, ce qui relève de la pensée magique, mais on verra jusqu'à quel point elle est fondée quand je prendrai rdv avec le gastro-entérologue.
Va faire un bilan sanguin ! sinon je te donne les chiffres annuels des décès par négligence. La prostate, c'est très commun, et on en guérit bien, à part les inconvénients mentionnés, pas totalement immérités en ce qui me concerne (faut bien donner du sens à la fatalité;-)))
C’est sûr qu’en plus, ça fait plusieurs années que je n’ai pas vu un médecin. Bon, bon, bon, bonne érection possible.
SupprimerJ'ai découvert avec plaisir Zappa récemment mais je n'aime pas suffisamment pour écouter toute sa discographie. Ce funky Nothingness passe bien mais j'ai toujours un peu de mal avec les voix et le côté seventies.
RépondreSupprimerSur le suicide on peut toujours mentir aux proches pour tenter de les consoler ou de les déculpabiliser mais malheureusement souvent la réalité résiste. Ma femme m'a encore menacer de se pendre si je continuais à aller trop souvent à la piscine. J'entends pas, j'entends pas...
Suggère-lui de t'accompagner. Ou alors, qu'elle aille au bout de son ultimatum; une fois, j'évoquais ma tentation du suicide à un ami imaginaire sur le darknet, il m'a dit "just do it" et ça m'a fait beaucoup de bien d'entendre ça.
RépondreSupprimerConcernant Zappa, je ne saurais pas par quoi commencer. Pas par l'ordre chronologique, en tout cas, bien qu'il y ait une montée en puissance de la "technicité" au cours de sa carrière. Tout dépend de ce que tu recherches. Il y a des chansons, humoristiques, parfois surréalistes, des instrumentaux, du jazz, du rock... mais tout ce que touchait Zappa se transformait en Zappa.
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