jeudi 5 septembre 2024

Frank Zappa - Deutschlandhalle Berlin (1978)

 - Un problème assez gênant avec Frank Zappa, c'est qu'il ressemble beaucoup à mon oncle Jeff quand il était jeune et qu'il se croyait drôle, alors qu'il faisait des blagues lourdingues et assez pénibles pour son entourage, mais on se sent parfois obligé de ricaner en chœur pour ne pas remettre en cause l'équilibre relationnel au sein du système familial, parce qu'on sait que l'individu - symptôme est l'arbre qui cache la fantômette, et qu'après votre coup de gueule, la famille se débrouillera pour choisir un autre symptôme, et que vous n'avez pas envie que ça tombe sur vous.

Ceci est la pochette d'un disque qui n'existe pas,
du moins dans la discographie officielle.
C'est soi-disant un Live FM Broadcast
At The Deutschlandhalle, Berlin, 
Germany, 15th February 1978.
Mais même ça, c'est sujet à caution.
 - Le second problème assez net avec Frank Zappa, c'est qu'il a introduit la farce dans le rock, qui jusque-là se complaisait dans une posture masculiniste assez égotiste;  mais que reste-t'il d'une parodie quand plus personne ne se souvient de qui elle se moquait ? Chez Zappa, heureusement, malgré le temps passé, et l'affadissement certain du versant gotlibien, un certain nombre de portraits et d'observations restent valides, car le moraliste affleurait sous le satiriste. Et mon oncle Jeff Zappa n'est pas uniquement écouté par des sociologues étudiant l'Américain moyen des années 70.

- Le troisième problème un peu embêtant de Frank Zappa, c'est qu'il n'a que très peu dormi entre 1965 et 1993, ses biographes ont repéré trois micro-siestes, l'une en 1972, pendant l'enregistrement de Waka/Jawaka, la seconde en 1981 à l'occasion de la promo de Shut Up 'N Play Yer Guitar, et la troisième pendant une séance de chimiothérapie qui ne devait malheureusement pas le guérir du cancer de la prostate, mais il a brièvement ouvert les yeux pour annoter une page de la partition qu'il était en train de composer, et  de ce fait, cette dernière sieste est niée par ses ayant-droits, et sa discographie reste une jungle inextricable d'enregistrements studios, de captations publiques parsemées d'overdubs, de disques semi-officiels et d'enregistrement pirates réhabilités à peu près partout, même par le Parti Communiste Chinois, qui est pourtant le premier à contester les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce quand ça l'arrange.

- Ce qui nous donne le quatrième problème, qui est bien ennuyeux, avec Frank Zappa : pour s'y retrouver dans cette overdose permanente de surabondance, il faut consulter des ouvrages spécialisés, ou tomber par hasard sur le site de référence, qui rend aussi maboul que l'était ce pauvre arabe dément de Abdul Ger'al-Darmalin.

la playlist du disque qui n'existe pas

 - Ce qui engendre le cinquième problème assez agaçant avec Frank Zappa, dont les adorateurs sont aussi pénibles à écouter que mon oncle Jeff, et qui peinent à parler d'autre chose que de leur Maitre. Heureusement, on peut couvrir leur babillage de geeks mal grandis avec n'importe quel disque de Frank, qui ne vivait que pour composer, comme on le découvre dans le film qui lui fut consacré par Alex Winter en 2020, principalement composé d'interviews de lui et de ses très proches.
https://www.muziq.fr/zappa-le-film/
Ce qui frappe, dans ces interviews, indépendamment de ce qu'on peut penser ou non de sa musique, c'est l'absolue clarté d'esprit dont il faisait preuve, et l'inconcevable liberté qu'il avait su conquérir en lui-même. Et comme le rappelle le jeune Thomas Jefferson en exergue de "Frank Zappa Et La Dînette De Chrome",  « Le prix de la liberté, c’est l’éternelle vigilance. »

un adorateur de Zappa reçu en audience privée par le Maitre

 - Pour la faire courte et éviter de créer le sixième problème vraiment rédhibitoire avec Frank Zappa, je dirais que cet enregistrement d'un concert de début 1978 à Berlin restitue très bien la puissance d'un orchestre pharaonique (Patrick O'Hearn, Terry Bozzio, Adrian Belew, Peter Wolf, Tommy Mars, Maurice Dubrignoulet) qui parcourt à fond les vélos le répertoire des albums officiels de l'époque (Zappa in New York, Sheik Yerbouti) avec entre autres des versions très réussies de Torture Never Stops, Bobby Brown, Yo'Mama, ainsi que d'hilarants intermèdes parlés où Zappa délire sur les groupies allemandes. 

le disque qui n'existe pas :


la note de pochette du disque qui n'existe pas

Pour aller plus loin :
 

9 commentaires:

  1. A tout hasard
    http://u.pc.cd/C7MrtalK

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    1. ah c'est trop gentil, je l'ai pris aussi, mais je suis déjà en train de lire son tryptique biographique édité au castor astral, et évoqué dans mon article. Et mon fils m'a chopé l'autre jour en train de sangloter dans le canapé en regardant arriver le terme de son existence terrestre dans "Zappa" (le flim). Ca sent la méchante rechute (de canapé).

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  2. 5ème problème
    les commentaires restent dans leur tombe avant leur résurrection (?) par le grand censeur

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    1. ménon ménon; je ne suis pas tout le temps devant un ordi ou un téléphone. La fréquence de mes visites s'espace. Les commentateurs sont rares; ils sont toujours bien reçus. Une fois, je post-produisais un film et ça a pris tellement de temps que les interviewés sont morts pendant le montage.
      https://jesuisunetombe.blogspot.com/2015/04/le-pere-yvon-en-inde.html
      On n'en est pas là.

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  3. Merci et pardon John,
    Merci pour cet excellent article, j'apprécie toujours de te lire, et si le fan de Tintin apprécie la verve d'Hergé, j'apprécierai toujours la tienne sans retenue.
    Pardon parce que je pense que mon petit commentaire chez Lyc sur Ricet t'a peut-être amené à rédiger celui-ci, que j'ai tardé à lire...
    La première trilogie de Christophe Delbrouk, avec qui j'ai aimé avoir des relations épistolaires, reste vraiment dense et touffue, et il n'est pas facile de retrouver rapidement une info. Sa seconde trilogie, "les extravagantes aventures de Frank Zappa" est plus facile en donnant encore davantage la parole aux acteurs de l'époque et en resituant en fin de chapitre l'album à son époque.
    Concernant ton album de Berlin 78, qui diffère du mien quant à la longueur de certains titres, il reste intéressant car il correspond à la période où Zappa s'est émancipé de son major, et a vraiment repris la mainmise sur son catalogue.
    Au plaisir de te lire !
    Thierry

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  4. un commentaire sur Ricet ? chez Lyc ? Lyc n'irait pas poster du Ricet. Tu dois confondre avec un billet sur ce blog, mais j'ai la glu de chercher.
    Merci pour le tuyau sur "Les Extravagantes aventures de Frank Zappa", ça a l'air fourré aux slips sales, comme mon blog hypersecret.
    J'ai déjà du mal à avancer dans la première trilogie de Christophe Delbrouk, qui est pour fans hardcore...

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  5. Pardon, j'ai cru prétentieusement à une réponse, sois humble thierry.
    Sur l'album "Arthur Teboul, Baptiste Trotignon - Piano Voix" tu as posté :
    "A priori, je ne miserais pas $1 sur Teboul, mais tout mon pognon sur Trotignon.
    Merci d'ouvrir mes chakras sans me vider le porte-monnaie !"
    A quoi j'avais répondu :
    "Sûr que tu préfères feu Ricet Barier tout nu que feu chatterton..."

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  6. J'écris ce que me dicte l'inspiration, à un instant T, à l'heure H du jour J. J'essaye de ne pas faire ensuite de "saisie" (l'inverse du lâcher prise) sur ce que j'ai blablaté. Ca marche mieux quand je réduis le flux.

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