- T'as pas entendu comme un bruit ? - Hein ? |
A y est. J'ai enfin regardé Valérian et Laureline, alors que je l'avais téléchargé avant tout le monde, avec un enthousiasme frénétique autant que décérébré. Et c'est une fois de plus l'occasion d'accepter que le meilleur moment dans l'amour, c'est quand ça downloade.
Je l'ai regardé du coin de l'oeil, un peu comateux, un dimanche après-midi parce que c'était mon premier jour de congé depuis 3 semaines et qu'en ce moment je dors 4 heures par nuit, rapport à la phase hypomaniaque de mes légères tendances bipolaires, tout ça. Entre mes micro-siestes sur mon pouf en micro-billes, j'ai trouvé l'esthétique assez laide, les couleurs de la planète Mül un peu forcées, et pour tout dire aussi vulgaires qu'un vieux sketch de Font et Val. Ca ne me gène pas tellement que le film n'ait qu'un très lointain rapport avec l'univers développé par Christin et Mézières depuis la fin des années 60, je ne suis pas un gardien du Temple, je n'ai jamais été un grand fan de la série, les geeks de Valérian-la-BD c'est pas des gens comme moi.
Je lisais Spirou et parfois Tintin, rarement Pilote.
L'esprit de Valérian-la-BD, est-ce que Besson s'en est emparé, même au prix d'en trahir la lettre, pour en faire quelque chose de neuf et transmettre cette culture qui lui a tant plu quand il était kid, au point de s'endetter sur 9 générations en produisant et réalisant son gloubi-boulga de film ?
Je comprends que les Américains aient boudé Valérian-le-film, il y a des crimes de lèse-Star Wars un peu partout, tout le temps. De la dérision, de l'ilarité et toutes ces sortes de choses, là où on s'y attend le moins, et surtout là où les Américains se sont forgés une nouvelle mythologie, et là-bas les mythos ne font rire personne.
On ne laissera pas le petit gros Frenchie déconner avec Star Wars, on n'ira pas voir son film, déjà qu'on a le Sénateur Palpatine à la Maison Blanche, alors ça va bien maintenant, hein, on va pas se laisser emmerder.
Mais Valérian-le-film, ça me fait surtout penser à ce que dit Alan Moore dans l'interview qu'il a donnée sur France Inter à l'occasion de la sortie de Jérusalem, et que je transcris en tremblant d'émotion devant tant d'intelligence conceptuelle, comme un scribe atteint de myxomatose.
" Plus personne ne sait ce qu’est véritablement la culture, l’art, la vulgarité, ce qui suggère que toutes ces choses ont été mélangées dans une sorte de terreau extrêmement fertile, un médium à partir duquel nous commençons à faire croitre de nouvelles formes culturelles dont nous aurons besoin pour ce siècle qui est là.
- Je vous ai souvent entendu dire que le 21ème siècle n’’était pas parvenu à inventer sa propre culture, Alan Moore, qu’est-ce que vous voulez dire par là ?
- Après s’être précipités à travers les années 50 avec ces voitures aux ailerons de requin et à travers les années 60 et 70 avec tous ces merveilleux films de science-fiction et nos aspirations à tout ce que le genre humain allait devenir à l’avenir, quand nous sommes parvenus aux années 90, nous avons commencé a voir cet avenir se manifester autour de nous.
Ce n’était pas du tout l’avenir auquel on s’attendait, que l’on espérait.
Il n’y avait pas de costumes avec des petites fusées dans le dos, à la place il y avait ce nouveau médium envahissant qui transformait la société d’une façon qu’on ne pouvait pas imaginer précédemment.
Je pense que ce qui s’est passé c’est que la culture s’est gelée sur place. Elle a commencé à marquer le pas. Elle avait peur, la culture, elle était effrayée devant le siècle qui s’ouvrait devant elle, alors elle a décidé, simplement, de ré-imaginer, de refaire partir la culture du siècle au sein duquel elle était à l’aise.
Ce qui signifie que maintenant on a devant nos cinémas des adultes qui font la queue pour aller voir des personnages et des récits qui ont été inventés pour divertir des garçons de 12 ans d’il y a 50 ans.(...)"
Et voilà.
Pile poil.
Prends ça dans ta gueule, Luc Besson.
La messe est dite.
Affaire suivante.
- mi- janvier 2018 -
J'ai mis plusieurs années à lire le premier tome de Casanova au service de l’E.M.P.I.R.E. en entier.
J'ai commencé par le mater en v.o, mais j'y comprenais pas grand chose, ça se passait pas du tout à Venise, mais dans des univers parallèles, y'avait des jolies filles, des super-méchants à la James Bond, des embrouilles quantiques, des consignes mal interprétées, une jubilation a déchirer l'espace-temps et la trame de la figuration narrative qu'on ne retrouve que dans les meilleurs ouvrages de Stephane Jourdain et Grant Morrison, mais c'était un peu confus.
Quand la v.f est sortie chez Urban Comics, plusieurs années après, j'ai foncé l'acheter.
C'était pire.
Et puis tout s'est bizarrement décanté à la sortie de Valériane-Le-Film, où j'ai relativement bien dormi sur mon pouf en microbilles devant ma télé HD 1080p, merci.
J'ai compris qu'il fallait me laisser porter par le flow, plutôt que d'être tatillon sur la continuité et/ou les enjeux scénaristiques, qui carbonisent cinquante ans de pop culture au micro-ondes* sans que le goût ou l'effet soient aussi désagréables qu'on pouvait l'imaginer d'après la recette.
En plus, j'ai trouvé dans un univers parallèle une version bichrome du plus bel effet, qui souligne la vivacité et l'élégance du trait de Gabriel Bà.
Après |
Avant. Trop de couleur distrait le spectateur (Jacques Tati) |
Et dans l'édition française, dont je me suis fait offrir les tomes 2 et 3 à Noël sous des prétextes fallacieux, que ça tombait le jour de mon anniversaire d'ex-enculé alcoolique aujourd'hui à jeun dans le désert depuis si longtemps, il y a des pages passionnantes sur la création graphique de la série et le passage de la bichromie à la quadri, je ne vous dis que ça, non je ne les scannerai pas pour vous faire voir, l'article est déjà assez long et boursouflé comme ça.
A tout prendre, niveau d.é.g.l.i.n.g.u.e. scénaristique,
Casanova au service de l’E.M.P.I.R.E. se situerait presque au niveau d'emmerdes galactiques rencontrées par Douglas Ferblanc et Vaseline, agents spatio-spéciaux imaginés par Pétillon alors que Luc Besson dessinait encore des Subways dans les marges de ses cahiers.
Bref, à tous les points de vue, on l'aura compris, je ne vais pas vous faire un dessin, je n'irai pas par quatre chemins, Valérian et Laureline peuvent bien aller se rhabiller.
Surtout Valérian.
Qu'est-ce que je fais ? Je déballe ou je remballe ? Choix cornélien. |
- de retour dans le continuum de maintenant, soit approximativement trois-quarts janvier 2018 -
En plus, quand j'achète des BD américaines en v.o. sur Amazon, j'ai toujours souvent une bonne surprise en déballant le colis : une stagiaire révoltée par les conditions de travail régnant chez ce géant de la distribution échappant à tout contrôle des Etats malgré Super-Macron, et qui a profité de ma commande pour s'enfuir clandestinement à la faveur d'une pause café des robots qui confectionnent les paquets. Donc en plus, je libère un emploi, et je préserve l'environnement en portant le carton à un point d'apport volontaire où il sera recyclé pour accueillir d'autres stagiaires, qui iront rejoindre après avoir parcouru le grand Cycle de la Vie en Entreprise toutes celles que j'ai enterrées dans le petit bois derrière chez moi après en avoir aspiré tout le suc, et le sel aussi, tant qu'à y être.
* pour carboniser au micro-ondes, il faut mais il suffit de disposer de la fonction "grill", dite aussi "panacrunch" sur certains modèles.