lundi 23 mars 2020

Yves Montand - Chansons Populaires De France (1955)

La parodie est un genre difficile.
N'est pas Ramon Pipin qui veut.
Ramon Pipin qui avouait d'ailleurs volontiers, dans Rock et Folk n°458 de juillet 1974, qu'il s'appelait en fait Ramène Dupain, un nom qui fait rêver en ces temps incertains où le vigile de Super U m'a repéré, malgré mon masque de Zorro, et me refuse l'accès au rayon boulangerie du supermarché plus d'une fois par jour, alors que ça me fait quand même une sortie qui brise un peu le train-train de ces journées de plomb passées à clavarder avec des pixels qui simulent avec moi une amitié de circonstance pour ne pas que je me livre à un acte de désespoir.
La parodie n'est souvent drôle que si l'on connait l'original. Alors que l'oeuvre drôle est drôle en soi, ex nihilo, sans nul besoin de verser tribut aux gardiens du temple de La Culture.
Jusqu'ici, la traçabilité du "Confinés, confinés" du billet précédent n'était probablement accessible qu'aux personnes âgées cyberdépendantes, qui seules avaient pu avoir vent du collectif zebdoïte à l'origine du "Motivés" d'origine, nous confirmait hier un jeune lecteur des Deux Sèvres.
C'est pas faux, mais c'est pas le pire : le "Motivés" d'origine renvoyait en fait au Chant des Partisans, une chanson populaire que même les moins de 99 ans ont eu du mal à reconnaitre lors du blind-test musical effectué en double aveugle (le blackout est à 21 heures pour économiser le fioul du groupe électrogène) à l'EHPAD où je réside depuis peu, mes enfants en ayant eu marre de mes jérémiades autoapitoyantes sur l'état des soignants, qui finit fatalement par rejaillir sur celui des soignés, et vice-versa.

Concernant ce fameux Chant des Partisans, quoi de mieux que la version interprétée par Yves Montand dans le magnifique recueil de Chansons Populaires De France qui a bercé mon enfance derrière la gendarmerie de Perros-Guirec, tout en instillant dans mes veines et par les oreilles une terreur qui confine (lol) au sacré  ? Chants de soldats mourant au combat, complaintes de prolétaires d'époques reculées, brâmes d'amours déconfites, certaines de ces chansons m'emplissent encore d'une tristesse indicible, plus de cinquante ans après. Allons, camarades. Quand le futur devient illisible,  et que même le passé devient de la science fiction, il faut resserrer les rangs (et les fesses) autour du patrimoine, c'est pourquoi Je suis une tombe contribue à sa façon à l'effort de guerre. Repos.


L'acquisition possible d'une maxidose :
non mais ça c'est la pochette de la réédition de 76
alors que l'album de 56 porte un bandeau latéral noir,
c'est vraiment n'importe quoi ce blog
Je pensais y entendre "Le galérien", atroce rengaine sur un drame du déterminisme social en forme de prophétie auto-réalisatrice que n'aurait pas reniée Bourdieu, mais la nostalgie m'égare et je mélange tout, elle a été publiée sur un autre album, "Je Soussigné Yves Montand", introuvable chez les Russkoffs, et pourtant à l'époque mon père militait au PC, et mes parents, peu au courant des risques induits de psychose maniaco-dépressive, avaient aussi laissé trainer cet album près de l'électrophone, et évidemment, va trouver du lithium dans le Perros-Guirec des années 60, en termes d'anti-dépresseurs on avait droit au cidre brut et c'était tout. 
Il faudra que je lance un appel à contributions auprès des bloguistes spécialisés en Arkhameries sonores. 
J'en connais un paquet qui sont encore ouverts.

dimanche 22 mars 2020

Confinés, le chant des partisans (Remasterisé) (2020)



Je vous préviens tout de suite que je ne m'y collerai pas, mais l'idée m'est tombé dessus depuis l'armoire, et à mon avis si l'un d'entre vous veut faire le malin sur youtube, je ne m'y opposerai pas, et en vérité il y a un coup à faire avec la chanson "Motivés" du collectif éponyme, le tube de l'été 1999 sur lequel on a tous emballé (à l'époque) la vendeuse de merguez à la fête de l'Humanité. 
Qui sert aujourd'hui du couscous jambon à la fête du Rassemblement National, mais c'est une autre histoire.
De toutes façons, ça tombe bien, aujourd'hui j'aurais pas su quoi voter au second tour.


Si quelqu'un veut s'y mettre, je dépose ici l'idée et le début des paroles,
sous licence Creative Commons Everybodys

[les nouvelles paroles sont entre crochets]

Le début, c'est facile :

Ami entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines

[Ami entends-tu le vol du Corona sur nos têtes]

Ami entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne

[Ami entends-tu les cris du sourds du Macron qui t'enferme]

Ohé, partisans ouvriers et paysans c'est l'alarme

[Ohé, commerçants, salariés et soignants c'est l'alarme]

Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes

[Ce soir l'hôpital paiera le prix du manque de masques]

Motivés, motivés

[Confinés, confinés]

Il faut rester motivés !

[Il faut rester confinés ! ]

Motivés, motivés

[Confinés, confinés]


Il faut se motiver!

[Il faut se confiner ! ]


Bon, je n'insiste pas, vous voyez le genre.
Si c'est ça le nouveau chant des partisans, alors c'est un peu comme dans "le camp du schmock", la chanson de Dédé et Mireille en vente dans cette salle, quand Mireille fait dire à son personnage "si j'étais partisan, je suis revenu réglisse".
A moins que ça soit Dédé.
En tout cas, prions pour que Francis Lalanne ne tombe pas sur mon brouillon.
Quelqu'un l'a vu récemment ? je crois que je vais passer chez lui resserrer son bâillon, en lui faisant croire que c'est un masque nouveau modèle.

vendredi 20 mars 2020

Lorenzo Esposito Fornasari - Hypersomniac (2017)

Contrairement à ce que laisse penser la contemplation des actualités télévisées, l'oeil vitreux et la bouche pâteuse de purée U rationnée, le pire n'est jamais inéluctable, mais il arrive parfois quand même : je suis confiné sur une chaise longue dans le jardin, un peu ivre de gel hydroalcoolique bu par erreur, le soleil de Mars me caresse la couenne comme dans un vieil Higelin, je songe à ces pauvres gens des villes contraints de sortir dans la rue affronter la maréchaussée (obligée de faire appliquer des règles absurdes) pour ressentir le douloureux privilège de se sentir exister, et si la météo persiste dans le beau temps, je vais me signer une dérogation pour aller courir un peu plus loin que les deux kilomètres autorisés, ça part donc assez mal ce confinement, si je ne suis pas capable de suivre les injonctions schizoïdes du gouvernement. 

Heureusement, bandcamp vient me rappeler à l'ordre :

Salutations!
La pandémie de Covid-19 a particulièrement touché les artistes, car les tournées et les spectacles sont annulés dans un avenir prévisible. Pour aider à soutenir les personnes concernées, nous renonçons à notre part des revenus sur toutes les ventes ce vendredi 20 mars, de minuit à minuit (heure du Pacifique). Si vous le pouvez, joignez-vous à nous pour mettre de l’argent bien nécessaire directement dans les poches des artistes.
Pour de nombreux artistes, une seule journée de ventes boostées peut faire la différence entre pouvoir payer un loyer ou non. Les musiciens continueront de ressentir les effets de la perte de revenus des tournées pendant de nombreux mois à venir. La meilleure façon d'aider les artistes est votre soutien financier direct, et nous espérons que vous vous joindrez à nous vendredi et au cours des prochains mois alors que nous travaillons pour soutenir les artistes en cette période difficile.

Je choisis de faire un geste, et d'acheter Hypersomniac, de Lorenzo Esposito Fornasari. D'après sa photo, il s'agit d'un Italien ombrageux qui a importé le virus à Londres.
Qu'il en soit loué.
Regardez le line-up :
Eivind Aarset – guitars, electronics
Nils Petter Molvaer – trumpet
Rebecca Sneddon - saxophone
Bill Laswell – bass
Ståle Storløkken – hammond organ and keyboards
Kenneth Kapstad – drums
Même si j'étais sourdingue, j'achèterais ça les yeux fermés si j'étais aveugle.

https://lefmusic.bandcamp.com/releases

Et sinon, c'est comment ?
Etonnamment bruyant. Rien que des tcha-tchas endiablés à danser avec les voisins et lélectrophone à fond  (mes chers compatriotes, les mots en italiques sont désormais interdits et seront remplacés d’ici midi par d’autres, livrés par des brigadiers en tenue.)
Et il y a aussi une abondante documentation, que je n'ai pas encore eu le temps de dénoncer à la Préfecture, il faut d'abord que je me signe une autorisation.
http://www.hypersomniacproject.com/

jeudi 19 mars 2020

Talking Heads : The Name of This Band Is Talking Heads (1982 - Reissue 2004)


Comment ai-je pu passer à côté de cet album ? ben, faut dire que malgré les dilatations égotistes engendrées par l'animation d'un blog à large spectre autistique, consacré à la maitrise de son avenir par la rumination de son passé passé, par opposition au passé présent ou au passé futur, qui ne sont pas de même nature, comme le démontrent Einstein et Stephen Hawking, et malgré ma vie d'agent infectieux réduit à son strict minimum, soit une capsule en protéines protégeant un brin de matériel génétique codant pour lui-même en HTML et pour la survie culturelle de mon pote Paul fidèle lecteur Paulo dans sa capsule à Paulo,  faut reconnaitre qu'on peut pas être partout, tout le temps.
Même quand on est auto-confiné chez soi par le chômage en temps de paix. Alors là, confiné par les autorités pour des raisons sanitaires en temps de guerre, afin de savoir qui est plus fort ici, le virus ou l'homme, on va voir ce qu'on va voir.
https://pitchfork.com/reviews/albums/8266-the-name-of-this-band-is-talking-heads/
et les liens :
https://www.mirrored.to/files/YCZVC1NY/2004
D'ailleurs sitôt fini, on peut tôssi revoir le concert à Rome (avec le Pape en guest star, déguisé en Adrian Belew)

mercredi 18 mars 2020

Rouhaud, Reuzé : Faut pas prendre les cons pour des gens (2019)

Le titre du livre ne m'inspirait pas. 
J'ai un problème avec le Mépris. 
Pas le film de Godard, le procédé de distanciation sociale, qui travaille souterrainement ma famille élargie comme une tumeur cancéreuse.  
J'ai de plus en plus de mal avec ça. 
Je suis moi-même bien infecté. 
Mais dans la vitrine de la librairie fermée, le gag en quatre cases me fait sourire (clique sur l'image, tu verras Montmartre désert), parce que j'ai des amis qui ont adopté un bébé noir quand ils étaient plus jeunes, et ils lui ont fait des blagues. Mais pas celle-là. L'ordonnance signée par mon médecin traitant précise : Faut pas prendre les cons pour des gens est un album d'humour absurde sur la bêtise ordinaire, de plus en plus présente autour de nous. À la manière d'un Goossens ou d'un Fabcaro, il tord et maltraite les clichés de la société dans une BD hilarante et grinçante à souhait. Racisme ordinaire, mesures gouvernementales ubuesques, maisons connectées, quotas policiers, surpopulation carcérale, rejet des laissés-pour-compte... 
Je vous copie-colle quelques pages, qui prennent un relief particulier, mes chers compatriotes, dans les temps difficiles de décroissance subie que nous vivons, sans vouloir présumer de la suite. Ca vous fera un peu de lecture, bien qu'il soit un peu compliqué d'aller l'emprunter à la médiathèque ces jours-ci. Même si vous vous bricolez un Ausweis avec Photoshop, elle sera sans doute fermée. Plutôt que Goossens ou Fabcaro, la suite de gags tragico-tragiques m'évoque le Brazil de Terry Gilliam. Les adeptes de la noirceur ricanante seront à la fête, bien que le dessinateur soit un peu désinvolte, et singe la BD contemporaine qui n'hésite pas à reprendre le même dessin sur plusieurs cases. Comme vous l'aurez compris, ce bougre ne prend vraiment rien au sérieux, pas même son éditeur !
Je ne sais pas où le rédacteur de cette note d'intention a vu jouer ça, mais je trouve que c'est surtout un mépris de lui-même, du don que Dieu lui a donné, et de ses lecteurs. 
Je voulais conclure en beauté par un échange avec un ami à propos de cet album dont je lui ai fait lire quelques planches (le père adoptif de l'enfant noir, d'ailleurs) et qui m'a dit "J’ai bien aimé. L’autre disait « Aimez-vous les uns les autres » mais des fois l’effort demandé est surhumain. La connerie est universelle, éternelle et sans limite. Au-delà de nos limites d’acceptation sont-ils encore nos semblables ? Sont-ils vraiment des gens ?" Je lui ai répondu des choses admirables repiquées dans un livre sur Limonov, mais j'ai déjà vendu l'extrait à la maison-mère la semaine dernière.
Et Limonov est mort hier (d'autre chose, je précise).
Je passe donc au plan B : au jour 1 du confinement, les gendarmes disaient hier « on ne verbalise que ceux qui nous prennent pour des cons ».
Ca doit faire quand même faire un paquet de monde, non ?
Restez chez vous.








c’est un peu triste comme humour, je trouve.
ca doit être post-humour.


mardi 17 mars 2020

Christophe Nick : Manipulations - une histoire française (2011)

Après avoir regardé la fin de Mr Robot sans être vraiment convaincu du déploiement de tels artifices spéculaires pour évoquer un banal cas de troubles psychiques, maintenant le midi pendant la pause déjeuner je me fais un épisode d'une série documentaire de 6 fois 52 minutes consacrée à l’affaire Clearstream, qu'en bon précog j'avais stockée il y a des années en prévision d'une période de confinement… question magouilles politiques, financières et mondialisation, ça enfonce aisément Rami Malek et sa belle  soeur Darlene, mais aussi Le Bureau des Légendes, puisque les acteurs sont issus de la diversité du monde réel, et jouent leur propre rôle. Industriels de l'armement, barbouzes du renseignement, ouvriers du blanchiment, paradis fiscaux, morts suspectes de gars qui n'en voulaient, journalistes teigneux, tout est là pour faire de vos 15 prochains jours chez vous au frais du contribuable un inoubliable retour sur cette affaire ébouriffante. Série idéale à regarder en sirotant du gel hydroalcoolique si on est coincé chez soi à maudire l'hyper-capitalisme dont les flux financiers ont permis à la chienlit bactérienne de se répandre en un clin d'oeil sur toute la planète.

L'indispensable notule, pour savoir si cette série vous convient dans cette période anxiogène, de petites pièces pouvant être inhalées par erreur, et va trouver un ORL en ce moment :

Les affaires d’État n’ont qu’un intérêt : mettre à nu les mécanismes du pouvoir. Clearstream est de celles-là. La série, présentée par Fabrice d’Almeida dans La Case du siècle, est le fruit d’une longue enquête. Construite comme un thriller, elle propose une plongée dans le monde fermé de la grande finance, au centre du lobby militaro-industriel, au cœur du pouvoir exécutif ou dans le secret de la magistrature. Là où d’ordinaire seuls sont admis les puissants…Le combat de deux monstres politiques. C’est ainsi que l’affaire Clearstream a jusqu’alors été racontée. Elle est bien plus que cela. C’est une certaine histoire de France, celle du dernier quart de siècle. L’histoire d’une France au temps de la mondialisation des capitaux, de l’émergence d’une Europe de la défense, de la violence des luttes de pouvoir et des relations dangereuses entre politiques et vendeurs d’armes. Une certaine histoire de France dans laquelle un homme, Imad Lahoud, a su jouer des fragilités du système pour pénétrer un à un chaque cercle de pouvoir et déclencher une impensable affaire d’État qui lève le voile sur les zones grises de la République.


L'épisode 1 est là : 

(ici aussi si l'autre lâche)

L'épisode 2, je fus contraint de le ripper moi-même d'un DVD ISO maudit par les services du déminage de galettes cryptées

L'épisode 3
L'épisode 4

L'épisode 5

L'épisode 6

_________

en complément de programme, une expérience web tirée de la série :

lundi 16 mars 2020

La dernière semaine de John Warsen

Lundi : 
un message fort du gouvernement



Mardi : 
Confinés, cons finis


Mercredi :
Rions un peu

extraits de mail de ce matin : « Si on rajoute la razzia générale sur les rayons alimentation de tous les supermarchés de la ville, on se rapproche un peu du scénario de certains films américains. 
La foule c'est vraiment idiot, car les magasins restent pour l'instant ouverts en semaine et sont approvisionnés. (…) Il y a 3 semaines j'avais anticipé en achetant un bon stock de pâtes et de riz en cas de mesures de confinement strictes. On est pas confinés, juste privés de travail. 
Mais on a entamé un premier paquet de riz ce soir et il est très bon. 
Et on ira faire des courses normales en semaine, maintenant qu'on a plein de temps pour ça. »
(Bob Warsen, ex-frère)



Jeudi :
fermeture définitive



Vendredi : 
Je suis une légende (Boris Sagal, 1971)


Samedi (si tout se passe bien) :


Je suis une tombe (2009 - 2020)
Sic transit gloria mundi

Vous rigolez, mais si mon blog a été autorisé à ouvrir ce matin par dérogation préfectorale n° 34 6578, c'est uniquement à cause d'une méprise informatique, j'ai été assimilé par Google à une petite entreprise de pompes funèbres, et non à une de ces "Salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple" qui ne peuvent plus accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020.
Pourvu que ça dure.

samedi 14 mars 2020

Jon Hassell - Dream Theory in Malaya: Fourth World Volume Two (1981, Remastered 2017)

Les gens sont devenus fous.  
Les supermarchés sont mis à sac, dans l'ordre et le calme. Les bibliothèques municipales ont été prises d'assaut, en prévision d'une période de confinement d'une durée indéterminée. 
Au petit marché du samedi de mon village, comme le vendeur d'huitres ne pouvait me garantir la présence de son stand samedi prochain, vu que d'ici là les rassemblements de plus de 2 personnes seront sans doute prohibés, j'ai acheté 24 douzaines de fines de claires n°3, à stocker dans la baignoire avec de l'eau potable et du sel de Noirmoutier.  Il m'a assuré qu'elles tiendraient le coup.
Pendant ce temps, dans le virtuel, j'ai fait provision de films et de série, en téléchargeant 8 téraoctets de programmes audiovisuels divers, des fois qu'y nous coupent internet s'il y a trop de tension sur le réseau. Et sur mon blog, les gens m’ont tout dévalisé, je n’ai plus un seul fichier mp3 en rayon. Et j'ignore quand je serai réapprovisionné. Je vais être obligé de mettre une affichette sur le magasin pour expliquer la pénurie… Ou alors, je pars me réfugier dans le Temps du Rêve avec les Indiens Senoï de Malaisie, versés disait-on dans la science du rêve lucide... A moins que tout ça ne soit que racontars éhontés colportés par des anthropologues mythomanes et portés sur la bibine. 


Jon Hassell, après l'inusable album de trompinette trafiquée enregistré avec Brian Eno en 1980, remet ça dès l'année suivante avec cette "Théorie du rêve en Malaisie"... dont il avoue quarante ans plus tard que les prémisses en furent un peu moins ésotériques que ceux imaginés par notre Brigade Fantasmatique (Toujours en Quête d'un Mauvais Coup à Faire ou à Prendre).
Mais l'album est superbe, sauf pour ceux, et il y en a, qui restent enfermés dehors, et tout près de faire un malaise en Malaisie, allergiques qu'ils sont au son très particulier de sa trompette bricolée aux électroniques, et qui fait de lui le père spirituel de toute la racaille cyberjazz de maintenant, d'Erik Truffaz à Nils Petter Molvaer en passant par Guillaume Perret, n'en jetez plus la cour est pleine et les poubelles ne passent plus.
Le disque a été remastérisé en 2017, agrémenté d'un inédit qui avait sauté au premier pressage.
Houellebecq Akbar !

http://exystence.net/blog/2018/06/17/jon-hassell-dream-theory-in-malaya-fourth-world-volume-two-1981-remastered-2017/

vendredi 13 mars 2020

Lovecraft Facts (11) : Gilles25

Quand on lit "Epouvante et Surnaturel en Littérature", l'essai que Lovecraft consacre en 1926 à la littérature de terreur avant d'y engloutir le reste de sa vie consciente, on est abasourdi de sa lucidité et de l'étendue de ses connaissances; on sait qu'il a absorbé et digéré l'intégralité du roman gothique pour maitriser son sujet, mais quand même... Et que n'applique-t-il ensuite sa science à ses oeuvres ? ses fictions fantastiques postérieures seront hérissées d'épithètes désuètes et périssables, dans un style hyperbolique et suranné, à mille lieux des bonnes pratiques littéraires du livre de pétoche qu'il édicte. 
Aujourd'hui, je ne sais pas, il faudrait attraper un ado, le séquestrer dans une cave en restreignant son accès à la nourriture en fonction du nombre de pages de Lovecraft déchiffrées chaque jour à la lueur d'une chandelle de mauvaise qualité, parce que dérobée dans une église presbytérienne tombée en déréliction. Aurait-il seulement peur ? Si on l'interroge en le frappant patiemment à coups de bottin, il risque fort de louer les idées et l'inspiration du Maitre, mais de cracher sur le style, trop ampoulé pour les jeunes générations nourries au théorème sujet verbe complément sujet verbe complément du père Ellroy. Les jeunes de maintenant ne respectent plus les Grands Anciens, mais c'est parce qu'ils ne sont plus en état de les entendre, avec la débauche de distractions modernes qui s'offrent à eux.
Profitons-en pour lui souffler la bougie, renverser le broc d'eau sale et murer la cave avant qu'il nous transmette le coronavirus, le Président nous ayant révélé hier soir à la télé que les jeunes salopiauds sont porteurs sains de la pandémie, mes chers compatriotes, ça lui fera les pieds. J'espère qu'il a abrité Brigitte dans un caisson stérile, elle est dans le coeur de cible du virus. 

Les livres de Cthulhu,
c'est plus ce que c'était.
Bien sûr, lorsque nous dévorions fiévreusement des traductions low cost de Lovecraft, inconfortablement assis contre un des piliers du préau du collège, par de visqueuses et interminables après-midis d'automne, si un sentiment d’horreur nauséeuse s’emparait indiciblement de nous, c’est surtout parce qu'à l'époque, il n’y avait rien d’autre pour geeker : la télévision ne possédait que 2 chaines en noir et blanc, le magnétoscope, le jeu vidéo et l’internénette attendaient patiemment dans les limbes de l’imaginaire d’inventeurs pas encornets que quelqu'un pense à eux pour les faire advenir.
Aujourd'hui, bientôt un siècle après que le calvaire de sa vie terrestre ait pris fin, Lovecraft est revendiqué comme source d'inspiration par tout un tas d'artistes plus ou moins bien intentionnés et inspirés, hier j'ai vu un film soi-disant tiré de La Couleur tombée du Ciel qui tirait sur le rose bonbon - rose bonbon ! en lieu et place du vert-de-gris nauséeux que tout lecteur de Lovecraft a bien sûr visualisé en s'injectant la nouvelle d’origine, allons, vous divaguez.
Bien sûr, j’admets volontiers que mon vert-de-gris nauséeux n’est qu’une déclinaison qui m’est propre de son univers sale, et qu’il y a finalement autant de Lovecrafts que de lecteurs, et que c'est seulement la prétention de savoir qui est Lovecraft, qui peut donner lieu à cette confusion et ces malentendus. Libre à chacun de faire prospérer la franchise comme il le sent. On ne saura jamais qui était vraiment Lovecraft, bien que certains faits puissent être établis et qu'on puisse constater par ailleurs certaines malédictions objectives : ses phobies administratives raciales et réactionnaires, largement dictées par son milieu, son inaptitude à vivre de sa plume, les impasses qu’il a dû murer sur certains royaumes de l’existence humaine, faute de pouvoir y pénétrer.
Ca, pour murer, dans la fraternité des adorateurs du Calmar géant, on est là.
Mon vert-de-gris kryptonite, c'est même l'essence du totalitarisme : déclarer qu'il y a une réalité Lovecraft, et que tout le monde devrait la percevoir. Au plan imaginal, il y a autant de Lovecrafts que de consciences qui le perçoivent, et au plan ultime, Lovecraft est le seul à savoir qui il était, et il sera toujours le seul, dans les Siècles des siècles.
Et pendant ce temps-là, au final le film ressemble à ce que j’avais perçu/projeté émotionnellement sur l’affiche : moitié Disney, moitié Cronenberg. Et selon Houellebecq, qui commit en début de carrière une petite biographie du Grand Malade de Providence, pour Lovecraft, comme pour tous les racistes, l’horreur absolue, plus encore que les autres races, c’est le métissage.
Et quoi de plus métissé que ce film ?
Si Howard Phillips s’en retourne dans sa tombe, c’est bon signe : c’est qu’il est encore vivant.
Du coup, je suis repassé devant la cave murée l'autre jour, et j'eus la surprise d'y découvrir un feuillet hâtivement griffonné avec ce qui semble être des excréments humains qui dépassait de sous une brique.

_histoires-drôles_n°5545
Envoyé 27 December 2019 - 13h25 :Jour 356 à la station spatiale orbitale. Il y a 7 jours que Gilles25 est né. Comme tous les autres, il a d'abord cru être l'unique Gilles. Quand je lui ai montré les autres, il a prétendu qu'ils étaient ses clones. il y avait Gilles12, encore en vie malgré ses blessures, Gilles 17, le Gilles à lunettes, et le Gilles obèse, le tout premier (à ma connaissance). Gilles25 s'est adressé au Gilles obèse. Sous les couches de graisse, il ne ressemblait plus à un Gilles mais le second lui a tout de même dit : comment sais-tu que tu n'es pas un clone. Alors le premier Gilles (à ma connaissance) l'a regardé et a dit : Quand je mange, je ressens une sensation. Cette sensation, c'est moi qui la ressens et non toi. Je pourrais la décrire alors que toi, tu ne pourrais que faire semblant, de l'extérieur. Voilà pourquoi, tant que je mange, je suis le premier Gilles. [...] Bien sûr, nous ne lui avons pas dit ce que Gilles mangeait ...
Ha ben voilà, tu vois quand tu veux ! j'ai descellé deux-trois briques pour le féliciter, en quelques lignes il était parvenu à reproduire l'essence de l'esprit du reclus de Providence, l'horreur naissant de l'implicite, du non-nommé... mais il m'a vite avoué qu'il s'était inspiré du film "Moon", de Duncan Jones.
Heureusement, il me restait un peu de mortier frais, j'ai tout rebouché.
Salauds de jeunes.

Le premier Gilles s'appelait en vérité Edouard - archive photo : 
au moment de la reprise du procès de "l'abomination de Karachi"
après le rejet de ses pourvois en cassation.
Ca fait encore plus peur que Lovecraft.

jeudi 12 mars 2020

David Byrne - The Complete Score From The Catherine Wheel (1981)

Je fus jadis initié aux Mystères de cet album obscur - je ne voyais vraiment pas pourquoi il eut fallu se réjouir d'écouter la musique composée pour un spectacle de danse moderne, fût-elle écrite par David Byrne, et je ne le compris que lorsque je l'entendis, résolvant ainsi  sans le savoir l'équation d'un célèbre koan zen par ma seule perception musicale, car je fus mis en présence de la petite soeur maudite et voilée de "My life in the Bush of Ghosts"(1), album composé par David avec enthousiasme et Brian Eno dans l'effervescence créative qui suivit la sortie de "Remain in Light", l'album des Talking Heads dont nous nous sommes récemment re-repus dans ces colonnes et re-saoulés dans le salon. 

Les musiciens impliqués dans l'affaire :
https://www.progarchives.com/album.asp?id=29033
La Roue de Catherine, la Vraie Histoire :
https://www.youtube.com/watch?v=ghbOcEZV64c
L'avis de Jacques Boudinot, spécialiste autoproclamé de la chose :
https://www.allmusic.com/album/the-catherine-wheel-mw0000196850
Le lien vers le disque, dans sa radicale altérité :
https://www.mediafire.com/file/k79g4fbuinifb0m/DB_TCW.zip/file

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(1) à ne pas confondre avec "My wife in the Bush of Georges", film polisson-politique de Avide Burne sur la politique étrangère un peu ollé-ollé du 43ème président des Etats-unis, réservé à un public un peu plus mature que je ne le suis.