mercredi 11 mars 2020

Machin - Tout folkant (1977)

On voit pas bien de quoi ça cause,
mais c'est Fanchon et les extraterrestres.
Hier après-midi, alors que je faisais une pause réparatrice au milieu de la purge que se révélait être la rédaction de l'article sur Mr Robot dans laquelle je m'étais imprudemment engagé, au détour anodin du coin d'un blog de curiosités musicales, surgit soudain Machin, groupe français de folk parodique dont j'ignorais tout, qui vécut entre 1976 et 1978 avant de fusionner avec le grand Tout tout en beaucoup kollaborant parallèlement avec Hubert-Félix Thiéfaine, en studio et en tournée, à tel point que les musiciens finirent par mettre leur propre carrière en veilleuse après seulement trois albums, avant de carrément l'abandonner avec son rouge à lèvres de traviole et les bas aux chevilles, attachée toute nue à un platane au bord d'une des autoroutes de l'information qui venaient d'être inventées par un communicant dont l'histoire n'a pas retenu le nom. Elle y attendra jusqu'en 2003 en se caillant les miches et en se répétant compulsivement ses exercices de sophrologie pour se rassurer, surtout pendant les froides nuits d'hiver, la traditionnelle reformation du groupe, avec tournée triomphale, sortie d'un live et d'une compilation de ses frasques de jeunesse tombées par mégarde dans les oubliettes de l'Histoire musicale.
Cet effacement au profit d'un artiste qui détenait les clés et anneaux de pouvoir d'un imaginaire plus puissant que le sien relève chez Machin d'un sens de l'abnégation (1) aussi admirable que celui qui m'étreint quand je décide d'exhumer/exhiber ces vieilleries que plus personne ne reconnait, au lieu d'aller porter secours à tous ces migrants qui se noient aux portes de l'Europe, sauf ceux qui choisissent de s'écraser contre ses grilles.
Et il fallait que je réagisse vite, sinon j'aurais prestement retrouvé leur discographie maudite au frontispice de blogs concurrents et bâtards comme "Le tumulus des oblitérés", "La crypte des omis" ou encore "Le tunnel des pestiférés" (prévoir un masque pour surfer en toute tranquillité).
Mais ça va, ces jours-ci je suis confiné comme un CDD FranceTV pas reconnu historique, j'ai l'oeil vif et la souris leste, et j'ai tôt fait de trouver les deux autres disques du groupe :



Et qu'y entend-on, tontaine tonton, sur ces incunables ? j'y ouïs du folk pseudo-médiéval, un soupçon de rock progressif, des histoires de quéquette et d'extraterrestres. Pas de doute, on est bien en France à la fin des années 70. Et il y a bien des réminiscences des premiers albums de Thiéfaine. Le contraire serait étonnant. Un seul regret: ça me travaille depuis 42 ans que j'ai posé un oeil sur les crédits d'une pochette de Hubert-Félix, mais je sens que c'est pas encore aujourd'hui que je vais apprendre pourquoi Tony Carbonare porte un nom de pizza.

biographies édifiantes et paroles des chansons
(j'ai ri à certaines plaisanteries héritées d'un autre âge) :

 (1) sacrifice total au bénéfice d'autrui de ce qui est pour soi l'essentiel - Léon Blum (Paris 1872-Jouy-en-Josette 1950) : "L'abnégation, la charité résultent le plus souvent d'un défaut de vie personnelle."

mardi 10 mars 2020

Lovecraft Facts (10) : Mac Quayle - Mr. Robot Vol. 7 Soundtrack (2019)

"Mets ta cagoule"
(Un hacker sachant hacker)
Au moment de raccrocher définitivement la cagoule, quelques temps après avoir opiné du chef d'un air entendu ("Aaah, c'était donc là qu'ils voulaient en venir !") tandis que résonnait silencieusement le silence implacable qui suit le silence lourd de sens prolongeant le silence plus discret venant clôturer le dernier épisode de l'ultime saison 4 de Mr Robot, résumons la situation. Il y a deux ans, nous avions laissé la musique de Mac Quayle en fâcheuse posture, après le retournement du disque sur la platine et de l'intrigue en fin de saison 3.
Retournement et non pas "twist", car nous, multiplicité toujours changeante vivant dans les hémisphères cérébelleux fragmentés du malheureux anti-héros de la série, répugnons à user du terme "twist"(1) concernant les contorsions scénaristiques qui nous laissent comme un légume en fin de saison, terme dont nous réservons l'usage à une danse qui fut extrêmement populaire au début des années 1960 et dont nous regrettons qu'elle périclite de façon inversement proportionnelle à la courbe du taux d'abonnement à Netflisque(2), car normalement, quand on retourne un disque, la musique qu'on entend de l'autre côté n'est pas la même que sur la face qu'on vient d'écouter, et pourtant quand on écoute à donf les 6 volumes déjà parus avant çui-là des musiques relativement peu enjouées venant égayer un peu les propos lourds de sens des 3 saisons précédentes de Mr Robot en se bourrant de neuroleptiques, on a l'impression de revenir constamment au point de départ de la proposition musicale électro-cold qui nous est faite, et cette impression se confirmera à la toute fin de la série quand on se prendra le vrai noeud de la poutre issue de l'arbre à intrigues dans l'oeil, et il sera alors bien tard pour venir s'en plaindre.
J'avais fait un peu de rédactionnel ici :
et aussi là
http://jesuisunetombe.blogspot.com/2018/03/mac-quayle-mr-robot-vol-4-original.html
alors je me suis dit qu'il fallait finir dignement, mais c'est dur. Je sens bien que je force. J'espère que je ne vais pas me froisser un muscle de l'esprit, ni commencer à tousser dans mon coude si je fais des emprunts toxiques.

"Les cousines ont été créées pour nous éviter de tripoter
nos frères et soeurs" (Blanche Gardin)
Mr. Robot est un feuilleton télévisé qui a bénéficié au début de sa diffusion d'un avis très favorable de l'Office catholique dans Télérama, ainsi que d'un crédit considérable de la part de ses observateurs de l'ONU, car on ne prête qu'aux riches et si l'on ne voyait pas trop où le créateur de la série voulait en venir avec sa dénonciation des arcanes de la finance mondiale par un schizophrène non indemnisé par la Sécu et au rétablissement incertain, du fait du traitement erratique de son déséquilibre, entre auto-médication massive et séances de psychothérapie entachées de soupçons paranoïaquement justifiés de manipulation mentale et de complaisance dans le diagnostic, il était évident que le showrunner en avait sous la godasse, d'ailleurs en bon control freak Sam Esnail signait scénario ET réalisation de chaque épisode, fait unique dans l'histoire des séries télé, et exemple  magistral de maitrise des sphincters uniquement rencontrée chez de rares privilégiés de la fonction excrétoire. Ce qui ne s'est jamais démenti par la suite, et il était bien le seul à vouloir s'attaquer au capitalisme financier par la voie étroite d'un cyberthriller technoïde à tiroirs, voie périlleuse s'il en est, que même Emmanuel Todd n'a pas osé emprunter dans son récent ouvrage "Les luttes de classes en France au XXIe siècle", lui préférant un arsenal de cartes démographiques et statistiques qu'il est seul à pouvoir décrypter, à la lumière de la dépouille de Marx diffusant ses ultimes lueurs, empaillée dans son arrière-cour.
Et pourquoi pas ? Mon grand-père disait lui-même "peut-être que le Parti se trompe, mais moi je me suis pas trompé de parti", peu avant d'être emporté par une stalinite purulente.

"Je préfère rien dire, sinon ça va encore mal finir"
(Angela Moss)
Mr. Robot a ainsi longtemps louvoyé entre ses embardées émeutières (comme des remontées acides de Occupy Wall Street, ce Front de Gauche New-yorkais dont le souvenir a déjà été effacé de notre inconscient collectif par les nanorobots présents depuis toujours dans les yaourt au bifidus), ses embrasements de violence glacée, et la pyrotechnie psychopathologée dans sa double figure centrale, Elliot / Edward Alderson, jouant sur tous les registres permis par un personnage principal à la personnalité fragile, morcelée, multiple voire totalement fêlée de la cafetière, avec un rien de constipation hallucinatoire.
(#instantscomplicesavecdaddy)
Sur le plan formel, la série toute entière baigne dans une ambiance glacée, d'un bleu conspirationniste, une esthétique très inspirée de David Fincher, Rami Malek a les mâchoires soudées et autant de charisme qu'un Commodore 64, et les acteurs principaux se débattent avec un mélange de conflits intimes et de troubles neurologiques assez sévère.
New York est montré comme un monstre froid qu'on ne voit nulle part ailleurs filmé à travers ce prisme autistique, bien que certaines errances nocturnes initialement prévues dans le New Jersey aient été finalement délocalisées dans les Hauts-de-Seine, tant le crédit d'impôt international pour les tournages y est redevenu attractif.
Qu'on soit condamné à errer perplexe pendant des épisodes entiers dans les rues désertes, dans une confusion mentale engendrée par le manque de benzodiazépines avec une langue en carton qui fouaille entre les dents et les maxillaires cherchant à percer les joues depuis l'intérieur, tentant de nous introduire en catimini avec des ruses de geek foireux au coeur d'entreprises qui incarnent le Mal Absolu du Nouvel Ordre Mondial pour y dérégler définitivement la Machine par des actions terroristes dignes de l'ultra-gauche, nous terrant dans des penthouses high-tech désertés par leurs occupants légitimes avec toujours plus de cadavres dessoudés par la Dark Army à dissimuler, sans compter les problèmes d'odeurs, grelottant alternativement d'ennui ou d'effroi devant des choix impossibles à trancher, les tempes sciées par des bruits flippants et lancinants et des grondements inattendus, au fait c'est quoi ces trucs qu'on entend ? ah mais oui, c'est vrai, que je suis con, c'est la musique du film, mais jusqu'au bout on ignore ce que l'on est vraiment en train d'essayer de suivre, de subir ou d'aider à essuyer, puisque quelqu'un a filmé ça il faut bien que quelqu'un le regarde, tant on flirte parfois avec l'expérimental malaisant, et c'est en cela qu'il y a quelque chose de vraiment lovecraftien dans cette série : l'horreur psychologique indicible ressentie dans les derniers épisodes, la chair de poule atrocement lynchienne vécue dans ma chair de téléspectateur pourtant endurci par des films de trouille récompensés au festival de Sundance, mais là j'dois dire que c'est la palme, putain tout ça pour ça ? nan mais attends, j'vais leur écrire, tu vas voir on va pas se laisser faire comme ça...

Si Lovecraft et Poe pouvaient voir ça,
ils s'en pinceraient les nichons
tellement c'est bon.
Les vrais enjeux de l'oeuvre sont dissimulés quasiment jusqu'au bout du bout du dévoilement de la révélation finale, y'a largement de quoi les trainer aux prud'hommes pour ça, ou alors, du fait que c'est asphyxiant, névrotique et profondément triste, mais qu'est-ce que ça fait du bien quand ça s'arrête, se retrouver enclin à une certaine compassion, on a quand même perdu plusieurs points de vie à suivre cette série et il faut positiver l'expérience, et méditer avec les Sages de Télédrama sur ce cas extrême de trouble dissociatif de l’identité, le sujet "méta" (cagoule !) résidant dans l'étude des mécanismes que nous pouvons mettre en place pour survivre à nos traumas.
A moins qu'entre-temps on soit allé s'enfiler le contenu de la bouteille de Destop, qu'on conservait pourtant jalousement sous l'évier, pour une future opération anti-obstruction. Désolé les gars, c'est l'heure du cocktail " Au revoir tout le monde", c'était trop hardi et trop ardu pour moi, Rami Malek m'a tuer etc...
Dommage : les abimes d'épouvante enjambés par les protagonistes (et auxquels certains ont l'arrogance de survivre) sont liés à des enjeux géopolitiques mondiaux, pas des petites guéguerres de chasses aux sorcières minables pour savoir qui c'est qui a pété la statuette à Cthulhu, et que quand il va rentrer, vous allez voir, ça va gueuler sec et y'a des têtes qui vont tomber.
Greta Thunberg aurait elle aussi grandement apprécié qu'on regarde la série jusqu'au bout, en tant que citoyen hyper-impliqué dans les convulsions du monde, au lieu de se laisser dépasser par sa froideur  apparente et son goût pour la mystification.
Parfois, comme dans la saison 2, il faut 6 épisodes entiers pour qu'on voie la lumière, à savoir qu'on n'était pas du tout en train de regarder ce qu'on croyait voir (il faisait d'ailleurs très sombre) et comme nous, et comme Lovecraft, qui d'après son biographe officiel avait le charisme d’une moule en fin de saison sèche, Elliott est angoissé devant ces enjeux qui le dépassent, et rongé par le sentiment de sa petitesse et de sa finitude extrêmes, et tout comme le président du GRRR (Groupe de Réalité Réelle Ratée) il traverse des épreuves avec un épuisant sens de sa déréliction (sentiment d'abandon et de solitude morale, voire au plan théologique une épreuve de la vie mystique dans laquelle le fidèle a le sentiment d'avoir perdu la grâce, d'être dédaigné pour l'éternité.)
Et pourtant, il y va quand même, et nous on le suit, parce qu'on est cons, qu'on est faibles, et qu'on a perdu la télécommande entre les coussins.
Au bout de plusieurs années d'un visionnage de plus en plus dubitatif, j'ai l'impression de pouvoir zapper des saisons entières, et que quel que soit l'endroit du continuum où je repique au truc, comme disent les toxs, je retombe sur Rami Malek, manifestement mal remis d'avoir joué Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody, qui est intimement persuadé que lui et Christian Slater (qui joue son père tantôt mort, tantôt imaginaire, et tantôt un peu des deux, le fameux Mr Robot du titre) interprètent en fait les personnages d'Ephraim Winslow et Thomas Wake dans The Lighthouse.
C'est dire son degré de guérison.
Et c'est ainsi que j'en termine, avant que cet article m'achève.
Enfin, presque : l'histoire, bien que très fortement cryptée, réclame une fin heureuse. La voici : ce qu'on peut dire de la conclusion de la série sans divulgâcher le retournement du retournement final, c'est que délivré de ses obsessions complotistes, réconcilié avec sa soeur, Elliott peut enfin marcher vers le but ultime que lui a assigné l'espèce : devenir un être humain épanoui avant la mort, putain.
Quand à savoir si cette fin justifie les moyens déployés, la question renvoie chacun de nous à ses gouffres télévisuels.

https://macquayle.bandcamp.com/album/mr-robot-volume-7-original-television-series-soundtrack

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(1) du verbe anglais signifiant « tordre » ou « se tortiller »
(2) je ne crois pas utile de souligner, et je n'ai donc pas voulu insister, au cours de cet article aussi confus que l'intérieur de la tête d'Elliot / Edward Alderson avant qu'il aille se meubler chez Ikea, sur le fait que la production et la diffusion de Mr Robot font manifestement partie d'une conspiration orchestrée par Netflisque dans le cadre de son plan Covid-19.
En tout cas c’est ce qu’ils disent sur france culture, donc c’est forcément vrai.

https://www.franceculture.fr/emissions/la-theorie/la-theorie-du-vendredi-06-mars-2020


samedi 22 février 2020

Robert Sheckley - Les univers de Robert Sheckley (1972)

Un jour récent où je n'avais envie de rien, ça n'a pas duré longtemps, et je me suis vite retrouvé accablé du désir subtil mais impétueux de revoir le recueil de nouvelles de Robert Sheckley qui avait enluminé mon adolescence. En ce temps-là, le Club du Livre d'Anticipation de chez Opta était le sceau de la Valeur Absolue de la Science-Fiction. Ses membres étaient de fins lettrés qui nous prêtaient les grimoires fleurons de leur bibliothèque parce qu'ils voyaient bien qu'on bavait devant, grelottant sous l'effet d'une fièvre maligne. 
Mais ça, c'est passé, et ça ne reviendra pas. Je ne vois guère le Club du Livre d'Anticipation renaitre des cendres de ses éditeurs, de ses auteurs ou de ses adhérents. L'autre jour, donc, je n'avais pas envie de posséder l'objet, non, les objets, on m'a déjà fait le coup plusieurs fois, et j'en possède aujourd'hui tant que j'ai du mal à passer l'aspirateur dans la chambre devant l'amoncellement de livres non lus, et j'apprends avec les jeunes à à faire mon deuil des objets et à accueillir les flux, qui sont les vrais objets du futur d'hier qu'est aujourd'hui, à la fois ondes et particules, et d'ailleurs Les univers de Robert Sheckley, j'ai regardé, on peut très bien l'acquérir chez les vendeurs d'occasion du net, entre 40 et 60 €, mais ce dont j'avais envie c'était de relire les nouvelles, pas de m'encombrer de l'objet, même si je me rappelais de chouettes illustrations de Moebius dans les teintes verdâtres.
J'ai relu mon petit Kornfield de poche (Après l'extase la lessive) pour saluer mon deuil des objets :
Le véritable devoir de la vie spirituelle ne se trouve ni dans des lieux éloignés ni dans des états de conscience sortant de l'ordinaire. Il prend place ici, dans l'instant présent. Cela exige un esprit bienveillant, prêt à accueillir d'un cœur sage, respectueux et bon, tout ce que la vie nous présente. Nous pouvons saluer aussi bien la beauté que la souffrance, nos troubles, notre confusion, nos peurs et les injustices de ce monde. Honorer ainsi la vérité est le chemin de la libération. S'incliner devant ce qui est, plutôt qu'au pied d'un idéal, n'est pas nécessairement chose facile mais, quelles que soient les difficultés, c'est l'une des pratiques les plus utiles et louables.
C'était largement hors-sujet, mais ça avait de la gueule, et ça pourrait toujours servir.
Renonçant derechef à ma quête, je donnai deux-trois clicks quand même pour être sûr, et sur quoi tombai-je, sur un serveur russe ?
Je vous le donne Emile ?
(au format epuB)

Oooh la jolie couverture moche kitsch
Ils sont forts, ces Russes, quand même.
Le jour où ils voudront déstabiliser l'Occident, ils n'auront pas de gros efforts à fournir. Un candidat aux municipales un peu branlant, une vidéo rigolote, et hop, tout le château de cartes de la démocratie parlementaire par terre, et 20 points de plus au RN aux élections, fingerz in the noise.
Pour en revenir à Sheckley, c'est de la SF un peu vintage, et relativement bon enfant par rapport à celle de maintenant, beaucoup de ses nouvelles confrontent l'Homme (enfin, l'homo americanus des années 60) à des civilisations plus raffinées ou si différentes de la notre qu'elles nous apparaissent barbares, mais au final c'est nous qui en faisons les frais par notre compréhension étriquée, et il a un sens de l'absurde superbement développé, je m'amuse bien à relire ça.
Et il y a une justice : les illustrations de Moebius sont très mal reproduites, pour ça il faudrait revenir à l'objet, mais heureusement, j'ai mon mantra de Kornfield pour éviter ça, plaquette Vapona.

mercredi 19 février 2020

Lovecraft Facts (9) : Steve Roach - Journey of one (2012)

5 février 2014

Logiquement, 2014 nous débarassera enfin de la vermine sonique du dark ambient, en même temps que du reste.
Dans cette attente, voici une sélection, qui va durer une bonne semaine, de nos meilleures nappes molles et sombres, dont la curiosité principale réside dans le fait que certains y sont physiquement allergiques, d'autres accros, mais qu'elles ne laissent personne indifférent, comme on dit.
Sauf ceux qui font de l'indifférence une profession de foi.

(lien turbobit obsolète de chez périmé)

 [Repost] 16 février 2020

Je réécoute avec anxiété cet album acheté par correspondance près de chez Steve, dans l'Arizona;  l'Arizona ressemblant très fort à une usine de cailloux en surproduction, des fois il joint à son envoi un petit caillou dédicacé, ils ne savent plus où les mettre alors quand il arrive à en glisser un dans l'enveloppe ça les débarrasse un peu, là je me rappelle que comme c'est un double album il m'avait envoyé la moitié de Monument Valley stabilotée au marker gros grain, le facteur avait un peu gueulé parce que les frais de port (2 timbres à $5, 50) avaient été un peu sous-dimensionnés. 
Concernant le contenu lui-même, les années 90 furent sans doute les meilleures de ce monsieur Roach sur le plan créatif. Nous avons droit à un concert de 1996, sur deux ambiances assez différentes. Le premier CD s'inscrit très clairement dans la mouvance Lovecraft Facts qui a récemment contaminé les infortunés passagers de ce blog à la suite du capitaine, et quand je l'écoute je pense assez rapidement à des choses très positives genre l'espèce humaine est condamnée à brève échéance, on voit des individus qui ont des parcours extraordinaires en termes d'achèvement et de destinée, mais globalement, collectivement, nous sommes quand même les Gros Boulets de l'Evolution, nous allons de guerre en famine, de famine en épidémie, les massacres du siècle dernier ne nous ont rien appris, nous nous apprêtons à bien pire, sans compter que l'épuisement des ressources non-renouvelables nous emmène droit dans le mur et nous condamne à une longue agonie, nous le savons mais ne pouvons nous empêcher d'y aller, victimes d'illusions égotistes qui seront notre tombeau. 
Ou alors je pense à quand j'avais quatre ans et que j'avais coincé une pomme dans mon pupitre, en classe de maternelle, je n'ai pas osé en parler à la maitresse, et un jour elle a découvert la pomme toute pourrite que je n'avais pu déloger, et j'ai eu très honte.
Et c'était indicible. 
Et le jour où elle m'a ramené chez moi en disant à ma mère sur le pas de la porte "je sais pas ce qu'il a mais ça va pas", et ma mère elle m'a dit plus tard que elle, à l'odeur, elle avait tout de suite compris ce qui n'allait pas.
Et c'était à nouveau indicible, ce qui allait me prédisposer à lire Lovecraft, dont les anti-héros découvrent souvent qu'ils avaient un morceau de kryptonite dans la culotte sans le savoir, et c'est pour ça qu'ils se sentaient pas bien. 
Steve Roach attendant mon chèque pour faire un nouveau disque
Ou alors j'ai l'impression d'être en transit dans les bardos avec Piotr Pavlenski, un pistolet à clous et deux caisses de neuroleptiques.
Ou dans un des romans d'Antoine Volodine qui explorent ces royaumes inconfortables de l'au-delà.  Je veux dire, si Steve Roach prétend explorer les mondes au-delà du delà du monde à bord de ses synthés et de son didgeridoo nucléaire, celui du premier CD de Journey of One est clairement inhabitable pour l'homme. Rien de strident ou de violent, mais on y cultive un incertain malaise, parce que l'oreille occidentale est ainsi faite que sans harmonies discernables, sans mélodie et sans instruments identifiables, avec des voix qui marmonnent d'indistinctes malédictions ancestrales dans des langues oubliées et maudites, c'est un voyage incertain, entre Chernobyl et la Vallée de la Mort, on y entend tant de dissonances qu'on y est plongé dans l'angoisse de l'incertitude de qu'est-ce que je vais leur faire à manger ce soir (je suis plus sensible à la dimension anxiogène du disque parce qu'en ce moment je fais pas mal de sophrologie pour mes acouphènes, du coup mes impressions sont vachement moins indicibles que quand j'étais petit)
C'est une ballade dans les Limbes. Ou tout du moins dans l'idée de l'espace sonore que s'en fait Steve, parce que j'ai entendu dire que quand on s'y trouve en vrai, pour revenir des Limbes c'est aussi galère que pour le jeune clandestin de 15 ans qui a quitté le Cameroun à bord de ses pieds et qui a parcouru 9000 km en 17 mois pour atteindre finalement Saint-Brieuc et tomber sur un ange gardien qui fait qu'ils sont passés ce soir sur le 28 minutes d'Arte.
Si le gamin il avait écouté Steve Roach sur son walkman, il serait pas aujourd'hui miraculé du désastre migratoire, il serait allé se noyer direct dans l'Atlantique, et on aurait tous économisé du carbone, parce que maintenant il est en terminale à Saint-Brieuc et il va devenir citoyen à part entière de la République.
Je n'ai pas dit que l'écoute du disque, c'était désagréable. Mais il n'y a ni repères, ni mode d'emploi. Disons que ça ne va pas réconcilier les gens avec le dark ambient si ils étaient déjà fâchés.
Le second CD est plus orchestral, tribal, rythmé, new age, et les chamans y font moins entendre leur gastro que sur le premier disque.

l'écouter avant :

https://projektrecords.bandcamp.com/album/journey-of-one-the-tribal-ambient-era-live-1996

l'emprunter après :

https://www.mediafire.com/file/4hb5ce2ewtzlvru/SR-JOO-96.zip/file

lundi 17 février 2020

Graeme Allwright - Le jour de clarté (1968)

Comme disait ma femme en partant au boulot ce matin en entendant s'échapper les échos assourdis du néo-zélandais trépassé d'hier par le soupirail de ma caverne électronique, "tu vas pas commencer à nous bassiner avec Graeme Allwright, tu l'écoutais déjà pas quand il était vivant"
Evidemment, cette Cassandre au petit pied n'était pas là quand j'avais 14 ans et que je déchiffrais laborieusement les tablatures de "La Ligne Holworth" en picking dans la méthode de guitare à Dadi.
A 93 ans, Graeme vivait en maison de retraite depuis un an, ce qui est la méthode la plus efficace pour partir rapidement. Pensez-y quand la cohabitation avec vos ascendants conservés à la maison devient trop pénible.

(c'était un message de notre sponsor que je suis obligé de passer : 
si j'avais le choix, y serait pas funéraire.)


https://www.mediafire.com/file/jq662d8d4cn9x75/GA-LJC.zip/file

vendredi 14 février 2020

Talking Heads - Rome Concert (1980)

L'autre jour j'ai assez mal parlé d'Adrian Belew, et je m'en excuse ici même en images; car j'ai depuis ce jour maudit révisé mon jugement, me faisant subir comme mortifications un paquet de concerts de King Crimson du début des années 80, et comme je recevais des messages télépathiques du fantôme de David Byrne de la même période par mon oreille non-acouphénée, j'ai fini par trouver sur un serveur russe un concert des Talking Heads enregistré à Rome en 1980, dans un état difficile à regarder, mais après l'avoir passé dans différentes moulinettes à laver les pixels et dénouer les noeuds qui ont séjourné dans l'eau (MacX DVD Ripper Pro, Handbrake, Compressor), je me suis retrouvé en possession d'un témoignage assez stupéfiant sur ce qu'était le groupe en tournée en 1980, entre leurs albums studio Fear of Music et Remain in Light, qui composent l'essentiel du répertoire de cette transe en danse scénique.
La mise en images est assez médiocre, on se croirait un peu au théâtre de l'Empire du Chorus d'Antoine de Caunes (post précédent) et le cadre 4/3 se prête assez mal à la valorisation du cheptel afro-funk qui se tortille sur scène, une bonne dizaine de gugusses en tout, et qui font un sacré boucan. Et parmi eux, oui, Adrian Belew, dont je découvre qu'il est l'auteur avec sa guitare d'un bon nombre de zigouigouis sonores que j'attribuais imprudemment à Brian Eno et ses synthés sur l'album Remain in Light dont celui-ci assura la pharaonique production. 
Malgré la frugalité de la captation vidéo, les musiciens emportent le morceau, après l'avoir joué sur place, parce qu'ils ont tous l'air possédés, en plus de prendre un plaisir évident et communicatif à jouer ensemble, les petits blancs new-yorkais maigrichons membres de la formation initiale et les pièces rapportées du Togo sous une bâche avec des vieux pneus pour ne pas les déclarer en douane.
J'étais un peu passé à côté du phénomène "Talking Heads, bêtes de scène", heureusement, il n'est jamais trop tard pour admettre ses erreurs grâce aux vidéos tombées du camion d'Internet.
D'ailleurs je ne manque jamais une occasion de remercier Internet, sans qui j'aurais sombré beaucoup moins vite dans la démence et le radotage à propos de choses disparues quand je n'étais pas présent pour les accompagner vers l'oubli réparateur et miséricordieux.
Le répertoire du concert filmé et le line-up du groupe à l'époque chevauchent hardiment celui du disque 2 du double CD The Name Of This Band Is Talking Heads mais la prestation est plus frénétique à Rome, sans doute à cause de la proximité du Pape, fan du groupe de la première heure.
J'ai aussi trouvé un Youtube soi-disant HD pour présenter le concert, mais n'oublions pas que la HD, il y a 40 ans, c'était du super-VHS (j'ai dit ça au pif mais évidemment, je découvre après-coup que ça a existé) 
Donc je vous mets la jaquette du DVD, le fichier vidéo désanamorphosé (il était en 16/9) et le clip promotionnel de Youtube pour 69,99 € dans l'attente du T-shirt dès que vous m'aurez fait les premiers virements sur mon compte Paypal aux Bahamas. 







https://www.mediafire.com/file/x2n6z8y9twfnbix/TH-1980.zip/file

et la traditionnelle vidéo pédagogique de pitchfork (vive pitchfork !)




lundi 10 février 2020

Rembob'INA : "Chorus" avec Antoine De Caunes (2020)

Cette semaine j'avais décidé de me taire. Ca part assez mal, avec la première diffusion sur LCP de la célèbre émission à base d'archives "Rembob'Ina" consacrée hier soir au magazine de rock Chorus présenté le dimanche midi par Antoine de Caunes entre 1978 et 1981. Replay sur le site de la chaine jusqu'à je sais pas quand. Pas d'inédits par rapport au triple DVD déjà édité par l'INA, mais belle madeleine de Proute pour ceux qui n'ont pas eu droit à la version piratée par leur grand-oncle geek.

http://www.lcp.fr/emissions/296412-rembob-ina-40-fevr20

samedi 8 février 2020

Heron Oblivion ‎- Heron Oblivion (2016)




Bon, y'en a un peu marre de toutes ces vieilleries.
Place aux jeunes qui se croient en 1969.
Pour toujours et à jamais.
Pour complaire à Greta Thunberg, je n'ai acheté l'album qu'en digital, c'est à dire sans support, auprès de la maison de disques plutôt que sur bandcamp, parce qu'ils avaient l'air de proposer en plus un digital booklet qui ferait un substitut-subutex aux notes de pochette.
Et y'a pas à dire, le support me manque.
Mais c'est sans doute un combat d'arrière-garde.

Les avis autorisés sont là
https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/heron-oblivion/
et là
https://www.soul-kitchen.fr/62356-heron-oblivion-heron-oblivion

jeudi 6 février 2020

Jean-Pierre Alarcen - Tableau N°1 (1979)

De loin, la nuit, par temps de brouillard, bourré sous acide (aujourd'hui on dirait plutôt binge-drinké aux benzodiazeps') on pourrait confondre la pochette du premier album de Jean-Pierre Alarcen avec celle d'un groupe de rock progressif grand-breton bien connu de tous les vioques du tiéquar, sauf de moi qui ai toujours fait un blocage. 
J'ai longtemps cotoyé les deux albums dans les bacs des soldeurs sans qu'ils ne m'évoquent quoi que ce soit de palpable, comme chantait Béranger dans Le Vieux.
Que voulez-vous, j'étais jeune, je conjuguais l'ignorance et la puissance, et je n'en savais rien. Chevauchant maintenant leurs antonymes, je vous assure que j'ai fière allure.


Jean-Pierre Alarcen est un guitariste que j'ai longtemps associé abusivement à François Béranger, puisqu'il a certes co-signé plusieurs de ses albums en tant qu'arrangeur, mais pas qu'eux. Alarcen fut aussi musicien "de session" (il me semble qu'on appelait ça avec mépris des "requins de studio", ce que confirme le wiki, mais c'était au temps où l'on pouvait vivre de son art, qu'on fasse de la musique, de la BD ou qu'on écrive des livres sans images). Vous trouverez tout ça sur le lien discogs plus bas, je vous fais confiance. Il a également enregistré à la fin des années 70 deux albums de rock progressif (rires) symphonique (toussotements gênés) luxueusement produits, on parle alors de Alarcen rupin. (les rires reprennent au bout d'un moment) et un autre "Tableau n°2" vingt ans plus tard, que je n'ai pas encore écouté.
Que vous dire ? ses deux premiers albums réunis en 1988 ont leurs moments surannés, mais aussi leurs bons moments. Je dirais que c'est de la musique comme on n'en fait plus, mais il faut se méfier, avec les jeunes de maintenant, ils sont capables de tout.
Ici sur votre gauche vous avez le Tableau n°1 en prévisualisation Youtube de votre achat sur mon site, je vous laisse trouver comment insérer votre CB dans l'écran, je ne suis pas sans contact, plutôt tactile  même comme garçon, c'est pour ça que plein d'aspects d'internet me désolent et me désincarnent, qu'elle était siliconée ma vallée.


pleins de liens pour faire redécouvrir Alarcen, bien qu'il ne soit pas encore mort à ma connaissance et à l'heure qu'il est (9h35) :

Alarcen est énorme au Japon.
l'incontournable wiki, que on en vient à se demander comment on faisait avant
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Alarcen

une biographie autorisée avec des photos amusantes
http://pressibus.free.fr/zuzudisco/Alarcen/alarmain.htm

une discographie avec les crédits des musiciens
http://www.musikafrance.com/index.php/Jean-Pierre-Alarcen/Jean-Pierre-Alarcen.html

un article détaillé sur l'album de 1998
http://clairetobscur.fr/jean-pierre-alarcen-tableau-n/

l'avis d'un disquaire passionné
http://musicali.over-blog.com/article-jean-pierre-alarcen-88622370.html

l'avis d'un bloguiste enthousiaste
http://docoverblog.blogspot.com/2018/01/alternative-et-progressive.html

dans un univers parallèle, Alarcen part jouer avec Lavilliers (au lieu de Béranger) après le split de Montrose Sandrose
https://www.rockmadeinfrance.com/encyclo/sandrose/27928/

l'état des stocks chez discogs, le paradis du discomaniaque
https://www.discogs.com/artist/532430-Jean-Pierre-Alarcen

et finalement le fichier secret du téléchargement maudit


lundi 3 février 2020

Lovecraft Facts (8) : Adrian Belew

J'ai un vrai sourire
et ça transfigure ma disgrâce.
Non ?
Adrian Belew est un peu disgracieux. C'est un avis personnel. S'il aime la Nature, c'est avec Albert Jacquard, parce qu'ils ne sont pas rancuniers. Et ça ne s'arrange pas en vieillissant. Entendons-nous bien : l'auteur de ces lignes n'est pas sorti de la cuisse de Jupiter, mais ça ne nuit pas à sa vie professionnelle. Ou alors on m'aurait menti. En tout cas les gens se sont habitués, ou restent extrêmement discrets, et je n'en entends guère parler. Concernant Adrian, cette malédiction due à ses gênes est cruelle : il serait ingénieur informaticien, encore, ça passerait, mais ayant choisi la filière spectacle, c'est toujours un peu délicat pour lui de mettre sa tête sur les pochettes des disques (même si personne ne les achète plus) ou de s'exhiber en concert sans se mettre un sac poubelle 10 litres sur la tête, avec deux trous pour voir le manche de son outil de travail et un autre pour respirer. Et contrairement au personnage principal de Border, dont la laideur surnaturelle et préhumaine est due à des prothèses, lui ne peut se dessaisir le soir venu de sa hideur lovecraftienne en la mettant à tremper dans le verre à pied, et ses pieds dans le verre à dents. Elle est montée d'origine.
Si, j'ai regardé, hideur, ça existe bien dans le dictionnaire, même si personne ne l'emploie, pas même Lovecraft...ah si, tiens, Lovecraft, justement, dans Dagon : "Jamais je ne pourrai décrire telle que je la vis cette hideur innommable qui baignait dans le silence absolu d'une immensité nue. Il n'y a avait là rien à écouter, rien à voir, sauf un vaste territoire de vase. La peur que fit naître en moi ce paysage uniforme et muet m'oppressa tant que j'en eus la nausée." Il évoquait à mots couverts le visage d'Adrian, entr'aperçu dans un rêve lucide, ces songes au cours desquels la conscience onirique s'insurge du cauchemar qu'elle sait être en train de vivre et qui inspirent à l'innocent promeneur des sphères astrales, au sortir du sommeil, la rédaction de nouvelles d'épouvante un peu boursouflées, mais raisonnablement atroces.
Adrian essaye d'organiser une tournée en Chine
au profit des victimes du Coronavirus
mais ça ne prend pas longtemps avant qu'il soit reconnu.
Bien qu'il ait compensé sa relative laideur depuis tout petit en mettant au point une technique guitaristique hors pair et un phrasé tout à fait singulier, Adrian s'est quasiment fait virer pour mocheté de tous les groupes dans lesquels il a joué, les Talking Heads, Bowie, Frank Zappa (qui se pavanait pourtant volontiers sur les plateaux télé en se dépeignant sous les traits d'un progressiste refusant les diktats culturels en vigueur dans le monde du rock, comme par exemple les groupies, moi ça me parait admirable de pouvoir se refuser aux groupies, même si j'en ai fort peu et que ça serait donc virtuellement envisageable sans que ça soit ressenti comme un arrachement), King Crimson, au sein duquel il a pourtant cotisé trente ans, mais c'est vrai qu'ils faisaient des concours avec Robert Fripp pour savoir lequel avait le plus le charisme d'une moule et ça faisait fuir les trop rares clients, et finalement c'est Robert qui a gagné, et plus récemment Adrian s'est aussi fait lourder de Nine Inch Nails et de Porcupine Tree.
Si vous me croyez pas vous z'avez qu'à lire Internet, c'est écrit partout.
Et à chaque fois qu'il est remercié, il rentre chez sa mère, elle le console comme elle peut (les mères sont souvent balèzes en amour inconditionnel, c'est bien pratique quand on est un serial killer en fin de droits assedic ou un guitariste peu flatté par la nature) et il sort un album solo.
Un petit cercle d'initiés s'ébaubit alors "Rhhôôôhh bravo, Adrian, encore un beau crossover entre Mac Cartney et King Crimson", la presse spécialisée ronéotée  à un seul exemplaire sur le web s'en fait l'écho des savanes confidentielles, et l'artiste semble condamné à errer éternellement en quatorzième division blindée des Panzers de l'Echec Patent pour délit de sale gueule.
Ca fait déjà presque quarante ans que ça dure, et son dernier opus, Pop Sided, ne déroge pas à la règle, comme on dit dans le Landerneau des blogs musicaux : ni pire, ni vraiment meilleur que les précédents. Quoique Flux, un des plus récents, était vraiment pas mal. A condition de ne pas voir sa tête, évidemment, sinon ça fout tout par terre, dans ce monde où l'apparence compte plus que tout. Plus que d'avoir une belle guitare et de s'en servir, en tout cas.
Mais il existe une autre façon de voir les choses, si on sait les regarder avec l’œil du cœur : Adrian Belew, soi-disant parti de rien et arrivé nulle part, n'a finalement de merci à dire à personne. Il a joué dans beaucoup de groupes intéressants à des périodes où ceux-ci furent très créatifs, et en dehors de ça il a enregistré ce qu'il voulait comme il voulait, défrichant des champs expérimentaux dont aucun gratteux cyberculteur n'aurait osé retourner les grosses mottes avant lui; et en plus il a conçu des guitares, des applis mobiles et des racks d'effets.    
Et si ça se trouve, sa femme est ravissante.
Et il parvient tout à fait à vivre correctement de son art.
Lui.
Contrairement à moi et à Lovecraft.




picC'est en tombant sur une vidéo récente ci-dessus que je me disais à nouveau qu'il n'avait pas de bol, parce que j'avais trouvé le disque Side Four enregistré avec cette formule de Power Trio très énergique, alors que la vidéo est un peu foirée : l'image est d'une hideuse frugalité, le son caméra n'est même pas repiqué de la console de mixage. Peut-être qu'il cherche plus à être qu'à avoir, et qu'au fond il s'en fout, à partir du moment où il conserve la liberté de faire ou de ne pas faire ce qu'il lui plait plait plait quand ça lui chante chante chante.Donc ce n'est peut-être triste que dans ma tête, cette histoire.
Et pour le happy end, je lis sur le french wiki que Jerry Harrison renoue avec Adrian Belew et s'accompagne du groupe Turkuaz pour rejouer Remain In Light sur scène en 2020, à l'occasion des quarante ans de l'album.
Alors il est où, le problème ?

english wiki, rich as my tailor :

Belew by discogs
https://www.discogs.com/artist/55902-Adrian-Belew


[EDIT]

Flux volume 2 - notes de pochette
(collection privée)
En complétant de manière raisonnée ma collection de Belews, je tombe par hasard sur la pochette intérieure de Flux (Volume 2) d’Adrian, qui consiste en une déclaration d'intention.
Je peux faire la fine bouche sur sa capacité à me faire rêver, mais Adrian est un pont entre les Anciens et les Modernes, son commentaire sur « la musique qui n’est jamais jamais deux fois la même » est inspiré comme un fragment d’Héraclite.
Nous, nous pensions que la musique, c’était des fichiers, et nous les collections avec avidité, les jeunes de maintenant la vivent comme un flux et ne se prennent pas la tête avec.



Adrian a mis autant d’enthousiasme à créer son appli  que Peter Gabriel en avait eu à faire son CD-rom interactif Eve en 1997.
Même si au final, toute randomisée que soit l’appli « Flux », la démo me porte à croire que ce qui sort du logiciel de Belew ne peut sonner que comme du Belew, le Géo Trouvetout du rock.