jeudi 9 janvier 2020

Lovecraft Facts (4)


Derrière un escalier suintant du web descendant à une cave à côté de laquelle le Darknet n'est qu'un aimable e-canular d'étudiant russe en master II de hacking, j'ai déniché un grimoire maudit, abominablement transcrit par un logiciel d'OCR défectueux qui caviarde hideusement le texte originel :
« De ses voyages dans les terres douteuses de l’indicible, Lovecraft n'est pas venu nous rapporter de bonnes nouvelles. Peut-être bien, nous confirme-t-il, quelque chose se dissimule, et se laisse parfois apercevoir, derrière le rideau de la réalité. Quelque chose d'ignoble, en vérité.
Il est en effet possible qu’au-delà du rayon limité de notre perception, d’autres entités existent. D’autres créatures, d’autres races, d’autres concepts et d’autres intelligences. 
Parmi ces entités, certaines nous sont probablement supérieures en intelligence et en savoir. Mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Qu'est-ce qui nous fait penser que ces créatures, aussi différentes soient-elles de nous, manifestent en quelque façon une nature spirituelle ? Rien ne permet de supposer une transgression aux lois universelles de l'égoïsme et de la méchanceté.
Il est ridicule d'imaginer que des êtres nous attendent aux confins du cosmos, pleins de sagesse et de bienveillance, pour nous guider vers une quelconque harmonie. Pour imaginer la manière dont ils nous traiteraient si nous parvenions à entrer en contact avec eux, mieux vaut se rappeler la manière dont nous traitons ces « intelligences inférieures » que sont les les lapins et les grenouilles. Dans le meilleur des cas, elles nous servent de nourriture ; parfois aussi, souvent, nous les tuons par simple plaisir de tuer. Telle est, nous avertit Lovecraft, la véridique image de nos futurs rapports avec les « intelligences étrangères ». Peut-être certains beaux spécimens humains auront-ils l’honneur de finir sur une table à dissection ; et voilà tout.
Et rien de tout cela n’aura, une fois encore, le moindre sens. »
Extrait de: Michel Houellebecq. « H.P. Lovecraft: Contre Le Monde, Contre La Vie. »

Surprise : sur le plan métaphysique, on n'est pas loin des intuitions fondamentales de Ptiluc, pour lequel Dieu est un être "infiniment mauvais et pue-du-cul."
(il faut dire qu'il fait bien mauvais aujourd'hui et que j'aurais tendance à abonder dans son sens).
Plutôt que Lovecraft, ou Lovecraft disséqué par Houellebecq, ne vaut-il pas mieux relire Ptiluc, sans doute moins démodé dans le choix de ses adjectifs ?

"L'importance majeure des accords mineurs" - Ptiluc, 1984 


mercredi 8 janvier 2020

Killing Joke - what's THIS for...! [ 1981/2005 Expanded Remaster]

Je me réveille ce matin avec les infos auxquelles je ne comprends que dalle mais qui ressemblent à un mauvais roman de feu Maurice G. Dantec. 
Il y manque juste un groupuscule de bio-terroristes ukrainiens ayant vaporisé par pure vilenie du glyphosate sur les champs de pavot afghan pour assécher la manne de narco-dinars à destination des camps d'entrainement pour djihadistes turkmènes. 
A part ça, on s'y croirait. 
Pas de doute, il va faire un temps à réécouter le bien nommé Killing Joke. 
Je ne peux pas prétendre à postériori, serait-ce pour enjoliver mon peu glorieux passé, que ce disque m'ait fait grimper aux rideaux quand je l'achetai, il y a de cela de nombreuses lunes, dans une triperie d'occasion derrière la Préfecture de Montpellier. 
Il était déjà saturé de rage froide et de guitares tranchantes, résonnait de batteries sêches et de cris déments, et m'intimidait lors de mes rares tentatives d'apprivoisement.
M'enfin, du coup j'y retrouve une puissance de feu préservée par la rareté de l'écoute et non guimauvée par la nostalgie, depuis l'époque oxydée au sein de laquelle ce fracas-ci s'entendit là, certains riffs sont restés très menaçants, comme "Under Tension", "Follow the leaders" ou encore "This is Madness." 
Et c'est pas du ska, plutôt la réponse chantée des Iraniens aux blagues de nouvel an de Donald Trump car les imprécations imbibées de réverb de Jaz Coleman ont des relents très sympas d'appel à la prière tout en évoquant le cri d'émeutier black blog.
Eux, y z'étaient vraiment pas là pour rigoler.
Après, peu importe que le groupe se soit ramolli (ou pas) au contact de la new wave, ou que sa longévité ait fait mentir les options prises sur le chaos et l'auto-destruction, figures imposées du nihilisme sonore qu'il semble prôner. J'ignore tout de sa carrière, et veux persister à n'en rien savoir, quitte à me rouler dans la fange de l'ignorance avec une volupté décuplée par la complaisance. C'était sans doute les prémisses du rock industriel, voire du gothique, mais je ne suis pas Michka Assayas, ni même sa tante par alliance, et je m'en branle jusqu'à ce que ça saigne. 
Quand je me suis penché sur l'égout à ciel ouvert de la médiathèque russe de prêt à très long terme, dans une posture où l'avidité le disputait à la curiosité malsaine, prêt à leecher comme un porc halal le torrent de la discographie intégrale du groupe, je me suis souvenu au dernier moment, juste avant de cliquer, de mon désir de contribuer à créer un Internet durable et qui profite à tous et pas seulement à la mafia soviétique, (désir proclamé lors de mes voeux 2020 au Super U du coin, c'est con vous auriez dû venir) et je me suis contenté de prendre cet album.


Parmi tous ces groupes anglais à nom composé qui nous déboulèrent dessus au début des années 80 et qui annonçaient les années de plomb, Joy Division, New Order, Throbbing Gristle, choisissez celui qui vous faisait le plus peur.
Sans conteste, pour moi c'était ce disque de Killing Joke.
Qui explorait un marais crépusculaire dans lequel j'avais pas pied. 
Pas avant de me prendre le Deadly Weapons de Minimal Compact sur le coin de la cafetière.
Réjouissons-nous qu'Internet puisse aujourd'hui m'offrir une version expansée de ce disque avec des versions dub de ses pièces les plus sanglantes, sur lesquelles je peux chanter des lyrics de mon cru en dansant avec des chevreaux égorgés au milieu du salon.
Résumons-nous : un beat cold wave, des guitares cimeterre, un chant d'extrémiste, une baas funèbre qui fouaille jusqu'à l'os : pas de doute, je Triq Ramadan.
A mon âge, c'est inespéré.

https://www.mediafire.com/file/iy82hjn7m2x653j/KJ-whatS-for.zip/file

des gens qui l'ont connu, des gens qui l'ont aimé :
(et qui évoquent son "indicible puissance", ce qui permet de le ranger dans la case Lovecraft, toujours d'actualité)
http://www.xsilence.net/disque-4885.htm
http://fp.nightfall.fr/index_2095_killing-joke-what-s-this-for-.html
https://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=14409

lundi 6 janvier 2020

Lovecraft Facts (3) : enfin j'en tiens un !

Lovecraft Fact #1

En relisant sa biographie, je mesure combien Lovecraft a eu une existence pathétique, qu'on ne souhaiterait à personne, bien que du coup il ait pu la dédier entièrement à la poursuite de ses cauchemars, quelle chance, cauchemars qui in fine le dévorèrent vivant, et de l'intérieur, aussi trivialement qu'ils le firent du pauvre docteur Le Scouarnec, qui avait un autre type de cauchemar (et prétendait que c'était un rêve éveillé) mais qui devait quand même vivre dans un univers sourdement contaminé par une inquiétude lovecraftienne, au moins en ce qui concerne le risque croissant d'être un jour prochain soumis à la Question par des Grands Anciens déguisés en agents de la maréchaussée.
Mais que voulez-vous, chez ces gens-là le sentiment d'impunité est renforcé par l'illusion de toute-puissance, un peu comme chez les blagueurs blogguistes, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps, et déjà tromper ma femme un quart d'heure s’avérerait le cas échéant une gageure, un challenge voire une performance sportive, parce que les réveillons ne m'ont pas fait que du bien par où ça passe, cf les articles précédents depuis que j'ai recommencé à écrire.
De toutes façons, cinquante ans, c’est le bel âge pour un homme : quand une femme lui dit oui, il est flatté, et quand elle lui dit non, il est soulagé. (David Lodge)
Lovecraft a eu une femme quelques temps, quand on lit ce qu'elle dit de lui on se dit que c'était vraiment gâcher la marchandise, quant à la tromper il eut d'abord fallu qu'il l'honore.
Bon, à la relecture, il n'y a aucun Lovecraft fact dans ce paragraphe, il va falloir travailler plus dur.
Je recommence.
Le docteur Le Scouarnec à 25 ans,
tenté par le démon de l'écriture
(allégorie)
Lovecraft Fact #1bis

Les « carnets noirs » de Joël Le Scouarnec, le chirurgien pédophile, dans Le Monde du 3 janvier.
Le journal intime du médecin, accusé d’agressions sexuelles et de viols sur mineurs et incarcéré depuis mai 2017, révèle un homme pervers et méthodique. De 1989 à 2017, il y détaille, jour après jour, les abus sur plus de 300 enfants.)
Et les enfants continuent de peupler les « carnets noirs », toujours plus, une addiction, effrayante sarabande de noms, d’adresses, ou juste une initiale, une silhouette, un fantasme, comme cette gamine qu’il n’a pas « réussi à coincer dans les toilettes » pendant une réception, cette petite invitée qu’il observe par le trou de la serrure au moment du coucher ou une gosse à la clinique dont la mère au bord du lit l’a empêché d’agir. Les odeurs corporelles, les sécrétions, les excréments − les siens comme ceux des autres − ont peu à peu envahi les pages. Il s’en délecte.
(...) A l’hôpital de Jonzac, le chirurgien ambitieux et fou de travail s’est mué en médecin effacé, courant derrière les vacations pour faire sortir du rouge le compte commun qu’il a gardé avec sa femme. « Il était un peu le sage de l’équipe, présent mais pas intégré », raconte un collègue. Le midi, Joël Le Scouarnec ne déjeune pas au self de l’établissement. Il préfère rentrer chez lui. Là, il se met nu, sa nouvelle façon d’être. Avale une boîte de conserve, penché au-dessus de l’évier. Puis télécharge des images pédopornographiques, une addiction, ses nuits y passent aussi, tant pis pour le retard à ses consultations. Ou alors, il se photographie, inlassablement, en tutu, avec une perruque à frange ou une culotte d’enfant volée au gré des occasions. Des mois durant, il ne se lave pas et s’en réjouit. Le whisky l’empêche parfois de tenir sur ses jambes.
Aaah ben voilà, tu vois quand tu veux : ces horreurs me semblent plus innommables, bien que les journalistes du Monde aient su les nommer, que celles imaginées par Lovecraft (bien que les siennes fussent quand même pittoresques, sans toutefois impliquer d'extra-terrestres qui ne se lavent pas, y'a quand même des limites). Moralité : quand il s'agit d'évoquer le bonheur, la littérature nous élève toujours plus haut que le réel (dans le réel, pas de Nirvana sans addiction) cf "Pandore au Congo", le meilleur roman que j'aie lu l'an dernier sur notre rapport intime à la fiction. Alors que question malheur, le réel l'emporte toujours, comme le docteur vient de le rappeler. C'est pourquoi les bouddhistes nomment l'univers phénoménal "Samsara", l'océan de souffrances. "Le désir de Nirvana, c'est le Samsara", ajoutent-ils souvent d'un air goguenard. On les comprend.

dimanche 5 janvier 2020

Lovecraft Facts (2)

Résumons l'article précédent, pour ceux qui n'ont pas le temps de lire, comme je l'ai lu sans en croire mes yeux au bas d'une page web France info tv :
Fans de Lovecraft faisant du barouf devant l'ambassade
irakienne des Etats-Unis où s'est réfugié Abdul Alhazred
pour qu'il écrive la saison 2 du Necronomicon.
Ne vous inquiétez pas, elle arrive.
- Lovecraft écrivait des trucs de fou qui faisaient trop peur, mais c'est parce qu'il était pas bien dans sa tête. Ca n'a pas empêché des générations d'adolescent.e.s de s'en goberger en poussant des petits cris d'orfraie, c'était chouette mais c'est fini, maintenant ils vont sur Internet où les mystères de l'univers leur sont souvent dévoilés avec moins d'élégance par Matzneff, ses incubes, ses succubes, son big Bazar et son quatuor à pétrole. Pendant ce temps, les horreurs persistent dans le Vrai Monde Réel et rendent fou l'imprudent qui se penche dessus. 
Pour s'en convaincre, relire l'article précédent au lieu de me croire sur parole, parce qu'un résumé est forcément réducteur, et qu'en plus il n'était pas très long.
En tout cas moins long que le sempiternel article de Jean-Pierre Filiu sur la partie de billard à trois bandes que se jouent les Etats-Unis, l'Iran et l'Irak.
- donc le seul truc qui ne rende pas fou, c'est de lire ou relire Lovecraft dans le noir, en alternant avec de la méditation de pleine conscience rythmée par le support audio psalmodié de Noël "les plus beaux contes de Nyarlathotep lus par Christophe André" avec le téléphone coupé (à télécharger en mp3 dans les boutiques spécialisées). Je vous fais une ordonnance pour une cure de 15 jours pour commencer, après vous pourrez recommencer à lire des blogs. 
- De toute façon, n'importe quel récit de Lovecraft ne peut rivaliser en épouvante confite avec celui du réveillon d'un malade atteint de schizophrénie.
Donc je ne vois pas bien comment je vais pouvoir inaugurer cette série de "Lovecraft Facts" annoncée, car à peine promise la voici compromise par cette collision tragique entre les prophéties de malheurs cosmiques de l'ermite cybergeek de Providence et le Réel, qui fait rien qu'à dépasser l'affliction.
Et je ne dis pas ça parce que hier soir en rentrant dans le noir le long de la Sèvre pas éclairée sur le vélo électrique de ma femme dont je maîtrisais très moyennement la vitesse je me suis gravement cassé la gueule du côté de la cale de Beautour. Pas uniquement. Disons que de flinguer un pantalon neuf à 95 euros et manquer mourir parce que j'étais parti avec pas d'casque quand le trottoir m'a foncé dessus ne m'a pas aidé à regagner la maison dans de bonnes dispositions vis-à-vis de cet enfoiré de reclus de Providence. En plus j'ai été ramassé par un petit jeune de 45 ans qui était sorti promener son chien, d'une marque qui ne m'a pas marqué mais qui ne m'a pas mordu non plus, et qui m'a pris pour un vieillard maniaque et suicidaire en insistant sur le risque de commotion cérébrale en cas de chute. Je n'ai pas osé l'entreprendre sur ce que les antidépresseurs avaient occasionné en matière de commotion cérébrale la fois où j'en ai pris, il aurait fallu que je lui fasse lire des extraits de ce blog remontant à fin 2011 et je n'avais pas internet sur moi; en plus j'ai cru pendant quatre kilomètres que j'avais bousillé la partie électrique du vélo parce que j'avais encore une petite lumière devant mais plus d'écran de contrôle, mais je pédalais très fort dans le noir restant tellement l'incident m'avait vexé, et ce n'est qu'en arrivant sous un providentiel lampadaire près du parc que j'ai vu qu'une cosse avait été arrachée du boitier mais une fois remise, ça s'est rallumé et j'ai pu finir le trajet avec l'assistance électrique, il y a vraiment un bon Dieu pour les imbéciles, ça je le lui avais dit au mec dans le noir et ça l'avait fait sourire mais pas trop fort parce que je lui ai sacrément fait peur, sans même lui faire lire une page choisie de l'appel de Cthulhu... trois jours plus tôt le guidon s'était complètement dessérré pendant le trajet de retour et j'avais fini quasiment sans contrôler ma direction, je crois qu'il va me falloir admettre mon impuissance devant le vélo électrique, que comme l'alcool, c'est un truc trop fort pour moi.
En plus, je crois avoir écrit tout ce que je m'autorisais à penser des lovecrafteries réelles et imaginaires il y a déjà un moment, et à l'époque j'avais plus d'élégance dans la désinvolture.
C'était moins besogneux.

samedi 4 janvier 2020

Lovecraft Facts (1)

Les Chuck Norris Facts, il y en a peu de drôles,
mais quand elles le sont, elles le sont.
Depuis quelques jours je caressais l'idée de m'amuser un peu en brodant autour de Lovecraft Facts, que je me complaisais à imaginer bâtis sur le modèle des Chuck Norris Facts, je relisais pas mal de trucs autour du flippé de sa race de  reclus de Providence, ça commençait à venir, et puis, fatalitas ! d'un seul coup, en surfant sur l'actu je ne caresse plus rien du tout, entre la fonte accélérée des glaces du Pôle Nord qui promet la décongélation du grand Cthulhu à aussi courte échéance que la dépréciation immobilière de mon ranch "les sabots dans l'eau" sur la côte landaise, l'Australie qui brûle kangourous et koalas dans ses centrales à charbon pour détrôner la Californie dans le championnat du monde d'incendies, Don Trump qui joue à la roulette russe belge - 6 balles dans le barillet - avec l'Iran, ce qui va certainement contribuer à détendre une météo régionale déjà souvent orageuse en fin de soirée, selon les experts du 28 minutes d'Arte que j'invite tous les soirs dans mon salon pour refréner mon appétit après les excès de foie gras à la cocaïne des deux réveillons, si vous voulez tout ça mis bout à bout, même pour les amoureux du désastre comme moi, ça fait un début d'année un peu chargé, alors c'est vrai, on va pas se fâcher pour six pneus, mais je n'ai plus trop le cœur à sourire avec une horreur littéraire délicieusement surannée, alors que l'actualité relègue Lovecraft et ses poulpeuses créatures, Lovecraft et ses luxueuses chimères de l'entre-deux guerres, Lovecraft et ses pittoresques phobies du métissage racial, un peu en seconde division de l'épouvante, allez, du balai le calmar visqueux, au rancard avec Casimir l'ami des enfants et les monstres bébêtes et obsolètes...
Ces jours-ci le vrai ami des enfants c'est le bon docteur le Scouarnec, chirurgien des viscères qui les accompagne au plus près de leur douleur surtout quand c'est lui qui la provoque par des attouchements indicibles en salle de réveil post-opératoire, et pendant ce temps-là l'anesthésiste de Stephen King peut bien aller se rhabiller.
Et hier j'ai monté un reportage sur un expert de justice en morphoanalyse de traces de sang, le gars mandaté par les flics de la police qui arrive toujours trop tard mais qui tombe à pic pour venir faire parler les taches de rebelle sur les scènes de crime, qui nous dit texto "on s'habitue jamais, surtout quand des enfants sont impliqués, et y'a toujours un cas qui dépasse un autre; dans l'abomination, l'être  humain n'a pas de limites."
L'abomination, un terme quasiment privatisé par les traducteurs de Lovecraft en leur temps.
En plus en venant au bureau ce matin sur le vélo nucléaire de ma femme que je lui ai hardiment chapardé dans le garage pendant son absence de la maison, je me suis fait engueuler par un sourd-muet devant la cantine du conservatoire, parce que je roulais sur la voie réservée aux piétons. Il en vibrait d'indignation et j'ai failli l'écraser, ce con.
Quand on se fait engueuler par un sourd-muet, l'avantage c'est que ça ne fait pas beaucoup de bruit, mais les gémissements qu'il tire de sa pauvre gorge sont quand même assez anxiogènes, sur le plan de l'horreur audiovisuelle, à mi-chemin du muet et du parlant.
Du coup, ça m'a tout coupé.
Bref, c'est pas le moment de venir me faire chier avec Lovecraft.
Putain, j'ai failli oublier Matzneff

mardi 31 décembre 2019

Talvin Singh & Rakesh Chaurasia - Vira (2001)

Pour ceux qui confondent encore Ganesh et Cthulhu (Cétéhachuellehachu, le cauchemar des correcteurs), c'est quand même pas très compliqué de les distinguer à l'oeil nu :
Ganesh est un dieu du panthéon hindou à tête d'éléphant, dieu de la sagesse et bon vivant


alors que Cthulhu est une monstrueuse entité cosmique céphalopode inventée par Amazon pour nous faire acheter des déguisements à la con avant de nous livrer à de hideuses orgies païennes


Quant à Talvin Singh, il m'a longtemps fait croire qu'il adorait Cthulhu, dieu de la morbidité moderne puisqu'il naquit en 1926 sous la plume de Lovecraft, et qu'à cette époque Talvin se présenta à moi sous la forme d'un disque inoubliable mais bourré d'électronique,
alors qu'en fait, deux ans plus tard il se prosternait devant Ganesh, âgé de plusieurs millénaires, et revenait aux sources de la musique traditionnelle.

"Souvent hindou varie,
bien fol qui sale s'y fie"

Eric Rohmer d'Hélasse,
Comédons et problèmes


https://www.mediafire.com/file/29spnl371ai0lj2/Vira.zip/file

pour ceux qui préfèrent revenir aux sources d'un Cthulhu Gravlax :
https://cryochamber.bandcamp.com/album/cthulhu

[Edit] 
Je n'ai pas trouvé la place dans l'article pour dire tout le bien que je pense de la musique de Talvin Singh et Rakesh Chaurasia, loin du son "aigu et monotone des pipeaux" qui hantait Lovecraft, qui abhorrait la musique, entre autres choses.
Tant pis, j'y reviendrai plus tard.

lundi 30 décembre 2019

Yvan Dautin - L'orang-outang est dégoûtant (1979)



Ah ah ça vous la coupe, hein ? moi aussi.
Ca fait bien quarante ans que je n'avais plus entendu cette chanson. 
Enfin, si on peut appeler ça une chanson. 
La dernière fois ça devait être dans "Pas de panique", l'émission de Claude Villers et Patrice Blanc-Francard dans la tranche 20h-22h sur Inter.
Planqué sous les couvertures avec mon radio-cassette, parce que mes parents imposaient un couvre-feu draconien en période scolaire.
Yvan Dautin, j'avais déjà du mal à le situer. 
Il avait des chansons burlesques, tendance Boby Lapointe, et d'autres très dures, mais bizarres, avec des éléments surréalistes et d'autres non-identifiables. 
Sans parler de ses envolées à la Julien Clerc, dont j'ignorais tout parce que le couvre-feu frappait d'anathème la variété française populaire qui n'était pas "de bon goût" (celui de mes parents se limitait à Jean Ferrat, Guy Béart, Brel et Brassens).
Un fan de la première heure et animateur sur une radio FM sans doute en région parisienne s'est vu accorder 6 heures d'interview du chanteur que je pensais disparu, reconverti ou transformé en farine animale, alors qu'il n'était que démédiatisé à l'extrême. 
Ce n'est évidemment passionnant que pour ceux qui s'intéressaient précédemment à l'olibrius, qui n'en est plus à sa énième tentative de come-back.
L'animateur connait bien la carrière en dents de scie de son idole, et aurait pu commencer son émission comme l'avait fait François Morel en apostrophant Jacques Chancel, toujours sur France Inter, il y a quelques années : "Yvan Dautin, bonjour, ça fait longtemps qu'on vous avait pas vu à la radio..."
Tout est là :
et j'ai regroupé les chansons disponibles en téléchargement sur le site dans un fichier unique :

Pour ceux qui préfèrent reluquer les dessous croustillants de l'affaire, car il faut bien contenter tout le monde quand on est possédé du démon du blog de l'esprit de Noël :


message de service : je cherche à réentendre l'album de 1977 "Quand j'étais dromadaire".
Faire offre à la rédaction, qui transmettra.

[Edit du 11/01/20] :

Nos lecteurs ont du talent, puisqu'ils ont trouvé la perle.rar
https://la-caverne-des-oublies.blogspot.com/2020/01/yvan-dautin-1977-quand-jetais-dromadaire.html
Bravo !

dimanche 29 décembre 2019

Francis et ses Peintres - 52 Reprises dans l'Espace (2010)

J'étais jusqu'à présent indifférent à Philippe Katerine. Quand je le traitais de Houellebecq sonore, je ne le pensais pas vraiment. Houellebecq a écrit un livre sur Lovecraft, Philippe Katerine a écrit "t'es-tu déjà masturbé en chiant ?" sur son dernier disque, ce qui, certes, le rapproche du Barde des Horreurs Indicibles, avec encore une bonne marge de progression. Mais il séduit la frange féminine de mon électorat (aux postes d'époux et de père), dans une époque de masculinité branlante, il est donc devenu une menace acoustique assez explicite lyrics pour que je m'y intéresse.
Je lui reconnais au moins une absolue liberté, dans les formes qu'il choisit d'emprunter et d'incarner en ricanant. Ici, 52 reprises de chansons populaires des 50 dernières années.


http://adopteundisque.fr/katerine-francis-et-ses-peintres-52-reprises-dans-lespace/

https://www.mediafire.com/file/kxjiaqbtw4k7gmc/2010_-_FP-52_Reprises.zip/file

C'est l'occasion d'un grand jeu de société, à en réinventer les dimanches après-midi en famille : plaçons n'importe lequel des 3 disques sur la platine, et soyons le premier à deviner quel titre est massacré. Ce n'est pas toujours évident : il y a des reprises molles de chansons dures, et inversement, ainsi que des titres tellement démantibulés que leur propre mère les laverait avant de les noyer dans l'évier, comme les petits chats que la noiraude avait faits l'an passé alors qu'on la croyait tous stérile.
Nous y avons joué, nous nous sommes bien amusés. On espère que Francis et ses peintres aussi, car à l'oeil nu, on ne peut distinguer si certaines chansons s'inscrivent dans le registre de l'hommage, du Blasphème ou relèvent tout benoitement de la psychiatrie ambulatoire.

samedi 28 décembre 2019

Le retour d'Al Crane (2)

C'est pas pour faire mon conservateur réactionnaire plus que ne l'était le reclus de Providence, mais pour reprendre le Blueberry de Charlier et Giraud sans sombrer dans le non-figuratif et l'art occidental décadent, et même si c'est un coup de hype des producteurs pour Noël, y'avait quand même d'autres profils envisageables pour un casting réussi.
La filiation la plus évidente, c'est Dorison et Meyer.
Mais ils ont leur propre bizness à mener, et l'héritage Blueberry , s'il n'est pas choisi, tient plus de la malédiction pléonastiquement subie.
Boucq et Jodorowsky auraient servi un hommage psychédélique tout en nuances, à la Jan Kounen.
Lauzier et Alexis auraient déconstruit le mythe pièce par pièce et assurément tout foutu par terre, avec leur agaçante manie de la dérision systématique.
Heureusement, ils sont morts depuis longtemps.
Voici pour vos étrennes, et si vous avez été sages, leur première aventure d'Al Crane, parue dans Pilote mensuel n° 25 bis, en juin 1976.








Pour mieux comprendre la déliquescence qui vient :
https://www.polemia.com/decadence-occidentale-declin-culture-ivan-blot/


vendredi 27 décembre 2019

Le retour d'Al Crane (1)

Nous faisions nos courses de Noël.
Tout se passait bien, et nous nous acquittions de ce tribut à la société pré-décroissante avec un enthousiasme mesuré, sachant que c'était un des derniers Noël d'opulence prédits par Sainte Greta et frère Paolo.
Soudain je tentai de feuilleter la "nouvelle aventure" de Blueberry, récemment remis en selle par Sfar et Blain, mais à peine l'ouvrage ouvert, un sentiment diffus de malaise lovecraftien me picota l'extrémité des tentacules; ne sachant à quoi l'attribuer, du fond de la librairie spécialisée en bandes dessinées, je hélai ma femme d'un gémissement plaintif; elle rappliqua illico, contempla le livre ouvert et prononça ces seuls mots : "c'est moche."
Tout était dit.
Nous rentrâmes derechef chez nous nous goberger d'incunables.