dimanche 18 octobre 2015

Jodorowsky

Comme dit Jodorowsky, nous avons "appris à tomber mille fois avec une obstination farouche jusqu'à apprendre à se tenir debout. Je me rappelle mon vieux père qui, en mourant heureux, me disait : « Mon fils, dans ma vie, j'ai triomphé parce que j'ai appris à rater. »"

Et un battle de critiques autour de son dernier film, clairement gagné par le second candidat :

john_warsen, (le) 27 Sep 2014 - 5:06 PM, a écrit :
"Biopic surréaliste", c'est tout à fait ça. Je n'ai pas vu les autres films de Jodorowsky, à part la moitié de La Montagne Sacrée, que j'ai trouvée bien indigeste et très datée, outrageusement fardée d'un symbolisme que je ne pouvais décoder. Ici, on est plus sobre. Tout est un peu zinzin, mais il y a des figures reconnaissables, et un arrière-plan historique juste un peu métaphorisé. J'ai l'impression que Jodo règle ses comptes, ou plutôt fait la paix, avec son papa, magnifie sa maman, et fait un peu d'auto-analyse réconciliatrice avec lui-même.Il y a aussi des Christs en rédemption partout, et des décors sympas. Bon, ça fait déjà 8 lignes pour avouer que je me suis ennuyé, sans doute que j'en attendais trop.

Kritik'd (le) 27 September 2015 - 21:00 PM a écrit :
8 lignes c'est pas mal, si t'en avais fait plus t'aurais peut-être fini par en dire du bien (t'étais sur la pente ascendante). Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce film...question de contexte d'abord:

Tout à commencé le jour où je suis allé à plusieurs séances de cinoche à trois balles, que Télérama organise annuellement pour les pauvres, les chômeurs et les orphelins. La nuit était froide et noire et à mon arrivée, des groupes de retraités avaient déjà pris d'assaut les toilettes et les caisses, ne laissant que peu de chances aux plus faibles. J'ai pourtant eu celle de voir La Danza de la Realidad à la suite de Touch of Sin, et je peux dire une chose: Danza de la Realidad est l'antidote à Touche of Sin.

Contre le néoréalisme social en mandarin, le surréalisme chaleureux du biopic chilien, ça fonctionne...sur moi. Pourquoi ? Parce que Jodorowski nous montre des choses qui ont plu à mes sens (couleurs, personnages, situations) et qui sont parvenues à m'investir dans le récit. Des thèmes comme la peur/vénération du petit garçon face à l'autorité du père, l'amour du garçon pour la mère généreuse, sont gros comme les triangles et les cercles colorés d'une toile de Miro, débordent d'une générosité qui peut finir par donner la gerbe (comme toute générosité). Mais c'est surtout visuellement que ce film m'a plu en fait, grâce aux inventions scéniques que requiert la construction d'une atmosphère surréaliste.

D'ailleurs qu'appelle-t-on surréaliste dans ce film ? Le fait que la réalité cinématographique ne soit pas la réalité objective, mesurable, scientifique, mais pas non plus celle d'une psychologie individuelle. Elle renverrait plutôt à une psychologie collective, faite de symboles qui rappellent les symboles des rêves (Les objets animés), de personnages archétypaux rappelant les personnages des contes (Le père et le roi, Exil, Amnésies, Retrouvailles) et que nous avons en tête quelque part au niveau du ça quand on pense à papa et à maman.

Bref pour filmer le film il a donc fallu filmer ces symboles de manière immédiatement reconnaissable et compréhensible: la générosité de la mère doit se voir sur la mère elle-même (ses seins), la timidité du fils également (ses longs cheveux blonds). Quand il a peur du noir, c'est en le peignant en noir que la mère le calme. Quand le père est malade, c'est en lui urinant dessus que la mère le soigne. Le symptôme caché se révèle à la caméra par l'esthétique (ou en tout cas le caractère visuel) du remède. Et ça à l'image je trouve que ça marche.

A partir de là, La Danza de la Realidad met en scène une série d'obstacles qui font intervenir l'histoire chilienne dans celle du noyau familial aux figures déjà bien délimitées. Aspect remarquable: dans le déroulement de l'histoire, le film ne décroche pas de son esthétique initiale. La vérité historique est effectivement parfois métaphorisée (le tsunami des poissons au départ est certainement la métaphore de quelque chose) mais surtout le plus souvent grossie sans souci du cliché ou de l'archétype: les communistes, les nazis et le père lui-même ressemblent à des personnages de commedia dell'arte. En tant que non spécialiste, je ne peux pas juger de la fidélité de la chose: Jodo a-t-il conservé l'histoire du Chili dans sa pantomime ? Ou non ? Tout ce que je peux dire c'est que la simplicité des situations, leur rythme et l'imprévisibilité du dénouement fonctionnent extrêmement bien à l'image.

Deux reproches: le scénario qui commence avec le fils poursuit avec le père, ce qui rend l'atmosphère surréaliste un peu forcée sur la seconde partie (ce n'est plus le point de vue de l'enfant sur son père, mais celui de l'enfant adulte imaginant le père). De plus sur cette même partie, l'enfant apparaît lors de courtes scénettes qui n'ont plus de nécessité entre elles: ce sont plutôt des sketchs où Jodo montre sa virtuosité de montreur de symboles. C'est beau mais plutôt dommage vu le projet d'ensemble.


Ma Note: 3/5

samedi 17 octobre 2015

vendredi 16 octobre 2015

I Have Read Alan Moore And Jacen Burrows’ Providence #1-5

Aah, ça y est, il est sorti ?
Bon, y'a le début, c'est déjà ça.

http://www.bleedingcool.com/2015/03/25/i-have-read-alan-moore-and-jacen-burrows-providence-1-and-its-eerily-inclusive/

Bon, moi je l'ai pas encore lu mais je l'ai trouvé ici :

http://www.bookgn.com/9055-providence-1-5-of-12-2015.html


J'avais bien aimé le Neonomicon, des mêmes auteurs.
Je l'ai lu en anglais, avec un niveau de lecture un peu inférieur aux pré-requis, comme souvent chez Moore.
Apparemment, en français, c'est un peu moins chouette, comme les chansons américaines qu'on se fait traduire, et après on est déçu, y'a moins de mystère qui rôde.


jeudi 15 octobre 2015

Deableries - Arlt (2015)

Arlt va sortir un nouvel album.



Est-ce que c'est complètement con, ou génial comme la Brigitte Fontaine de la grande époque ?
En tout cas, ça me rappelle les petites ritournelles qu'improvisait Romuald, le bélier du Génie des Alpages.


Le lien vers leur inquiétante vidéo (le player est beuggé et je ne peux pas l'intégrer sur ma page, et pensez à le mettre en 360p, sinon ça rame)

J'ai relu l'érudit article sur eux, il n'a pas pris une ride.
Alors que Moi qui vous cause, j'en ai pris plein.
C'est pas juste.

Edit :



J'ai finalement réussi à pirater le player beuggé d'Arte Raté, voici donc la chanson par laquelle j'ai découvert Arlt sur le blog du gramophone.

C'était un 22 décembre 2011, vers 15 h 45.

http://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/arlt-decoiffe-la-chanson-francaise/

mercredi 14 octobre 2015

lundi 12 octobre 2015

Martin Scorsese, l’homme qui respire le cinéma

Lu dans Le Monde :

C’est une grande pièce lumineuse, à l’étage d’une maison près de Central Park. La salle à manger de la famille Scorsese a été transformée en salle de montage. Sur les deux murs perpendiculaires à la fenêtre qui donne sur une rue calme et cossue, deux tableaux blancs se font face. Sur l’un, on peut lire le découpage de Silence, le film que Martin Scorsese a tourné au printemps 2015 à Taïwan. Sur l’autre, encore une liste de séquences  : il y est question de sorties de scène, de groupies et de musiciens. C’est le pilote de « Vinyl », la série télévisée située dans le milieu du rock et coproduite avec Mick Jagger pour HBO, que Scorsese a réalisé. Il en supervisera les autres épisodes.
Martin Scorsese, 72  ans, monte donc deux films à la fois. On est en plein été, au cœur de la canicule new-yorkaise, mais le cinéaste n’en a cure, il ne sort presque plus de chez lui. « Je ne vais même plus au bureau sur la 57e », dit-il. C’est là qu’est installée Sikelia (“Sicile”, en grec), sa société de production. «  Tout se passe ici, les réunions de scénario, le travail de préservation des films anciens. Mais j’essaie de me concentrer sur les images.  »
L’automne venu, il lui faudra pourtant s’éloigner de chez lui. A la mi-octobre, la Cinémathèque française et le festival Lumière rendent hommage à Martin Scorsese. A Paris, il présentera Taxi Driver, avec Serge Toubiana et Costa-Gavras, le directeur et le président de la Cinémathèque  ; à Lyon, il recevra le prix Lumière des mains de Thierry Frémaux et de Bertrand Tavernier, les ordonnateurs du festival, et montrera quelques-uns de ses films favoris.
« Je ne suis pas vraiment du matin »
Voilà plus d’un demi-siècle que Martin Scorsese fait du cinéma, bientôt trois quarts qu’il en respire. Au milieu des années 1960, il réalisait des courts-métrages à NYU, l’université du sud de Manhattan, tout près de Little Italy, où il a grandi. Aujourd’hui, il vit quelques kilomètres plus au nord, sur le territoire de l’aristocratie new-yorkaise qu’il a mise en scène dans Le Temps de l’innocence (1993), et dont sa femme, Helen, est issue.
Cet été, Martin Scorsese n’avait pas à assurer la promotion d’un film – Silence ne sera pas terminé avant le printemps 2016, à force de longues sessions nocturnes. «  Je ne suis pas vraiment du matin, confesse-t-il, en veste d’intérieur. La meilleure heure pour monter, pour moi, c’est entre 9 heures du soir et 2 heures du matin.  »
En attendant que David Tedeschi, le monteur de ses documentaires, arrive pour travailler sur le pilote de «  Vinyl  », Martin Scorsese prend le temps de se retourner sur un parcours prodigieux qui a fait du gamin souffreteux de Little Italy le patriarche du cinéma américain, le seul de la génération des rebelles hollywoodiens à n’avoir jamais renoncé à son indépendance, tout en conservant un public qui ne cesse de se renouveler.
« Cette part des êtres humains que ne peut pas expliquer la science »
Son dernier long-métrage de fiction, Le Loup de Wall Street, une satire grotesque et violente de l’inextinguible appétit d’argent qui a saisi les Etats-Unis dans les années 1980, est sorti il y a bientôt deux ans et a rapporté près de 400 millions de dollars (355 millions d’euros) de par le monde. Fort de ce succès, il vient enfin de mener à bien un projet qu’il a porté (ou traîné) pendant deux décennies, l’adaptation d’un roman du Japonais Shusaku Endô, situé au XVIIe siècle, pendant la persécution des chrétiens au Japon. Sur le tableau au mur de la salle de montage, l’intitulé de chaque séquence de Silence laisse entrevoir un film cruel et violent, un film «  dont la matière est une part essentielle de ce que je suis, qui parle de religion, de foi, de cette part des êtres humains que ne peut pas expliquer la science  », dit Scorsese.
Il revient longuement sur cette gestation difficile, avouant que pendant longtemps, il n’a pas été capable de mener le scénario à bien (une tâche que Martin Scorsese confie à d’autres, dans ce cas, à son vieux complice Jay Cocks). «  En même temps, il y a eu une infinité de complications juridiques [le producteur original du film, l’Italien Vittorio Cecchi Gori, a fait faillite, ses héritiers ont voulu conserver les droits]. Nous étions en 1989 ou 1990, j’ai commencé à penser à Daniel Day-Lewis, pour le rôle principal, j’ai compris que je n’avais pas le scénario qu’il me fallait. Le temps de l’obtenir, j’ai travaillé avec Daniel Day-Lewis sur Gangs of New York, mais il était désormais trop vieux pour le rôle. Il fallait donc trouver un jeune acteur qui convainque les financiers et qui, en plus, s’intéresse au sujet. »
Une activité surhumaine
Martin Scorsese a failli entrer au séminaire avant de se décider pour le département cinéma de NYU, et il ne dissimule pas un certain étonnement face aux réponses que de jeunes acteurs en vogue lui ont faites lorsqu’il leur a proposé un rôle de prêtre catholique dans Silence  : «  Ils medisaient qu’ils adoreraient travailler avec moi mais que le sujet ne les inspirait absolument pas.  » Il a fini par se décider pour le Britannique Andrew Garfield. Celui-ci peut séduire les financiers, il est le dernier Spider-Man en date. Mais ce n’est pas pour ça que Scorsese l’a choisi  : «  Je l’avais trouvé très bien dans Boy A  », une petite production anglaise de John Crowley, sortie en 2007. Le genre de film qui passe sous le radar de la plupart des grands de Hollywood, mais dont Martin Scorsese est toujours au fait.
Au fil de la conversation, on entend les noms de Hawks, Ford ou Leone, mais aussi d’Amélie van Elmbt, une jeune cinéaste belge, de sa consœur britannique Joanna Hogg ou de Joshua Oppenheimer, le réalisateur de The Look of Silence. Par admiration pour le jeune documentariste, auteur de deux films sur les massacres de 1965 en Indonésie, le reclus a accepté de sortir de chez lui et de participer à un débat en public « parce que ces films sont importants ».
Kent Jones, qui est aujourd’hui le directeur artistique du festival de New York, collabore avec Martin Scorsese depuis 1991, à ses documentaires, à son travail de conservation du patrimoine cinématographique. Il fait partie de ce groupe de fidèles new-yorkais dans lequel on trouve aussi Thelma Schoonmaker, la monteuse de tous les films de fiction depuis New York, New York(1977), les productrices Emma Tillinger et Margaret Bodde, ouDavid Tedeschi.
Il tente d’expliquer ce don d’ubiquité qui fait la singularité de l’auteur de Taxi Driver (1976), à la fois géant hollywoodien, réalisateur de documentaires qui ne sont pas tous montrés en France (Jones vient de collaborer à celui consacré à la New York Review of Books, The 50 Year Argument), promoteur infatigable de la préservation du patrimoine cinématographique et soutien assuré pour des générations de jeunes cinéastes.
Pour expliquer cette activité surhumaine, Kent Jones exhume une anecdote : « Après le 11 septembre  2001, nous avons tourné un petit film avec Marty, dans les rues de ce qui avait été Little Italy [The Lady by the Sea, 2004]. Nous sommes entrés dans l’une des dernières boutiques de fromages du quartier, et il y avait un homme qui vendait de la mozzarella depuis des décennies et n’avait sans doute jamais pris de vacances de sa vie. Il nous a dit : “Je ne suis jamais allé au travail de ma vie.” Il voulait dire qu’il faisait ce qu’il aimait. Marty est comme ça, le travail est pour lui la même chose que la vie. Bien sûr, il est un peu plus concentré et énergique que les autres. »
Difficiles années 80
Silence, avec sa cohorte de procédures juridiques, détient sans doute le record de longévité parmi les projets de Martin Scorsese. Mais il ne cache pas que la mise en œuvre d’un projet est devenue de plus en plus délicate, par rapport à l’âge d’or des années 1970, au temps où, avec Francis Ford Coppola, Brian De Palma, Paul Mazursky ou Robert Altman, les réalisateurs imposaient leur désir de cinéma aux studios.
«  Vers 1968, on aurait dit qu’un nouveau cinéma américain allait naître, très influencé par le cinéma du reste du monde, se souvient-il. Quand Mazursky sortait Alex in Wonderland [1970], tout le monde y voyait la patte de Fellini et tout le monde savait qui était Fellini. J’étais persuadé que les choses allaient tourner dans cette direction, que les grands cinéastes des années 1970 allaient continuer de se développer en tant qu’artistes et qu’on les y aiderait. Mais ça s’est arrêté dans les années 1980.  »
Aujourd’hui, Paul Mazursky est mort, Brian De Palma et Francis Ford Coppola peinent à trouver les moyens de leurs ambitions. Au début des années 1980, les studios ont repris la main, après avoir été rachetés par des multinationales américaines, japonaises ou européennes. « Ces gens avaient d’autres références que l’histoire du cinéma, ce n’était pas favorable aux films de réalisateur », déplore Martin Scorsese. Il se souvient d’une conversation avec l’un des responsables de Warner Bros, il y a déjà quarante ans  : «  Il m’a dit : “J’aimerais faire un film aussi attractif que cette attraction de Disneyland, tu sais Pirates des Caraïbes.” C’étaient pourtant les gens qui distribuaient Visconti, Boorman, Peckinpah. Ils se sont souvenus qu’ils étaient là pour faire de l’argent.  »
«  Le passage à tabac permanent  »
Pendant un quart de siècle, Martin Scorsese a pourtant continué à travailler avec les grands studios, la Warner (Les Affranchis- 1990, Les Infiltrés - 2006), Disney (La Couleur de l’argent - 1986), Universal (Casino - 1995). Jusqu’en 2006. Après le tournage des Infiltrés, immense succès qui lui a valu enfin l’Oscar du meilleur réalisateur qui lui avait échappé jusqu’ici, le réalisateur a décidé de se passer des studios et de ne travailler qu’avec des financiers indépendants. D’abord parce que les studios ne veulent plus des films qui intéressent Scorsese. «  Je ne peux pas satisfaire leurs besoins, soupire-t-il. Ils veulent des films de superhéros ou des films militants, des histoires extraordinaires de gens qui surmontent la maladie ou les préjugés. Ce n’est pas moi, je n’ai pas ça en moi.  »
En plus du fond, il y a la méthode. Le réalisateur évoque « le passage à tabac permanent, les bagarres pour chaque décision. Pas des bagarres où l’on crie, mais des vagues et des vagues de remises en question. Ce que je veux organiser, c’est une atmosphère où les financiers respectent ce que nous voulons faire. J’écoute toujours ce qu’ils ont à dire, on ne sait jamais d’où une bonne idée peut surgir ». Cette indépendance a son prix : « Je ne peux plus faire confiance qu’à deux ou trois personnes, tout repose sur moi, c’est trop par moment. Et en ce moment, le système des studios me manque. Mais je n’en veux plus. Donc je suis condamné à rester en ma compagnie. »
Et celle de quelques fidèles. A Hollywood, Martin Scorsese peut compter sur des alliés de poids, son manager Rick Yorn, l’agent Ari Emanuel (le frère de Rahm Emanuel, le maire de Chicago, et le modèle du personnage d’Ari Gold, dans la série « Entourage ») et Mike Ovitz, l’ex-super agent, aujourd’hui retiré des affaires mais qui continue de conseiller le réalisateur. Ce sont eux qui organisent le financement des films, qui permettent au cinéaste de disposer de budgets imposants – 100 millions de dollars pour Le Loup de Wall Street – là où ses contemporains doivent gratter les fonds de tiroir.
DiCaprio et Scorsese, des destins liés
Eux et Leonardo DiCaprio. Depuis Gangs of New York, sorti en 2000, les destins de Martin Scorsese et de l’ex-jeune premier de Titanic sont étroitement liés. « J’ai eu beaucoup de chance de travailler avec lui, reconnaît le cinéaste. Il aime le même genre d’histoires que moi. » DiCaprio sait aussi faire aimer certaines histoires à Scorsese. C’est lui qui l’a amené à force de persuasion à diriger Le Loup de Wall Street, une histoire que le réalisateur avait l’impression d’avoir déjà racontée, avec Les Affranchis.
Finalement, cette représentation délirante du Wall Street des années 1980 lui a permis de régler ses comptes avec la période qui fut celle de quelques-uns de ses plus grands succès, mais aussi de la perte du pouvoir : « C’est le moment où Reagan est arrivé à la présidence, rappelle-t-il. Qu’est-ce qui définissait l’Amérique ? Faire de l’argent, sans restriction. » Ce même argent, issu du marché boursier, qui trouve aujourd’hui son chemin jusqu’aux productions des films de Martin Scorsese.
Au moment de cette conversation, il affirme ne pas avoir décidé de son prochain long métrage et parle d’un projet presque aussi ancien que Silence. Tour à tour intitulé I Paint Houses ou The Irishman, c’est l’histoire d’un tueur à gages irlandais qui travaille pour le crime organisé italien. «  Ce serait avec Robert De Niro. C’est un territoire qui m’est très familier, reconnaît-il, la fin des années 1970, la pègre. Mais c’est un autre point de vue. Celui d’un homme de 72 ans. Nous voyons ça comme une manière de boucler un circuit qui nous ramène à la maison. Le sujet est important  : la confiance, la trahison, l’amour… Mais il serait surtout question de De Niro et moi.  »
Les deux hommes n’ont pas tourné ensemble depuis vingt ans, depuis Casino. Les retrouvailles attendront. Quelques jours après l’entretien, Sikelia publie un communiqué annonçant la vedette et le titre du prochain film de Martin Scorsese  : Leonardo DiCaprio dans The Devil in the White City. Un tueur, encore, mais un tueur en série, qui sévissait à Chicago, au moment de l’Exposition universelle de 1893.
« J’ai besoin d’apprendre des choses nouvelles »
Un film en costumes, avec d’imposants décors, qui consommera beaucoup de l’énergie de son réalisateur, qui ne peut jamais s’éloigner longtemps du spectacle. En parlant de ses rares (et magnifiques) «  films de femmes  » – Alice n’est plus ici (1974), Le Temps de l’innocence –, on évoque tous les films sur ce registre qu’il n’a jamais réalisés : «  Je sais, j’ai essayé. Mais… le premier impact du cinéma a été celui de l’âge classique américain. La tendance est de faire des “movies” [des spectacles, implicitement opposés ici aux « films », qui relèveraient plus de l’œuvre d’art]. Et j’ai toujours eu ce désir de faire des “movies”, et il fallait que je puise dans des choses qui me motivaient, pour pouvoir me lever, me préparer, monter dans une voiture et partir pour le plateau.  » Il répète cette fameuse pensée de Stanley Kubrick  : «  Quand on fait du cinéma, le plus dur est de sortir de la voiture.  » Parce que, rappelle Martin Scorsese, « une fois sorti de la voiture, il faut se battre contre les difficultés physiques, émotionnelles, psychologiques. Il faut donc puiser dans la passion, parce qu’il n’y aura jamais assez d’argent pour vous payer de tout ça ».
Pour préserver cet amour du cinéma, il y a d’abord les défis techniques qu’il se lance à lui-même. Comme de tourner en relief Hugo Cabret(2011), film pour enfants décidé parce qu’il voulait offrir un peu de son cinéma à sa fille Francesca, qui avait à l’époque une dizaine d’années. « J’ai besoin d’apprendre des choses nouvelles. Pas forcément de les réussir. Sur le plateau d’Hugo, avec Robert Richardson [le directeur de la photographie], quand on a posé la caméra 3D, j’ai dû redessiner chacun des plans en fonction de la profondeur. C’était une joie. Je ne dirais pas que le tournage a été joyeux, parce qu’il y a eu énormément de problèmes techniques et qu’il est difficile de faire tourner des enfants qui ne peuvent pas travailler très longtemps. Mais quelle joie d’élaborer ce moment de cinéma. »
Un «  ADN de cinéaste  »
L’autre source d’énergie, ce sont les acteurs – DiCaprio, De Niro, Joe Pesci et, plus récemment, Jonah Hill ou Matt Damon. Les actrices, aussi. Quand on lui fait remarquer le déséquilibre entre les sexes dans sa filmographie, le cinéaste en convient avant de contre-attaquer  : «  Si on prend les Oscars comme indicateur, cinq de mes interprètes hommes ont été nommés et trois ont gagné, alors que onze actrices ont été nommées et deux ont gagné. » Il énumère les noms, Ellen Burstyn, Jodie Foster, Mary Elizabeth Mastrantonio, Cate Blanchett…
C’est la première chose qui impressionne lorsque l’on interviewe Martin Scorsese : sa mémoire. A chaque entretien, un autre souvenir de cinéma lui revient : une projection de La Griffe du passé, de Jacques Tourneur, alors qu’il avait 7 ans, évoquée à l’occasion de la sortie de Shutter Island (2010), un spectacle de Chuck Berry donné dans une salle de cinéma de Manhattan, à la fin des années 1950, rappelé alors qu’il parlait de rock’n’roll sur grand écran.
Cette fois, la conversation roule sur les derniers films des grands réalisateurs, sujet inévitable quand on parle à un réalisateur et cinéphile septuagénaire. «  Je pense souvent à Resnais. A John Huston qui a réalisé Le Malin et Gens de Dublin après avoir fait bien d’autres choses moins mémorables… Et Buñuel, des films de rêve, Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté, la logique du rêve contre la société, c’est immortel.  »
D’un coup, il se reprend  : « Et puis qu’est-ce qu’un grand film  ? Quand Le Malin est sorti, est-ce qu’on s’est dit que c’était un grand film  ? Ce que je sais, c’est qu’en grandissant, j’ai aimé les films de Huston, Le Trésor de la Sierra Madre, Quand la ville dort.  »
On en revient toujours à ces années d’enfance, quand le petit asthmatique était traîné par sa mère dans les salles de cinéma, puisqu’il ne pouvait jouer avec ses camarades dans les rues. Ces longues heures pendant lesquelles s’est constituée une prodigieuse cinémathèque mentale. D’autant plus prodigieuse qu’elle a à son tour donné naissance à une œuvre.
Martin Scorsese s’en est servi pour construire son cinéma. «  J’ai fait des listes de films pour Bertrand Tavernier, explique-t-il [le cinéaste français est aussi président de l’institut Lumière, et les listes en question doivent servir à élaborer le programme de l’hommage que lui rendra le festival]. Et j’ai pensé à tous ces films qui ont directement nourri mon ADN de cinéaste. Ce sont des films qui ne tiennent pas tout à fait la route, mais ce sont les plus importants.  »
« Pour Marty, se retourner vers le passé est une joie »
D’un coup, il énumère cinq films du réalisateur britannique Carol Reed, auxquels il ajoute Chacal, de Fred Zinnemann, récit d’un attentat raté contre le général de Gaulle, auquel d’habitude les historiens du cinéma n’accordent guère d’importance. «  La première fois que je l’ai vu, je n’ai pas été transporté. Et puis le film m’a obsédé, le cadre, le rythme, la quasi-absence de musique.  » Et bien sûr, on n’a plus qu’une envie, voir ce film oublié. Comme le dit Kent Jones, «  il ne s’est pas contenté d’acquérir la connaissance et la maîtrise du cinéma, il partage ce qu’il a acquis. Pour Marty, se retourner vers le passé n’est pas un fardeau, c’est une joie.  »
Pour lui, cette joie doit être une communion, entre cinéastes et public. D’où la création de la Film Foundation en 1990 pour préserver les films de l’âge d’or hollywoodien dont la conservation était négligée par les studios, puis celle de la World Cinema Foundation lancée à Cannes en 2007 avec Thierry Frémaux afin d’étendre ce travail aux cinémas du monde.
Pour ce travail, Martin Scorsese endosse son costume de notable, faisant appel à ses amis de Hollywood, George Lucas, Steven Spielberg. Mais là aussi, il n’est pas besoin de chercher longtemps avant de trouver l’enthousiasme de l’assoiffé de découvertes, qui parlera avec la même intensité d’un film marocain, turc ou russe que d’un classique de Hawks. Pour lui, le cinéma doit être vu, revu, imprimé dans les mémoires. Le sien et celui des autres.
«  La semaine dernière, j’ai organisé une projection de La Nuit du chasseur [l’unique film de Charles Laughton] pour ma fille et trois de ses amis, raconte le père de famille. C’est un chef-d’œuvre, une expérience extatique.  » Pendant une semaine, entre Paris et Lyon, on pourra partager en direct les éblouissements et les terreurs du cinéaste cinéphile.

Thomas Sotinel (New York, envoyé spécial pour Je suis une tombe) 


Plus ça va, plus il ressemble à Woody Allen.
Quel est donc leur secret d'éternelle jeunesse, à ces deux-là ?
Est-ce qu'ils se taperaient des jouvencelles ?
Queue nainie !



dimanche 11 octobre 2015

"La Théorie de l'information", d'Aurélien Bellanger (2012)

Signalé par un ami, et lu dans le Monde :

A la fin de La Théorie de l'information, on trouve cette définition fort peu lyrique du roman et de la poésie : "Des tentatives savantes pour parvenir à encoder le maximum d'informations dans le minimum de mots." Cette description aux accents informatiques a évidemment valeur d'"art poétique", tant le premier livre d'Aurélien Bellanger semble s'y conformer, malgré son épaisseur. 500 pages serrées, c'est finalement peu, quand on ambitionne d'embrasser l'histoire des trente dernières années et les bouleversements qui s'y sont opérés - au point de nous faire entrer dans une nouvelle ère non seulement technologique mais aussi, selon l'auteur, religieuse.
Pour cela, Aurélien Bellanger, 32 ans, retrace le parcours de Pascal Ertanger, qui emprunte de nombreux traits et éléments biographiques au fondateur du groupe Iliad, la maison mère de Free, Xavier Niel (actionnaire à titre privé du Monde), sans que cette donnée dépasse le stade de l'anecdotique - l'auteur ne fait pas grand-chose de cet effet "calque".
L'histoire de Pascal Ertanger, aussi étranger à l'univers qui l'entoure que l'interversion des lettres dans son nom l'annonce, est celle d'un homme "indifférent" à la vie depuis qu'il a failli la perdre à 12 ans. Constatant alors que "le monde du dehors se déplaçait mieux sans lui", il va créer le sien, propre, à partir du langage de programmation Basic.
Tombé dans l'informatique, cet enfant des banlieues cossues abandonne ses études scientifiques pour se lancer dans le Minitel balbutiant, adossant l'empire rose qu'il se construit sur des sex-shops bien réels - ce qui lui vaudra, des années plus tard, d'être mis en examen pour proxénétisme aggravé et de faire de la prison. Millionnaire à 20 ans, il met sur pied Démon, le premier fournisseur d'accès Internet, à une époque où nul encore ne croit à ce marché. Ensuite, il y aura la création d'un boîtier unique proposant de réunir "toutes les techniques de communication du siècle passé : téléphone, radio, télévision et réseaux numériques", et l'ascension permanente de ce "baron du Web", que son génie de l'innovation isole à chaque étape un peu plus, au point de le transformer en pendant contemporain du milliardaire américain dément Howard Hugues (1905-1976). Les hommes ne retiennent pas la leçon d'Icare : ses prétentions démiurgiques finiront par tuer Pascal Ertanger.
Plus que le portrait d'un homme, plus qu'une mise en garde contre l'hubris humaine version Web 3.0, La Théorie de l'information est une épopée à l'ambition totalisante. Le propos de Bellanger se veut à la fois technologique, économique, philosophique, métaphysique, sociologique... Pour "encoder le maximum d'informations" à l'intérieur de son roman, l'ancien thésard en philosophie (sujet : "La métaphysique des mondes possibles") jalonne son récit principal, à l'écriture clinique, de documents réels ou inventés qui viennent éclairer (ou pas) les enjeux scientifiques de chaque époque, développer "la théorie de l'information" qui sert de nouvelle "théorie religieuse" à Ertanger, sans oublier des intermèdes de réflexion sur la philosophie de Leibniz ou sur la posthumanité.
Avouons-le, le lecteur non spécialiste ne saurait tout comprendre à La Théorie de l'information. S'il peut s'y égarer, l'utilisation d'un langage technique finit par produire de surprenants effets poétiques, dans sa collision avec la froideur de la trame principale, qui s'embarrasse (trop ?) peu de considérations esthétiques ("le minimum de mots"). Aurélien Bellanger, tout à ses ambitions et à son trop-plein de choses à dire, ne craint pas d'étouffer le lecteur sous le poids des informations et réflexions, ce qui affaiblit un peu le roman en l'alourdissant.
Mais il faut reconnaître à ce disciple littéraire de Michel Houellebecq (auquel il a consacré l'essai Houellebecq, écrivain romantique, Léo Scheer, 2010) d'avoir retenu plusieurs leçons de son maître. Il partage avec lui, outre une vision de la solitude humaine, un humour à froid, un don pour transformer des individus réels en personnages (on croise ainsi Nicolas Sarkozy ou Thierry Breton dans des passages savoureux). Surtout, il lui emprunte sa volonté de se saisir de pratiques considérées comme peu dignes d'intéresser la littérature. Ainsi, il aura fallu attendre 2012 pour voir paraître le premier roman hexagonal authentiquement geek. Mais Pascal Ertanger s'est toujours battu contre les retards français.

La Théorie de l'information, d'Aurélien Bellanger, Gallimard, 496 p., 22,50 €.

Un disciple doué de Houellebecq, à priori je ne suis pas enthousiaste, mais faut voir.
Je vais le lire, je vous dirai. 

samedi 10 octobre 2015

Pukhtu - DOA (2014)

Lu dans le Monde :

Une hallucinante galerie de « mecs perdus » en Afghanistan 

C’est écrit dans la courte ­notice biographique au bas de la quatrième de couverture de Pukhtu « A l’ère du Big Brother planétaire, il aime qu’on n’en sache pas trop sur lui. » Pas de photos donc, et le minimum syndical sur ses vies passées – DOA fut pourtant parachutiste dans l’infanterie de marine puis créateur à succès de jeux vidéo, avant de devenir écrivain et scénariste. Rien d’autre, en somme, que les initiales qui lui tiennent lieu de pseudonyme depuis son premier polar, Les Fous d’avril (Fleuve noir, 2004) : DOA pour « Dead on Arrival », titre original d’un film américain de 1950.
Proprement monstrueux
A 46 ans, ce natif de Lyon, qui tient ­secret son patronyme, se plaît à évoluer dans une semi-pénombre. Ce qui ne l’empêche pas de parcourir les festivals à la rencontre de ses lecteurs : « Je n’ai rien à cacher, mais rien à montrer d’autre que mes livres », résume-t-il.
Quatre ans après L’Honorable Société (Gallimard, « Série noire », 2011, Grand Prix de la littérature policière), polar terrible et jubilatoire sur les mœurs politiques coécrit avec Dominique Manotti, DOA signe son grand retour avec une fresque fascinante sur la guerre en Afghanistan sous Obama. Un roman proprement monstrueux, dépeignant le chaos d’un monde en proie à de multiples conflits, de l’Asie centrale à l’Afrique en passant par l’Amérique et l’Europe. Depuis Citoyens clandestins (Gallimard, « Série noire », 2007, également Grand Prix de la littérature policière), on connaît les obsessions de DOA pour les magouilles d’Etat, les combines des officines privées et les barbouzeries en tout genre. Pukhtu, terme renvoyant au code d’honneur des Pachtouns, s’inscrit dans cette veine et amplifie le bouillonnement du récit. « Au départ, un seul livre était prévu. J’en avais écrit les deux tiers quand j’ai tout jeté pour refaire le plan. Je ne voulais pas me louper. »
Deux ans de retard et deux tomes de 700 pages (le second est prévu en 2016) auront donc été nécessaires pour ­dérouler les multiples trames d’une œuvre qui emprunte à James Ellroy sa démesure littéraire et à Apocalypse Now sa vision hallucinée de la guerre. On y croise une galerie de « mecs perdus » : un chef de clan pachtoune enrôlé, malgré lui, dans la bataille contre la Coalition, un journaliste indépendant bien décidé à prouver l’implication des services secrets dans le trafic d’héroïne, deux agents du contre-espionnage français envoyés en Afrique et toute une bande de paramilitaires qui ont transformé les zones de combat en ­terrains de jeu et d’enrichissement personnel… Quelques figures de Citoyens clandestins, récit qui a fait de DOA l’une des valeurs sûres de la « Série noire », avec Caryl Férey et Antoine Chainas, réapparaissent également dans ce maelström de poussière, de sang et d’explosions. Sans pour autant faire de Pukhtu une suite au sens strict.
« Un amateur éclairé »
Avec DOA, il faut parfois accepter de se perdre dans un luxe étourdissant de détails et de descriptions techniques. Le fruit d’une documentation quasi encyclopédique et de plusieurs voyages en Afghanistan sur lesquels, mi-intriguant, mi-rigolard, il reste mystérieux. L’écrivain confesse : « Je n’aime pas ­l’à-peu-près, mais cela ne fait pas de moi en expert. Juste un amateur éclairé. » Sa manière à lui de mettre à nu la ­complexité du monde, « cette vaste zone grise » restituée avec exactitude, et de donner à ses personnages la densité psychologique qui fait la ­richesse de ses romans. « Ce foisonnement d’informations correspond à ce que nous vivons chaque jour. J’essaie de ne pas faire de ­leçon de choses tout en fournissant de la matière à ceux qui veulent aller plus loin. » En cela, Pukhtu suit les traces des Cavaliers, de Joseph Kessel (1967), l’un de ces livres marquants que DOA a ­découverts « tardivement » après avoir exploré toutes les facettes de la science-fiction.
A la sortie de Citoyens clandestins, certains ont vu en DOA le tenant d’une nouvelle vague droitière dans le polar français. Il y évoquait un groupe islamiste radical, une mosquée du 20e arrondissement de Paris et un tueur sans pitié. « La polémique n’a pas été bien loin. Tout le monde a vu ce qu’il voulait voir dans ce livre, explique DOA : la ­dénonciation des complots forcément fascistes de l’Etat ou le chemin à suivre pour régler les problèmes. »
La position de Jean-Patrick Manchette, père du néopolar français, était celle du tireur couché. La sienne serait plutôt celle d’un pilote de drone survolant le champ de bataille. Là où ses aînés de la « Série noire » s’affichaient très politisés, DOA préfère qualifier ses livres de « politiques ». « Ils le sont parce que j’y expose des faits sous un angle que le public ne voit pas forcément. Mais je ne lui dis jamais ce qu’il doit penser. J’utilise le réel en toile de fond et, souvent, quand on procède de cette manière, ­certains pensent que vous le dénoncez. Ce n’est pas mon cas. »
La lecture de Pukhtu, peinture dantesque d’une guerre privatisée et menée par d’invisibles avions, n’en est pas moins glaçante.

Je l'ai tâté et reniflé dans une librairie hier : on sent le gars qui a réussi ce que Dantec a foiré. Mais il fait un bon kilo, et est écrit trop gros. 
Je vais attendre qu'il sorte en poche.